eux salles, deux ambiances à Bordeaux. D’un côté « un petit miracle » pour une majorité de viticulteurs, plutôt conventionnels, sortis vainqueurs de la lutte contre un mildiou exceptionnellement précoce et virulent ; de l’autre « un vrai décrochage » pour certains viticulteurs, notamment bios, dont les produits de contact ont été lessivés par les 30 mm de pluies tombés lors des orages des 14 et 17 juin derniers.
« En bio, les situations sont très contrastées en fonction des cépages et des niveaux de vigueur, mais le niveau de dégâts a significativement augmenté depuis début juillet et sera supérieur à celui de 2023, regrette David Pernet, directeur du pôle conseil de Sovivins. Certains vignerons s’en tireront avec des pertes anecdotiques mais des parcelles ne seront même pas vendangées. »


« Même si les vignerons ont bien renouvelé leurs traitements, passant jusqu’à 30 fois pendant la campagne, toujours avec une bonne raison, le cuivre n’a pas suffi à empêcher le rot brun de s’installer sur grappes » confirme Tristan des Ordons, conseiller viticole chez Phloème.
Au 16 juillet, le bulletin de santé du végétal donnait 67 % des parcelles contaminées, tous types de viticultures confondus, avec une fréquence d’attaque moyenne sur grappes de 24,5 %, et une intensité de 9,4 %. « Sur les 8 000 hectares que nous suivons, il y avait 71 % de parcelles touchées en conventionnel et 96 % en bio, avec des dégâts moyens respectifs de 10 et 40 % » précise Tristan des Ordons.
Toute la Gironde est concernée, à des degrés divers. « Contrairement à l’année dernière, la pression est énorme dans le Médoc, un peu moins dans l’Entre-deux-Mers, à Pessac et dans le Libournais » continue-t-il. Les dégâts les plus spectaculaires concernent des parcelles vigoureuses de merlot, « un cépage beaucoup plus sensible que les autres à partir du stade grains de plomb ».
En conventionnel, Tristan des Ordons a vu des vignerons perdre la moitié de leur production sur un seul passage retardé de 8 à 12 jours, le temps de pouvoir rentrer dans les parcelles. « C’est du jamais vu. Avec un programme de traitement classique, il n’y aurait plus de récolte nulle part » avance-t-il. En cours de campagne, certains ont aussi connu des difficultés à s’approvisionner en phytos. « Ils ont dû se débrouiller avec ce que les distributeurs avaient encore dans leur local, en pulvérisant parfois des produits peu efficaces ou posant des problèmes de résistance ».
Dans beaucoup de parcelles, les conseillers savent que les rendements seront aussi amoindris par la forte coulure liée à la fraîcheur et à l’humidité à la préfloraison. « C’est encore sur merlot et dans le Médoc que les pertes ont été les plus importantes, surtout dans les vieilles vignes qui présentaient des viroses, des déficits de surface foliaire, ou qui subissaient une asphyxie racinaire » détaille David Pernet. « Je vois aussi beaucoup de millerandage dans les parcelles très précoces du Libournais » ajoute Tristan des Ordons.
A l’heure de la fermeture de la grappe et du tout début de la véraison, trois semaines plus tard qu’en 2023, David Pernet est rassuré de voir enfin un temps estival s’installer. « Le régime hydrique va changer et la vigne va arrêter de pousser. Comme les baies sont moyennes, voire petites, notamment sur les cabernets, on peut encore espérer une belle qualité ».