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"Je ne connais pas un vigneron en Provence qui envisage d’arracher"
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Olivier Nasles
"Je ne connais pas un vigneron en Provence qui envisage d’arracher"

En Provence, « depuis deux ans, nous produisons plus que ce que nous vendons » pose Olivier Nasles, le président du syndicat des vins d’Aix-en-Provence, qui revient sur les leviers d’adaptation à court-terme et l’optimisme pour les rosés sur le temps long.
Par Alexandre Abellan Le 03 août 2024
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« Nous ne sommes pas inquiets, mais essayons de gérer en bon père de famille notre développement avec un désavantage sur la Champagne ou Cognac, nos stocks ne se valorisent jamais » analyse Olivier Nasles. - crédit photo : DR
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ortée par le Conseil Interprofessionnel du Vin de Provence (CIVP), la réserve des 3 AOC de vins rosés sera-t-elle en vigueur dès ce millésime ?

Olivier Nasles : Le CIVP a porté au ministère de l’Agriculture la demande de mise en réserve* pour les trois AOP : 10 hl/ha pour les Coteaux d’Aix-en-Provence et le Côtes-de-Provence et 13 hl/ha pour les Coteaux Varois en Provence*.

 

Est-ce pour éviter de jouer sur les rendements collectifs avec un outil individuel ?

Collectivement, nous ne souhaitions pas baisser les rendements qui pénalisent les opérateurs qui commercialisent la totalité de leur production. La mise en réserve est le seul outil de régulation dont nous disposons. Il n’est pas parfait, mais il envoie un signal fort aux producteurs sur le fait que depuis deux ans, nous produisons plus que ce que nous vendons et qu’il faut donc adapter notre production. La situation n’est pas dramatique mais préoccupante.

 

Mais avec la faible récolte qui s’annonce, n’est-ce par la nature qui régulera l’offre provençale cette année ?

Avec Éric Pastorino, le président du CIVP, nous sommes prudents sur ce point de « faible récolte » car le gel « dramatique » d’avril le semble beaucoup moins aujourd’hui… Le mildiou en Provence est largement maitrisé, nous devrions avoir une baisse de récolte de 10 à 20 % maximum.

 

Dans votre rapport moral (voir encadré), vous évoquez le déséquilibre croissant entre production et commercialisation, est-ce qu’il y a un enjeu de surproduction en creux ?

Nous avons vécu de 2017 à 2022 une explosion du marché des Vins de Provence et donc un appel d’air à produire plus. Depuis deux ans, nous assistons à ce fameux « faux plat » descendant d’environ 9 % sur l’export et 15 % sur le marché français. La production agricole n’est pas aussi simple à réguler que l’industrie, où il suffit de tourner le bouton pour arrêter la machine. Comme pour un paquebot, entre l’ordre d’arrêter les machines et l’arrêt du bateau il y a un temps de latence.

Nous savons tous que le marché français continuera à baisser dans les dix ans qui viennent, les rosés de Provence n’échappent pas à la règle même s’il baisse moins que pour les rouges. Jusqu’à présent, l’export masquait cette baisse. Celui-ci sans réellement baisser (on est à 1 % de progression depuis le début de l’année) ne progresse plus suffisamment. Il nous faut donc reprendre notre respiration et attendre l’impact « export » de l’arrivée de gros opérateur comme LVMH ou Pernod Ricard. Nous ne sommes pas inquiets, mais essayons de gérer en bon père de famille notre développement avec un désavantage sur la Champagne ou Cognac, nos stocks ne se valorisent jamais donc la régulation est plus difficile.

 

Avez-vous la crainte d’un arrachage inéluctable en Provence, temporaire ou définitif ?

Je ne connais pas un vigneron en Provence qui envisage d’arracher ni temporairement, ni définitivement. Je partage l’avis de Martin Cubertafond, l’avenir est aux blancs, aux rosés et aux effervescents dans le monde.

 

De nouvelles autorisations de plantation seront-elles demandées en 2024 ?

Nous ne souhaitons pas les réduire drastiquement. L’an dernier en Coteaux d’Aix-en-Provence, 41 hectares d’autorisations ont été délivré par FranceAgriMer, nous allons probablement demander 40 ha cette année pour ne pas couper la dynamique de plantation.

 

Quel est le calendrier pour fédérer les trois AOC du rosé de Provence en une seule entité ?

Avec les Coteaux Varois et les Côtes de Provence, nous avons finalisé l’organisation. L’assemblée générale constitutive est programmée à la fin des vendanges fin septembre.

 

* : Validé en juillet par le CIVP et désormais instruit par le ministère (pour un décret qui serait publié en novembre), l’outil de mise en réserve des vins de Provence impose à tout ressortissant de bloquer la commercialisation d’une part de son volume de production dans la limite du rendement annuel. Pour les Côtes de Provence rosés, le seuil de mise en réserve est fixé à 45 hl/ha (le rendement annuel maximal étant de 55hl/ha), pour les Coteaux d’Aix-en-Provence rosés la mise en réserve débute à 50 hl/ha (le plafond étant de 60 hl/ha), pour les Coteaux Varois en Provence le déclenchement est à 42 hl/ha (jusqu’à 55 hl/ha). Des volumes peuvent être débloqués individuellement s’il y a un contrat de vente (en vrac, par conditionnement…), un déclassement, une distillation, une procédure collective (redressement ou liquidation judiciaire) ou un évènement grave (dissolution de l’entreprise, décès du gérant, vente de l’exploitation, aléa climatique). S’il n’y a pas de déblocage collectif/individuel avant le 31 juillet 2026 pour les vins rosés mis en réserve ce millésime 2024, ces volumes sont obligatoirement déclassés (perdant l’AOP) ou orientés vers un usage industriel (destruction, distillation). « La mesure doit porter sur des transactions de première mise en marché du produit concerné » précise le CIVP, mais « la mesure ne doit pas autoriser la fixation de prix, y compris à titre indicatif ou derecommandation [ni] bloquer un pourcentage excessif de la récolte normalement disponible ».

 

"Multitude de petites causes"

« 2024, annus horribilis ? » lance Olivier Nasles ce 24 juillet lors de son rapport moral devant son assemblée générale : « Il y a des matins où l’on se dit qu’il aurait mieux valu ne pas se lever, il y a des années que nous aimerions ne pas avoir débutées ! » alors que « 2024 n’en est qu’à la moitié et la question qui revient sur toutes les lèvres est : qu’est-ce qu’il va encore nous tomber sur la tête ? En six mois, nous avons cumulé un gel qui devrait nous faire perdre environ 20 % de la récolte en Provence, des épisodes pluvieux à répétition qui mettent une nouvelle fois le mildiou à l’honneur, quelques épisodes de grêles qui comme le sel que l’on soupoudre ». Cumul climatique qui a pourri la météo de printemps et perturbé les ventes de vins rosés, météosensibles. « Et, cerise sur le gâteau un peu défraichi, le démantèlement du groupe Casino dont je rappelle qu’il est un des clients historiques de notre appellation ayant pesé jusqu’à 25 % de nos ventes… » soupire Olivier Nasles, qui épargne à ses adhérents les incertitudes politiques françaises post-dissolution et les craintes de relance des taxes Trump.

En somme, « la coupe n’est vraiment pas loin de déborder » prévient l’œnologue, se penchant sur les replis commerciaux actuels « il n’y a pas une cause sérieuse identifiée. Elle est le résultat d’une multitude de petites causes qui, mises bout à bout, nous envoient le moral dans les chaussettes. La surface revendiquée en production a progressé de 2 % par an (soit 400 ha de plus qu’il y a 5 ans), le rendement moyen a progressé de 3 à 4 hl sur la même période, les ventes à l’export ont perdu 10 % l’an dernier (mais restent stables sur le premier semestre 2024), les ventes en Grande Distribution ont perdu 15 % sur un an. Mis bout à bout, ces éléments créent une situation anxiogène, pouvant même être dramatique pour certains. » Mais cette situation n’est pas locale pour Olivier Nasles, qui appelle à regarder plus large : « cette problématique n’est pas celle des Coteaux d’Aix-en-Provence, elle est celle des Vins de Provence. Le marché est en train de nous expliquer que le problème ne se gère pas à l’échelle d’une AOP mais à l’échelle de la marque 'Vin de Provence" ! Nos trois AOP sont embarquées dans un même bateau, nous affrontons ensemble les tempêtes comme le beau temps, ce que fait mon voisin me concerne. »



 

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