ilan alternatif : la préfecture annonce 700 manifestants à 16h30
Contactée, la préfecture de Gironde indique avoir recensé 700 manifestants pour une vingtaine de tracteurs sur la mobilisation. Les services de l'Etat précisent que le plan social de 150 millions d'euros (15 000 hectares à arracher pour 10 000 €/ha) demandé par le collectif n'est pas possible (l'aide à l'arrachage n'existant plus dans le droit européen). S'il n'y a pas de solution miracle, la préfecture indique que des pistes alternatives doivent être travaillées (comme les aides régionales issues du FEADER), une cellule de crise va être accueillie la semaine prochaine dans ses locaux. En seront membres le collectif de viticulteurs, le Conseil Départemental de la Gironde, la région Nouvelle-Aquitaine, le Conseil Interprofessionnel du Vin de Bordeaux, la Chambre d'Agriculture, l'Organisme de Défense et de Gestion de l'AOC Bordeaux et les services de l'Etat.
Si la création d’une cellule de crise tient plus de la perspective de futures réunions que solutions rapides parmi certains manifestants, les membres du collectif ayant appelé à la manifestation notent une sérieuse avancée. « Il est important de parler d’une cellule de crise. On met un mot sur les choses : nommer la crise permet de déculpabiliser » analyse Olivier Metzinger, membre du collectif. Les manifestants « ne ressortent pas avec une solution, mais avec des réponses d’urgence, de sauvetage » pointe le député Pascal Lavergne (Renaissance), soulignant « une reconnaissance de leurs situations extrêmement tendues, qui peuvent être fatales. Mettre autour de la table la MSA, la Chambre d’Agriculture et le Crédit Agricole va permettre de trouver des solutions évitant des gestes définitifs. Ça n’empêche pas de continuer à travailler sur des outils d’arrachage, on ne pourra donner de vision au vignoble qu’en équilibrant sa production. » À l’origine de la manifestation et scandées dans le cortège, les demandes d’arrachage d’urgence restent en effet en suspens.
Les tracteurs repartent, les manifestants se dispersant dans le calme.

Reçue pendant 80 minutes par la préfète de Région, la délégation des manifestants ressort avec l’annonce de la création d’une cellule de crise, active dès la semaine prochaine et réunissant des membres de la filière vin (dont le collectif à l’origine de la manifestation), des institutions (MSA, chambre d’agriculture…) et des banques (Crédit Agricole…). « Il ne fallait pas rêver que l’on ressortirait avec un chèque pour l’arrachage » déclare au micro Didier Cousiney, appelant tous les viticulteurs en difficulté à se faire connaître auprès des services de la chambre d’agriculture de Gironde. Avec ces déclarations, il s’agit de recenser les entreprises fragiles pour les aider, explique Bastien Mercier, membre du collectif. Selon le niveau d’urgence, des dispositifs seront mis en place pour éviter le pire. Soulignant une avancée, Bastien Mercier note l’utilité de la manifestation pour appuyer les demandes collectives.
14h04 : Arrêt du cortège, pas des conversations
« Il faut vite trouver des aides pour avoir des outils adaptés aux problématiques de chacun » pointe la sénatrice bordelaise Nathalie Delattre, ajoutant qu’« aujourd’hui, il faut arriver à que les viticulteurs vivent décemment de leur métier. On a tous en tête l’image de châteaux prospères, ce n’est plus la réalité du terrain. La grande majorité des viticulteurs du bordelais est touchée, pas seulement les vracqueurs. »
« Les pouvoirs publics n’ont pas pris conscience de l’ampleur du problème » rapporte Dominique Guignard, président de l’AOC Graves,soulignant que derrière l’image des grands crus se trouve un vignoble dans le dur : « il faut réduire la voilure, produire moins tout en gardant de la compétitivité ».
Entre les CRS et les vignes de la ligne de tramway, le cortège approche de la préfecture.
13h37 : La Région soutient les demandes, sans avoir de fonds fléchés
Sortant de l’échange avec les porte-paroles, le président de Région se joint au cortège pour aller à la préfecture. « Il faut un arrachage et un plan social » déclare-t-il. « Ce dont a convenu, alors même que le ministère de l’Agriculture m’a passé la patate chaude, alors que l’on n’a pas le droit, même sur des fonds européen, c’est que l’on interviendra sur la partie installation et conversion » ajoute Alain Rousset. La foule chahutant et huant, le président réagit : « je dis les droits que la Région. On fera le boulot que vous demandez, on vous accompagnera. » S’engageant à associer la filière aux échanges avec le ministère, Alain Rousset est remercié et applaudi par la foule.
« État, Région : où sont vos solutions ? » répètent les manifestants pendant le rendez-vous d’une délégation avec les représentants de la Nouvelle-Aquitaine.
Remontant vers la Région Nouvelle Aquitaine, le cortège réunirait 1 500 participants selon Didier Cousiney, indiquant se baser sur une estimation des Renseignements Généraux.
S’étalant le cortège scande des chants et interpellations pour appeler au soutien du vignoble.
Souriants face à l’ambiance bon enfant de la tête de cortège, les Bordelais croisant le défilé découvrent à la même occasion les revendications viticoles. Les plus attentifs restent les enfants face à cette vision inhabituelle de tracteurs.
12h25 Passage par la place Gambetta
« La politique est l’art du possible » disait Léon Gambetta. Ce que pourraient répéter les manifestants réunis ce jour.
Les tracteurs mettent du tigre dans leurs moteurs.
Pour la Saint-Nicolas les vignerons n’ont pas de liste de Noël mais des demandes d’aide d’urgence à l’arrachage.
Les ceps restent à la porte du Civb.
11h58 : Minute de silence
À la mémoire des viticulteurs ayant mis fin à leurs jours, le cortège respecte un instant de recueillement.
11h50 : Arrêt perturbé devant le Civb
Pendant une mounaque à un arbre devant l’interprofession, le porte-parole alerté : « l’heure est grave, nous sommes au devant d’une catastrophe. Il faut absolument que les politiques obtiennent un plan d’arrachage volontaire et définitif. » Alors que des cris sont lancés (« dissolution de l’interprofessionnel, rendez l’argent… »), Didier Cousiney indique qu’aujourd’hui « on ne tire sur personne ».
11h35 : Le convoi s’élance
Départ de l'esplanade des Quinconces sous les klaxons.
Les ceps et les mounaques pour la minute de silence.
Les élus en tête de cortège.
11h25 : Départ du cortège« Ce n’est pas une fête aujourd’hui » pose Didier Cousiney, le porte-parole du collectif, lançant la marche. 25 tracteurs ouvriront le cortège, pour amener des ceps morts devant le Civb et respecter une minute de silence devant un pendu symbolisant les vignerons ayant mis fin à leur jour pour qu’il n’y ait pas de nouveaux deuils indique Bastien Mercier, membre du collectif. « Haut les cœurs » lance Didier Cousiney.
10h50 : Le gouvernement appelé à trouver une solution coûte que coûte
« Le gouvernement doit trouver 100 millions d’euros d’urgence. Des fonds FEADER, avec un chèque de l’État remboursé par l’Europe… je ne sais pas » déclare le député médocain Gregoire de Fournas (Rassemblement National). « Il est dingue que la France contribue de 10 milliards d’euros par an à l’Europe et qu’il n’y ait pas de solution pour 100 millions € » estime l’élu d’une circonscription touchée par la crise : « les viticulteurs sont très discrets. Ils ont une forme de pudeur. La situation est catastrophique. Il y a aussi la question des Prêts Garantis par l’État. S’il n’y a pas de solutions rapides, dans quelques mois/semaines il y aura des faillites. On n’est même plus au stade de la décapitalisation, on est au pied du mur. »
10h35 : « Il faut lever un impôt » pour ce propriétaire de grand cru classé
Président de l’appellation Pessac-Léognan, Jacques Lurton a appelé ses membres à manifester ce 6 décembre. « Je suis ultra-solidaire » résume ce propriétaire d’un cru classé de Graves et de domaines dans l’Entre-deux-Mers. Appelant la filière à montrer sa capacité à se gérer, Jacques Lurton milite pour que des fonds d’aides à l’arrachage soient levés localement avant d’en demander à l’Europe, à l’État et aux collectivités. « Le problème est devenu urgent, il faut sauver des gens dans des situations désespérées. Bordeaux est aussi responsable de la situation. Nous avons une Cotisation Volontaire Obligatoire (CVO) qui peut être une solution pour lever des fonds. 4 centimes par litre, c’est beaucoup pour un viticulteur de Bordeaux générique. Mais 12 centimes au litre c’est peanuts pour un viticulteur de Pauillac. Certaines appellations peuvent être solidaires. Il faut lever un impôt obligatoire pour aider ceux en difficulté » explique Jacques Lurton, militant pour une refonte des organisations girondines : « le système prouve qu’il ne fonctionne plus que pour certains grands crus et certaines marques ».
Les 16 tracteurs mobilisés sont à l’arrêt et les manifestants attendent la formation du cortège. Le départ est annoncé pour 11h, le temps d’accueillir les derniers manifestants.
La foule se masse, sans atteindre le millier attendu. Si certains évoquent les retards liés au trafic bordelais, d’autres regrettent l’effet coup de massue des difficultés économiques, poussant des opérateurs à se renfermer et à ne pas se mobiliser pour tenter d’obtenir des évolutions collectives.
9h40 : Des écharpes manifestent
Parmi les maires et élus présents à la manifestation, le point avec le député de la majorité Pascal Lavergne : « ma présence était indispensable, je suis élu de l’une des circonscriptions les plus viticoles de France, qui souffre beaucoup. Ce sont des exploitations familiales en Bordeaux et Bordeaux Supérieur qui sont en première ligne. J’alerte depuis 2020, au moment de la distillation de crise, sur le besoin d’aides structurelles. Aujourd’hui il y a urgence. Il faut une réponse très rapide pour créer un outil en capacité de répondre à l’impératif d’arrachage. Nous produisons au moins un million d’hectolitres de trop. Mais on ne peut pas demander à l’État de l’argent public sans réfléchir à l’usage de ces terres face aux enjeux de souverainetés alimentaires, énergétiques et de production de protéines végétales. J’espère que cette manifestation aura pour pour finalité de faire comprendre l’urgence au plus haut niveau de l’exécutif : Bercy qui tient les clés, la première ministre et le président de la République. »
Accueillant des tracteurs, le cortège doit partir pour rejoindre le cours du 30 Juillet (où se trouve le Conseil Interprofessionnel du Vin de Bordeaux, CIVB), puis la place Tourny, le cours Clémenceau, la place Gambetta, la rue Judaïque, la rue du Château d’Eau, la rue Jean Fleuret, la rue Marguerite Crauste, puis la rue François de Sourdis afin d’arriver à 13h30 devant la préfecture de la région Nouvelle-Aquitaine.
Évoqués lors de la réunion de préparation du 28 novembre dernier, les slogans sont « un plan social pour la viticulture », « pas de paysan, pas de paysage », « arracher pour sauver des vies », « avoir tant de bons vins et ne pas pouvoir manger de pain », « viticulture = le plus gros employeur de Gironde », « viticulture à terre = économie de Gironde à genoux… »
9h20 : « On est tous en difficulté »
Venant en solidarité avec les revendications d’autres vignerons, un viticulteur de Targon explique que « de toute façon on est tous en difficulté ». En témoignent deux ouvriers viticoles venus en soutien avec le vignoble : Cédric Puaud des vignobles de la Trogne et Robert Barthe des vignobles Coullonges. « Les viticulteurs arrivent au bout. Il faut se bouger pour les aider. Certains n’ont plus l’argent pour faire le plein ou réparer leurs tracteurs. S’il n’y a plus de patrons, il n’y a plus d’ouvriers » déclare le premier (à gauche sur la photo). « Les vins sont à l’intérieur des cuves, qui sont remplies. Les vignerons sont pris à la gorge. Pour aider à la reprise des jeunes il faut des aides pour repartir » explique le second.
9h15 : Arrivée des premiers tracteurs vignerons accompagnés de coups de klaxon et des sirènes policières
Pour réchauffer l’atmosphère et réunir les troupes, un feu de ceps est allumé au niveau de la colonne des Girondins. « La situation est chaude. Ça devient très compliqué. Je suis installé depuis 1998 et le négoce ne fait pas son travail. Il n’est pas le seul responsable, mais ça doit bouger » témoigne un viticulteur de Capian, intéressé par un arrachage pour réduire son vignoble.
Occupée par la brocante, la place bordelaise accueille de premiers manifestants épars et des forces de police, attendant l’arrivée de bus venus du vignoble. Alors que de premiers médias réalisent des interviews, un manifestant glisse : « la presse précède la manif… On ne sait pas combien nous serons… » Un chiffrage aussi inconnu et suspendu que l’estimation des surfaces à arracher.
Serpent de mer gonflant avec les difficultés commerciales des dernières années (déconsommation française de vins rouges, crise covid, repli du marché chinois…), l’arrachage est un sujet de débat depuis au moins 2019, avec un vote de refus du syndicat des Bordeaux et Bordeaux supérieur sur 5 000 hectares. Le dossier était revenu en 2020 pendant la crise covid, portant sur 8 à 10 000 ha. La demande est formulée clairement depuis ce printemps 2022, avec le discours du 23 mai de l’alors président de l’interprofession bordelaise, Bernard Farges, et la réunion publique du 13 juin au Pian-sur-Garonne, dont est issu le collectif de vignerons à l’origine de la manifestation du 6 décembre.
Devenue nationale (avec des demandes naissantes de plantations différées en Côtes-du-Rhône et Languedoc, assorties de distillation), la question de l’arrachage des vignes excédentaires à Bordeaux est soutenue dans la forme, en termes de besoin, mais divise dans le fond, dès qu’il est question des outils et financements à mobiliser. Alors que les représentants girondins prônent l’utilisation des fonds européens de l’Organisation Commune du Marché vitivinicole (OCM vin), d’autres élus du vignoble français veulent sanctuariser les capacités d’investissement et de restructuration de la filière vin, ajoutant que la réglementation européenne ne permet plus d’arrachage primé définitif et qu’un outil plus rapidement déployable serait l’aide à la reconversion des Fonds Européens Agricoles pour le Développement Rural (FEADER).
Ayant pris ses fonctions ce printemps, Marc Fesneau, le nouveau ministre de l’Agriculture a rencontré cet été des représentants et parlementaires du vignoble bordelais avant de trancher cette rentrée pour la solution privilégiée du FEADER. Cette enveloppe européenne étant gérée par la région Nouvelle-Aquitaine, cette façon de transférer le sujet ne plaît pas particulièrement aux politiques locaux. Cette solution FEADER ne convainc pas non plus tous les vignerons demandeurs d’arrachage, le dispositif de reconversion impliquant d’arracher pour investir dans de nouvelles cultures (élevage, maraîchage, bois…). Si l’outil peut répondre aux demandes de vignerons souhaitant continuer le métier avec mois de vignes et plus de diversité dans leurs revenus, il n’est pas adapté aux vignerons souhaitant partir à la retraite (sans perspectives de succession) et aux retraités n’ayant plus de fermiers sur leurs parcelles (ce qui leur redonne un statut de vignerons).
Alors que la tension sociale monte en puissance et urgence (avec des craintes répétées de drames familiaux), le collectif des viticulteurs de Bordeaux demande une aide de l’État de 10 000 €/ha pour arracher les 10 à 15 000 ha qui seraient excédentaires. Si rien n’est acquis, il demeure une certitude : l’arrachage ne sera pas la solution aux difficultés commerciales des vins de Bordeaux. Pour relancer le premier département viticole de France, il faut adapter les profils produits, diversifier la gamme, porter une offensive commerciale… Comme l’esquisse la feuille de route d’Allan Sichel, le nouveau président du CIVB.