ans le monde du luxe, les spiritueux témoignant d’un statut social (prix dépassant 100 $ la bouteille, soit 91 €) ne connaissent pas la crise pointe Luke Tegner, consultant pour IWSR, lors d’une conférence ce mardi 28 mai durant Vinexpo Asia (Hong Kong). Si la situation économique et les incertitudes géopolitiques vont réduire la croissance des commercialisations premiums et ultrapremiums ces prochaines années, les étiquettes haut de gamme ont montré leur résilience ces dernières années. Les crises des subprimes en 2008-2009 et du covid n’ont eu un impact que ponctuel sur tendance de fond note Luke Tegner.
Le potentiel de croissance des spiritueux de luxe va être alimentée par l’Asie, qui est déjà à la tête des dépenses. La zone Asie-Pacifique affichent les plus fortes dépenses dans les spiritueux de luxe avec plus 6 milliards $ en 2022 (+22 % depuis 2017), quand on recense plus de 2 milliards $ en Amérique (+21 %) et une stabilité pour le duty-free (à moins de 2 milliards $) et l’Europe (à 1 milliard $). Ce poids asiatique ne va pas faiblir avec le développement économique de la région. Si les Amériques concentrent aujourd’hui 42 % des individus à très haut revenu (plus de 30 millions $ de biens), l’Asie qui en regroupe 26 % en 2023 affiche à terme les plus fortes croissances : +38 % d’ici 2028 (contre +25 % dans les Amériques et +22 % en Europe)
Dans ce marché des spiritueux premiums, il faut reconnaître que le baijiu écrase la concurrence, avec 83 % de la valeur générée en 2022 dans le monde par les spiritueux à plus de 100 $ pointe le consultant. En écartant cet alcool chinois par excellence, les autres spiritueux sont dominés par le Cognac, avec 42 % de la valeur en 2022, et les whiskies écossais, avec 38 % de l’activité (deux-tiers de malt et un-tiers de blend). En cinq ans, les cognacs ont perdu de leur avance, étant à 56 % de parts de marché en 2017, quand les whiskies écossais plafonnaient à 32 %. Dans l’Assie-Pacifique, Cognac affiche 57 % de parts de marché en valeur pour 2022 contre 71 % en 2017, les whiskies écossais étant passés de 18 à 34 %. En Chine, la domination charentaise reste nette : 79 % du marché en valeur en 2022, quand le whisky écossais reste à 19 %.
Dans ce contexte de concurrence croissante des whiskies écossais, « le conflit commercial entre l’Union Européenne et la Chine, qui concerne essentiellement les véhicules électriques, a le potentiel de bouleverser le marché si le gouvernement chinois applique des mesures de rétorsion » avertit Luke Tegner, qui relève « un dossier politique. Les consommateurs sont toujours intéressés par les cognacs premiums, mais la politique pourrait rompre la dynamique pour les cognacs comme pour les vins européens* » (potentiellement visés par des taxes en cas d’escalade diplomatique).


Plus globalement Cognac a deux marchés export, les États-Unis et la Chine note Luke Tegner : en Chine, la pression augmente alors que les whiskies écossais s’implantent. Aux États-Unis, la tequila se positionne sur le même mode de consommation urbain que les cognacs, mais avec des prix plus accessibles et de meilleures aptitudes pour les cocktails. « Cognac galère actuellement, toute la question est de savoir si cela est durable ou cyclique. La baisse s’annonce continue aux États-Unis, mais en Chine cela dépendra du statut maintenu par Cognac face aux whiskies » conclut le consultant.
* : Pour les vins fins, l’heure est à la normalisation du marché note l’expert d’IWSR, avec « un retour à la réalité, à des prix plus normaux » en 2023 et 2024. Le consultant note un rebond des ventes de grands crus de Bordeaux en 2023, ce qui marque un retour aux valeurs sures, les investisseurs étant plus prudents en période difficile et s’orientant vers ce qu’ils connaissent. Alors que « les prix agressifs de la bourgogne pour des marques moins connues ont réduit la demande » pointe Luke Tegner, qui affiche un « optimisme prudent pour la récupération du marché : les prix restent sous pression à court-terme ».