e potentiel de production des vins français tomberait à 39,3 millions d’hectolitres ce millésime 2024, en baisse de 18 % par rapport à 2023 d’après les prévisions publiées ce 6 septembre par le ministère de l’Agriculture et ses Services de la Statistique et de la Prospective (SSP). Une nouvelle estimation en deçà des 40 à 43 millions d’hectolitres de vins estimés début août, La faute aux aléas climatiques de l’été et à une sous-estimation des effets de la coulure et du millerandage sur les rendements*. « On se fait surprendre. Je voyais une récolte moyenne dans l’Hérault, on s’est planté » témoignait ce 3 septembre Jérôme Despey, le président du conseil spécialisé vin de FranceAgriMer, notant que « c’est le cas ailleurs. Dans le Languedoc Roussillon, ça va faire partie des petites récoltes quand je vois l’Aude ou le Gard qui ne sont pas très satisfaits… Dans les autres bassins de production, j’entends peu parler de récolte normale. À Bordeaux, il y aurait une récolte plus faible que l’an passé, qui était déjà très basse. »
La production bordelaise de vin tomberait en effet en dessous de 4 millions hl, à 3,89 millions hl d’après les estimations ministérielles, soit -10 % par rapport à la petite vendange 2023. « La réduction des surfaces, dans le cadre du plan prévoyant l’arrachage de 8 000 hectares cette année, ainsi que les pertes entrainées par la coulure, le millerandage, le mildiou, et les orages de grêle contribuent à une diminution de la production » énumère le ministère. Ailleurs, « les baisses les plus marquées concernent les vignobles du Jura [NDLA : -71 % en un an après un millésime épuisant par le gel, la coulure, le mildiou et l’oïdium], des Charentes [-35 % par rapport à un millésime historiquement généreux dans un contexte commercial incertain], du Val de Loire [-35 %, avec du filage dans le Muscadet, de la coulure et du mildiou en Touraine , du mildiou et des orages de grêle à Sancerre…] et du Beaujolais-Bourgogne [-25 % avec des pluies excessives en Côte d’Or, mildiou, black-rot et grêle en Beaujolais, grêle, coulure et mildiou à Chablis…] » indique le SSP. Alors que seul le Sud-Ouest affiche une croissance de sa production (légère, à +1 %, malgré les coups durs essuyés à Bergerac, Cahors ou Gaillac), tous les autres vignobles sont en repli plus ou moins marqué : -16 % en Champagne (« en raison des gelées de printemps, de la coulure, de la grêle, du mildiou et de l’échaudage » indique Agreste), -13 % en Alsace (sous le million hl comme prévu), -12 % dans le Sud-Est (Provence marquée par un gel de printemps dans le Var et la Drôme et Vallée du Rhône où la coulure ampute la production Vaucluse), -5 % en Corse (l’impact de la sécheresse étant cependant réduit par de récentes précipitations) et en Savoie (après gel et mildiou), -4 % en Languedoc-Roussillon (où les sorties de pressoir déçoivent grandement)…
Même diminuée par le climat, la production nationale 2024 resterait supérieure aux petites récoltes 2017 et 2021 (voir infographies). Alors que la filière vin vit un millésime 2024 éprouvant, ces vendanges sont particulièrement pesantes face à l’incertitude des prochains mois : l’impact économique de la déconsommation, de l’inflation et des baisses de production inquiètent, alors que des mesures d’arrachage approche pour réduire le vignoble hexagonal excédentaire. Face aux petits prix affichés par les cours du vin en vrac, notamment en rouge, certains espèrent que la réduction de la récolte permettra de retendre les prix et de refaire de la trésorerie face aux pertes de ce millésime. D’autres doutent d’une flambée des cours alors que le marché reste chaotique et que des stocks pèsent toujours, un maintien des prix leur semblant plus probable. Et beaucoup sont comme saint-Thomas : ils ne croiront que ce qu’ils verront.
Dans tous les cas, « ces dernières semaines on voit s’opérer un abattement alors que s’aggravent des situations déjà sur le fil du rasoir en termes de résilience économique » prévient Jean-Marie Fabre, le président des Vignerons Indépendants de France pour qui « on va devoir opérer dès la rentrée un électrochoc de consolidation. Sinon il n’y a qu’une autre option : des soins palliatifs mortifères accompagnant en pente douce la fin de plus en plus de vignes en laissant faire les choses ». Même constat inquiet pour Joël Boueilh, le président des Vignerons Coopérateurs : « nous sommes à un moment de bascule ou tout un travail de fond va devoir être mené. Le sujet de l’arrachage va arriver et impacter certaines structures plus que d’autres. Le sujet de la restructuration des entreprises va devoir être pris à bras le corps. »
* : « L’estimation du mois précédent a été ajustée à la baisse en raison d’une meilleure appréciation des résultats de la floraison dans les vignobles les plus tardifs, notamment dans les Charentes » indique Agreste.