i gouverner, c’est prévoir, faire corps, c’est prévenir les inquiétudes des autres... Alors que le Bureau National Interprofessionnel du Cognac (BNIC) alerte le gouvernement français sur le risque de perdre 25 % de ses ventes du jour au lendemain, s’il y a escalade entre la Chine et l’Union Européenne (enquête antidumping chinoise oblige), il adresse un message rassurant aux autres vignobles regardant d’un œil inquiet la production de vins blancs qui pourrait ne pas aller à l’alambic face à des marchés en repli (-14 % d’expéditions sur l’année glissante s’achevant fin avril 2024).
Indiquant piloter « la filière de manière très prudente » pour « gérer la nouvelle récolte qui va arriver en bon père de famille », Florent Morillon, le président du BNIC, reconnaît en conférence de presse ce 22 mai que la situation n’est pas florissante, « nous devons être très prudents, car nous rentrons dans une période difficile qui peut structurellement s’installer si le contexte international ne s’améliore pas », pour mieux souligner que l’interprofession est outillée pour éviter « que les éventuels surplus aillent sur les autres régions ». En la matière, « nous l’avons déjà bien fait, notamment avec la dernière récolte, 2023 la plus importante de tous les temps avec 13,6 hl AP/hl. Nous avions aussi un engagement vis-à-vis des autres régions de ne pas aller sur leurs marchés avec des volumes [excédentaires]. Nous avons parfaitement respecté cet engagement » indique le président du BNIC.


« L’année dernière nous avons eu une récolte record et nous n’avons pas eu une seule région de France qui est venue se plaindre à Cognac. Bien au contraire » valide Christophe Veral, le vice-président du BNIC, pointant que « la région de Cognac a sur anticiper, nous sommes allés sur des marchés qui étaient pris par l’Espagne, par l’Italie, on a augmenté nos vins sans Indication Géographique. » Le bouilleur de cru charentais ajoute que « les spécificités du vin cognaçais ne viennent pas aujourd’hui perturber les marchés du vin français : on a la chance d’avoir de l’ugni blanc et du colombard, ce sont des vins acides à faible degré qui peuvent servir aux moûts concentrés, aux jus de raisin, aux bases mousseux. » En bref, « nous sommes des gens sérieux, nous l’avons prouvé. Nous avons fait le job. Nous attendons maintenant notre récolte qui sera moindre. Ce sera l’adéquation entre le rendement de Cognac, la mise en réserve climatique et le delta qui restera » souligne Christophe Veral. Le représentant de la viticulture estimant qu’avec le millésime 2024, Cognac se dirige vers une récolte moindre (la taille étant moins belle après les belles récoltes 2022 et 2023, la pression mildiou et black-rot joue, avec des difficultés à rentrer dans des parcelles marquées par les pluies…).
Stratégiquement, « pour la partie hors-Cognac, nous travaillons avec des opérateurs extérieurs de manière à s’assurer qu’en fonction du niveau récolte, que nous ne connaissons pas, nous pourrons appuyer sur le bouton si besoin » poursuit Florent Morillon, qui « travaille par anticipation sur un certain nombre de pistes que nous n’aurons peut-être pas besoin d’utiliser. » Dans tous les cas, « le revenu de la viticulture se fera d’abord avec le Cognac » précise Christophe Veral.
Et « pour éviter le risque de fuite, le comité permanent du BNIC a voté à l’unanimité en 2023 la fermeture de possibilité de produire en deuxième feuille. Nous attendons la modification du Code Rural par le ministère de l’Agriculture » note Raphaël Delpech, le directeur général du BNIC. Précisant que pour l’affectation, une possibilité de modification de ses modalités dans le cahier des charges ne sera prise qu’avec la « certitude qu’il débouchera sur des choses qui ne perturberont pas les autres régions. Il faut une traçabilité des acheteurs pour être sûr qu’il n’y a pas de perturbation d’autres fournisseurs » esquisse le directeur du BNIC.
Devant annoncer un rendement prévisionnel en juin puis définitif en septembre, le BNIC se prépare donc à toutes les possibilités d’ici là. « Notre rôle est d’étudier les scenarri du pire en imaginant si demain il y a des taxes où ça nous amène » conclut Florent Morillon.