u vu des conditions climatiques de l'année, beaucoup s'attendaient au pire dans le Beaujolais. « Globalement, pour ce qu'on a vécu, on ne s'en sort pas si mal même s'il y a eu localement de grosses attaques de mildiou ou de black rot, résume Bathélémy Souletie, conseiller viticole à la chambre d'agriculture du Rhône. Les dégâts se trouvent surtout chez ceux que les pluies de mai ont empêché de rentrer dans leurs parcelles pour traiter. Les vignerons qui ont pu renouveler les traitements aussi fréquemment que nécessaire ont généralement pu contenir le mildiou. Depuis mi-juillet, en revanche, on observe de grosses sorties de black rot. »
Grâce à une belle sortie de grappe en début d'année, les parcelles saines présentent à ce jour un beau potentiel. Mais elles restent à la merci de phénomènes climatiques comme la grêle qui s'est abattue en juin puis en juillet à Vauxrenard. Le 31 juillet, les grêlons sont tombés durant trente minutes, fendant les baies dans lesquelles le botrytis a parfois commencé à se frayer un chemin.


L'année n'est pas terminée mais elle est déjà « à oublier » pour Rémy Charleux, chef de culture chez la coopérative Agamy. Sur le terrain, il voit de tout : « des parcelles très jolies et saines qui approcheront du rendement autorisé, d'autres avec des raisins brûlés par le soleil, et d'autres attaquées par le mildiou et le black rot après les fortes pluies. Ce n'est pas faute d'avoir traité mais sur certains terrains qui retiennent l'humidité, le champignon s'est développé quand même. » Il s'attend à une vinification compliquée, nécessitant « un énorme tri à la vendange ».
Le président de la cave Vinescence, Thierry Locatelli, renchérit : « Face au mildiou et au black rot, les seuls qui s'en sortent sont ceux qui ne sont pas en certification Haute Valeur Environnementale (HVE) et ont pu utiliser les quelques traitements CMR (Cancérigènes, Mutagènes et Reprotoxiques) encore disponibles ! » Lui se pose désormais la question de sortir du label, et s'affiche pessimiste pour le millésime 2024. « Globalement, la récolte sera petite et pas très belle, prédit -il. Dans le Nord, ce n'est pas beau, dans le Sud, ce n'est pas beau, et au milieu où je suis, ce n'est pas beau non plus... Dans le tas, certains vignerons vont très bien s'en sortir et d'autres vont pleurer : je ferai partie de ceux qui pleurent, avec moins d'une demi-récolte. »


Si les derniers mois ont été éprouvants pour tout le monde, les bio ont encore moins bien dormi que les autres. « Ils sont tous épuisés de s'être battus toute l'année contre le mildiou, avec des réussites et des échecs, note Brieg Clodoré, animateur du groupe Dephy bio. Certains vignerons ont passé leur vie sur le tracteur ! Ils ont dû faire en moyenne treize traitements de cuivre, avec de belles doses : la plupart se tiennent au cordeau des 4 kg/ha, certains dépassent un peu. Beaucoup ont quand même perdu entre 20 et 60 % de leur récolte. Le mildiou a fait son œuvre surtout sur les parcelles basses : certaines ont été totalement ruinées. » Le succès de la protection semble s'être souvent joué sur la qualité du matériel de pulvérisation : « Ceux qui pouvaient atteindre la grappe ont pu protéger plus efficacement, observe-t-il. Mais une année comme celle-ci, on voit le risque qu'il y a à avoir de grandes superficies en bio... »
La véraison est tout juste entamée. Les prélèvements du réseau maturation, qui surveille 240 parcelles réparties dans le vignoble, débutaient ce jeudi 8 août sur les secteurs les plus précoces ayant atteint 25 % de véraison. Ils se poursuivront deux fois par semaine jusqu'aux vendanges, qui pourraient avoir lieu à partir de début septembre pour les crémants (chardonnay) et mi-septembre pour les beaujolais.