e robinet des rendements se resserre à Cognac. Réuni ce 13 juin, le comité permanent du Bureau National Interprofessionnel du Cognac (BNIC) annonce que son Business Plan prévoit pour la campagne de distillation 2024-2025 un besoin de commercialisation de 764 846 hectolitres d’alcool pur (hl AP) et fixe le rendement maximal autorisé à 8,64 hl AP/ha. Devant être validée par l’assemblée générale de la section Organisme de Défense et de Gestion (ODG) du BNIC et les comités de l’Institut National de l’Origine et de la Qualité (INAO), cette proposition affiche une baisse de 17 % par rapport aux 10,45 hl AP/ha du millésime 2023 (déjà en baisse de 10 % par rapport à l’objectif fixé à 11,5 hl AP/ha).


Ce nouveau coup de frein dans les rendements s’explique par le ralentissement des marchés de l’eau-de-vie charentaise, après des années records, et les craintes de droits de douanes punitifs, en Chine et aux États-Unis. Cognac doit encore digérer le repli commercial de 2022-2023 (« sous l’effet conjugué d’un surstockage par les distributeurs américains au lendemain de la pandémie, et d’un redémarrage moins rapide que prévu de l’économie chinoise après sa longue période de confinement » précise le BNIC. Alors que la Commission Européenne vient d’annoncer la mise en place de droits tarifaires sur les voitures électriques chinoises, le BNIC craint que l’enquête antidumping ciblant sa filière depuis le début d’année ne s’emballe désormais dans un engrenage de guerre commerciale, ce qui peut concrètement « se traduire à tout moment par des droits de douane supplémentaires, entravant la commercialisation du Cognac sur son second marché » (représentant 25 % des volumes commercialisés). Avec les élections américaines en fin d’année, « aux États-Unis, la perspective d’une alternance politique en fin d’année, mène à s’interroger également sur le retour des taxes ayant momentanément frappé le Cognac en 2021 » ajoute l’interprofession, les taxes Trump issues du conflit aéronautique Airbus/Boeing n’étant actuellement que suspendues.
« Si la filière confirme sa confiance dans la dynamique de croissance du Cognac à moyen et long terme », le BNIC pointe que l’incertitude « impose à ses acteurs une prudence et une rigueur accrues au cours des prochains mois ». Prévoyant pour le millésime 2024 « la possibilité de réaffecter des surfaces destinées à la production de Cognac vers d’autres débouchés rémunérateurs ou de prolonger le délai d’utilisation de ses droits de plantations nouvelles », l’interprofession préfère jouer la prudence pour éviter tout débordement, comme elle s'y est engagée auprès des autres vignobles. Alors que le millésime 2024 ne s’annonce pas pléthorique, la gestion de la production record de 2023 est citée en exemple par la filière charentaise. Avec une production jamais vue de 12,8 millions d’hectolitres de vin en 2023 (avec des rendements de 141,74 hl à 9,59°.alc en moyenne, soit 13,59 hl AP/ha), les opérateurs de Cognac ont pu reconstituer leurs réserves climatiques (désormais de 250 000 hl AP, quand elle stagnait auparavant à 90 000 hl AP).
Gardant la foi en l’avenir, Florent Morillon, le président du BNIC, ne se veut ni catastrophiste, ni exagérément optimiste, mais prudemment réaliste. « Les mois qui viennent vont être plus difficiles » prévient le négociant. « Cette année sera, à n’en pas douter, une année d’efforts » confirme Christophe Veral, le vice-président du BNIC, pour qui « la reprise va arriver, mais nous ne l’attendons pas pour agir. Dès cette campagne nous allons adapter ce qui doit l’être au niveau de notre production et de notre vignoble pour assurer la pérennité de notre filière. » Pour cela, « nous allons continuer à tout faire pour protéger l'accès à nos marchés, les développer, et en trouver de nouveaux » poursuit Florent Morillon, qui n’en peut plus d’être une victime collatérale : « il serait par ailleurs inacceptable que le Cognac continue d’être traité comme une variable d’ajustement, dans le cadre de dossiers politiques et diplomatiques qui ne nous concernent pas ».