a France devrait produire 40 à 43 millions d’hectolitres de vins ce millésime 2024, soit -16 à -10 % par rapport à 2023 et -10 à -3 % par rapport à la moyenne quinquennale d’après les premières prévisions publiées ce 9 août par le ministère de l’Agriculture et ses Services de la Statistique et de la Prospective (SSP). En partant sur une moyenne de 41,5 millions hl, il n’y aurait a priori pas de quoi permettre à la France de conserver le titre de premier pays producteur mondial repris en 2023 à l’Italie (tenante du titre depuis 2015).
Établies au premier août, ces premières prévisions prennent en compte un millésime difficile où « de nombreux vignobles [qui] ont été marqués par des phénomènes de coulure (chute des fleurs ou des jeunes baies) et parfois de millerandage (taille variable des baies), conséquence de conditions humides et fraîches lors de la floraison » rapporte le ministère de l’Agriculture, pointant que « le mildiou, favorisé par les conditions humides du début de l’été, touche la plupart des bassins viticoles et pourrait causer des pertes importantes » alors que les aléas climatiques ne sont pas en reste, avec « des épisodes de gel ou de grêle ». Les vendanges étant encore loin, « toutefois, les sols bien rechargés en eau pourraient limiter cette baisse de production » pondère le SSP.
Le tour de France des vignobles ressemble cependant à une litanie d’aléas dont les impacts sur les rendements semblent pourtant forts. Dans les vignes de Bordeaux, « la production devrait reculer après une récolte déjà réduite en 2023 » note le ministère, relevant de nombreux facteurs à cette baisse de production : la pression continue du mildiou ayant poussé vignes et vignerons dans leurs derniers retranchements (avec un rot brun débarquant même), sans oublier la grêle (3 500 ha dans le Libournais et 2 000 ha dans le Médoc notamment) et la coulure… Mais aussi l’arrachage : « une réduction des surfaces d’environ 8 000 ha, suite au plan d’arrachage, contribue à diminuer la production attendue » indique le ministère, alors que les friches et arrachages hors plan laisseraient plutôt voir une réduction de 20 000 ha du potentiel de production girondin… De quoi espérer un retour aux équilibres offre/demande pour l'AOC Bordeaux rouge en déséquilibre structurel.
Listant « coulure, millerandage, mildiou et épisodes de gel ou de grêle » dans le vignoble du Sud-Ouest, le ministère prévoit que la « production devrait être inférieure au niveau moyen quinquennal, après une faible récolte en 2023 ». La situation s’annonce hétérogène entre l’optimisme de la Gascogne (grâce à la mobilisation contre le mildiou, après une sévère correction en 2023), le pessimisme du Lot (où le violent gel de printemps et un mildiou virulent pèsent sur Cahors), les difficultés cumulées à Bergerac (fortes pressions mildiou et orages de grêle conséquents), les mobilisations à Gaillac (en lutte contre le mildiou après le gel) et dans le pays basque (entre coulure et mildiou)…
Baisse de rendements attendue pour le vignoble de la Champagne, où « les gelées de printemps et la grêle ont impacté le potentiel de production » d’emblée, tandis que les pluies ont favorisé coulure et mildiou (avec des situations localement tendues, comme dans l’Aube). Pour les vignes de Bourgogne, « les précipitations favorisent également un mildiou virulent qui devrait occasionner des pertes » avec une « récolte prévue inférieure à celle de 2023, qui avait été abondante » rapporte le SSP. La situation a été délicate à gérer ce millésime en Côte d’Or, témoignant des défis de la bio dans ces conditions de pluies excessives. Le SSP pointe une situation difficile dans le Beaujolais : entre mildiou, black rot et grêle, ce dernier vignoble n’a pas été épargné par le millésime 2024. Tout comme Chablis, marqué par de fortes grêles, de la coulure et du mildiou.
Le SSP prévoit également une baisse de récolte pour le vignoble d’Alsace à cause du mildiou. Dans le vignoble alsacien, on table sur 900 000 hl, aucun cépage ne devant dépasser les 70 hl/ha (même le productif sylvaner), un potentiel qui pourrait encore être réduit sous la possible pression de l’oïdium, du rot brun ou du botrytis... Même tendance baissière pour la Savoie (touchée par gel et coulure, comme Bugey) et le Jura (épuisé par le gel, la coulure, le mildiou et l’oïdium). « En Val de Loire, la pression forte du mildiou, particulièrement en agriculture biologique, devrait entraîner des pertes » poursuit le SSP, notant de la coulure. Le filage des vignes du Muscadet a frappé les esprits, mais la vigilante sérénité semble de mise en Anjou, alors que le millésime est particulièrement compliqué en Touraine (coulure et mildiou) et à Sancerre (mildiou et orages de grêle).
Pour Cognac, « les Charentes, les conditions humides lors de la floraison laissent présager une baisse sensible de la production par rapport à l’année record 2023, renforcée par un mildiou précoce » avance le SSP. Après deux millésimes à hauts rendements, les vignes charentaises tendent vers une baisse de la production de cognacs, épaulée par une réduction du rendement autorisé fixé à 8,64 hectolitres d’alcool pur/hectare (contre 10,5 hl AP/ha l’année précédente). Les vins pour eaux-de-vie affichent d’ailleurs la plus forte baisse de production attendue par le SSP en 2024 (-28 à -22 % par rapport à 2023), quand les vins IGP résisteraient le plus (-5 à -3 %) et que les vins AOP seraient en nette baisse (-16 à -9 %).


Alors que les vendanges françaises ont débuté fin juillet dans l’Aude, la situation est très variable dans le vignoble du Languedoc-Roussillon. Avec « déficit hydrique dans l’Aude et les Pyrénées-Orientales, excès d’eau dans le Gard où le mildiou est très virulent » rapporte le SSP, indiquant que « la production du bassin pourrait être inférieure à la moyenne quinquennale ». Si le stress hydrique précoce pèse sur le beau potentiel, la lutte contre un mildiou à la virulence modérée semble permettre à l’Hérault d’espérer une récolte correcte. Pour la Provence et la vallée du Rhône, « la production devrait être inférieure à celle de 2023 » avance le ministère, notant que « le gel tardif au printemps a occasionné d’importants dégâts en Provence, notamment dans les Bouches du Rhône et le Var » et que « le mildiou devrait occasionner des pertes supplémentaires ». Si le mildiou est omniprésent ce millésime de Châteauneuf-du-Pape à Valréas, le Luberon est épargné et la Provence révise à la baisse l’impact du gel et du mildiou (évoquant une réduction de 10 à 20 % des rendements). L’Ardèche a par contre été violentée par la grêle après avoir tenu face à la pression mildiou.
Si le millésime semblait jusque-là idéal en Corse, « la sécheresse devrait limiter la production qui s’annonce plus faible qu’en 2023, mais en hausse par rapport à la moyenne quinquennale » indique la note ministérielle, pointant que « par nature, ces prévisions ne peuvent prendre en compte les événements susceptibles de survenir après cette date et d’influer sur la récolte ».