n cet automne 2022, « la tendance est compliquée » résume Denis Guthmuller, le président du Syndicat Général des Vignerons des Côtes du Rhône. N’ayant pas les chiffres arrêtés de sa production pour le millésime 2022, l’appellation rhodanienne table sur une augmentation de 5 % de sa vendange par rapport à l’an passé. Soit « une récolte plutôt moyenne basse » analyse Denis Guthmuller, « ce n’est pas volumique, mais significatif ». Avec une baisse de 3 % des transactions de vin en vrac sur la campagne 2021-2022 et l’augmentation des stocks à 12 mois de commercialisation au début de la campagne. 2022-2023, les déséquilibres entre offre et demande sont exacerbés, dissipant les incertitudes encore récentes sur le besoin de réduire le vignoble rhodanien et ses stocks.
Votée ce 25 octobre par le conseil d’administration de l’Organisme de Défense et de Gestion (ODG), la demande d’arrachage définitif et de distillation de crise pour rééquilibrer le vignoble est portée ce 10 novembre devant le conseil de bassin viticole Vallée du Rhône-Provence. Des demandes qui ne sont pas chiffrées actuellement (en termes de surfaces à arracher ou de volumes à distiller), mais qui sont urgentes pour redonner de la visibilité et des perspectives de développement indique Denis Guthmuller. Ces demandes rhodaniennes s’inscrivent dans la consultation régionale des besoins d’outils structurels et conjoncturels (de l'arrachage à 10 000 €/ha pour Bordeaux à la distillation de 100 000 hl de vins rosés en IGP Vaucluse).


Dans les Côtes du Rhône, « depuis trois campagnes, nous avons une consolidation des stocks. C’est le stock de roulement qui pèse, de façon très différenciée selon les opérateurs, entre ceux qui manquent de vin et ceux qui en ont trop » indique Denis Guthmuller. Le président des AOC Côtes-du-Rhône et Côtes-du-Rhône Villages pointe une accumulation d’effets conjoncturels, avec des marchés toujours plus instables depuis la crise covid, et structurels, avec une baisse de la consommation « que l’on constate comme beaucoup d’AOP génériques rouges sur nos marchés historiques, comme la grande distribution française. En dix ans, notre activité y a diminué de 40 %. » Lourdes, les tendances actuelles de consommation change la donne : « tous les opérateurs doivent avoir en tête qu’il n’y a plus d’attente de marchés volumiques à prix tirés. Ces consommateurs ne sont plus là où consomment moins » explique Denis Guthmuller.
Le président de l’ODG défend non seulement un redimensionnement de l’offre en vins rouges, mais aussi une restructuration du vignoble pour développer la production de vins blancs, dont le doublement d’ici 2030 est un objectif de filière. Pour soutenir cette réorientation pendant la période de transition qui s’ouvre, Denis Guthmuller demande la possibilité de replantation différée. Soit un arrachage temporaire avec une indemnité de non-récolte. Une demande retoquée l'an passé au niveau européen, mais qui permettrait de basculer des vignobles du rouge vers le blanc : « actuellement, il y a trop de vins rouges sur le marché. Nous avons besoin de vins blancs demain. Autant arracher, laisser les terres se reposer et planter » indique le président des Côtes du Rhône.
Affirmant son optimisme dans la capacité de rebond du vignoble rhodanien, Denis Guthmuller souligne la nécessité de « pouvoir accompagner ceux en difficulté et ceux qui vont bien pour se développer ». Si son point de vigilance est de ne pas désinvestir dans le vignoble pour arracher, la piste d’utilisation des fonds européens d’Organisation Commune du Marché Vitivinicole (OCM vin) ne semble pas privilégiée par le ministère de l’Agriculture au vu des difficultés réglementaires (l’arrachage n’étant plus autorisé dans la Politique Agricole Commune, PAC). Évoquée, la possibilité de recourir aux Fonds Européens Agricoles pour le Développement Rural (FEADER) pour financer l’arrachage doit être précisée (y compris dans le soutien financier de l’État).
En attendant des avancées sur les demandes d’arrachage définitif, de distillation de crise et de replantation différée, les Côtes du Rhône travaillent à un plan d’action pour soutenir leurs commercialisations ces prochains mois. À noter que l’interprofession, Inter Rhône, vient de valider en assemblée générale, ce 4 novembre, la création d’une réserve interprofessionnelle. Son objectif étant d’adapter les volumes disponibles aux équilibres du marché (blocage en cas d’excédent, libération en cas de déficit). Pas de quoi tout résoudre reconnaît Denis Guthmuller, mais ces outils nourrissent la stratégie d’adaptation du vignoble rhodanien pour les prochaines décennies.