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Bordeaux défend une sortie de crise d’arrache-pied de vigne
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Arrachage primé
Bordeaux défend une sortie de crise d’arrache-pied de vigne

Devant l’abandon de vignes et la déprime de vignerons, l’interprofession veut convaincre d’autres régions françaises et européennes de débloquer des fonds communautaires pour l’arrachage de parcelles excédentaires.
Par Alexandre Abellan Le 24 mai 2022
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Bordeaux défend une sortie de crise d’arrache-pied de vigne
« Il faut impérativement trouver des solutions rapides » déclare Jean-Marie Garde, « Si Bordeaux porte seul le sujet, cela n’aboutira pas » estime Bernard Farges, aux côtés des négociants Allan Sichel et Lionel Chol. - crédit photo : Alexandre Abellan (Vitisphere)
C

ri du cœur ce 23 mai pour conclure l’assemblée générale du Conseil Interprofessionnel du Vin de Bordeaux (CIVB). « Nous avons une situation viticole actuellement dramatique. Un certain nombre d’exploitants viticoles n’ont plus les moyens financiers d’entretenir leurs vignobles, qui partent à l’abandon, qui deviennent des friches » alerte depuis l’auditoire Franck Jullion, le président des vins de Blaye Côtes de Bordeaux, indiquant que « nous avons également une partie de nos populations qui n’arrive pas à entretenir ses vignes parce que l’âge leur interdit. Il s’agit de nos aînés. Ils ont fait vivre pendant 40 ans la viticulture bordelaise. Il y a longtemps que leurs enfants sont partis de l’exploitation familiale. Les vignes ont été cédés à un voisin en fermage, qui a depuis été dénoncé. Le vignoble est devenu pour eux un fardeau. Il est grand temps que notre génération s’occupe de nos aînés. Que dire d’une génération incapable de s’en soucier ? »

Applaudi par l’auditoire, le vigneron prend à témoin les parlementaires pour leur demander de permettre aux propriétaires souhaitant se séparer de leurs vignes d’avoir une aide pour subvenir aux coûts d’arrachage (de l’ordre de 2 000 euros l’hectare). « On vit un accident industriel » renchérit Dominique Techer, de la Confédération Paysanne, notant qu’« il y a des gens qui n’ont plus les moyens de vivre » et s’indignant : « qu’est-ce que l’on fait ? On attend que les gens se flinguent ? »

Il y a urgence

« Il y a urgence à trouver des solutions » confirme Jean-Marie Garde, le président de la Fédération des Grands Vins de Bordeaux (FGVB), reconnaissant que « la surface plantée en Gironde est trop importante par rapport à nos commercialisation (4 millions d’hectolitres). Il faut réduire la voilure pour rebondir. » Et ajoutant que « lors du dernier conseil d’administration de la FGVB, nous avons pris décision de trouver solution en mobilisant toutes nos forces vives. Il faut maintenant trouver une solution pour financer l’arrachage. » Si le diagnostic d’une surproduction structurelle date (depuis 2020 pour l’arrachage, et 2019 pour un déstockage conséquent), la solution échappe encore à la filière girondine.

« Les textes européens ne permettent pas, aujourd'hui, de financer l'arrachage définitif avec de l'argent public. Rappeler cela ne veut pas dire que nous sommes contre l'arrachage, cela veut dire que ces textes doivent être changés pour y remédier » indique dans son discours d’ouverte Bernard Farges, le président du CIVB, pour qui « il ne s'agit plus de savoir s'il faut réduire les surfaces de vignes en production, car ceci est en cours, il s'agit maintenant d'agir pour organiser, accélérer, orienter cette réduction utile pour tout le monde. »

Lobbying viticole

Mobilisant les relais nationaux du vignoble bordelais*, l’impasse réglementaire actuelle persiste pourtant. Sur ce dossier de la prime à l’arrachage, « nous sommes la seule région... jusqu'à présent… car la crise se dessine dans d'autres vignobles et ce sujet frémit ailleurs, maintenant » glisse Bernard Farges, qui ne souhaite pas citer de région, mais invite à observer les tendances de commercialisation des vins rouges (et à pondérer les performances des vins blancs à l’aune de la pénurie causée par le gel 2021).

« Il y a 2 ans, tous les vignobles et toutes les couleurs distillaient. Ce sujet structurel n’est pas propre à Bordeaux » estime le viticulteur bordelais en conférence de presse. Ne communiquant pas de surfaces à arracher pour rééquilibre les vins de Bordeaux, Bernard Farges rapporte que toute la difficulté sur ce sujet est que « tout le monde veut aller sur le sujet de l’après, mais le sujet est de voir comment changer maintenant les textes européens ». Notant que si seul Bordeaux porte le dossier, il n’y aura pas d’avancées, le président du CIVB souligne que d’autres pays européens devront également se mobiliser pour négocier des aménagements avec la Commission Européenne.

D’autres pistes existent

S’il doit convaincre en France et en Europe, le vignoble de Bordeaux doit aussi créer l’unanimité auprès de son négoce. Loin d’être conquis par ce principe de réduction des surfaces. Face aux enjeux de surproduction, « il y a plusieurs pistes : celle de l’arrachage revient souvent. Aujourd’hui, d’autres régions françaises semblent inspirées par la mesure. Je ne vous cache pas qu’au niveau du négoce un certain nombre de personnes se disent que d’autres pistes existent : comme abandonner l’AOP pour aller vers d’autres productions (IGP et VSIG), avec des profils répondant aux demandes actuelles » indique ainsi Allan Sichel, le vice-président du CIVB, pour qui « le tout est que cela se fasse dans des conditions économiquement viables. Le sujet de l’arrachage est une piste. Quand l’outil sera possible, il faudra que l’interprofession se penche dessus. »

Pouvant rassurer le négoce, et les opérateurs n’étant pas en difficultés commerciales, Bernard Farges précise qu’au niveau des aides communautaires, « il n’est pas question d’aller chercher de l’argent sur le volet de promotion, mais sur la restructuration du vignoble et les investissements aux chais ». Le viticulteur bordelais note qu’avec la flambée des coûts des matières premières, « dans les prochaines années il est possible que la France n’utilise pas tous ses fonds européens, qui seraient alors renvoyés à Bruxelles ». Leur proposition d’aide à l’arrachage serait alors une façon d’ouvrir une nouvelle voie d’utilisation des fonds européens pour apurer la situation pendant 3 à 4 ans. « Ce sujet est difficile et tant qu'un seul vignoble le porte, nous n'avons aucune chance d'aboutir, mais nous agissons pour y parvenir ! » martèle Bernard Farges, ajoutant que « nous travaillons aujourd'hui à rendre ce choix possible ».

Vu du vignoble, « C’est un problème de volonté, de respect et de dignité » résume Franck Jullion lors de son intervention.

 

 

* : Soit Stéphane Héraud qui préside l’Association Générale de la Production Viticole (AGPV), Jean-Marie Garde qui siège à la Confédération Nationale des Vins AOC (CNAOC) et Jean-Samuel Eynard qui appartient à la Fédération Nationale des Syndicats d’Exploitations Agricoles (FNSEA).

 

 

 

 

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Tous les commentaires (2)
AV Le 24 mai 2022 à 10:30:44
"faute de marché", et à qui la faute ? c?est pas eux qui avait dit il y a quelques mois qu'il y avait une reprise a Bordeaux? a force de faire des choix discutables, de penser que les grand crus et la chine pouvait tout sauver, l'absence de remise en question, l'uniformisation des gouts, le poids enorme de certains dans la distribution.... et maintenant, on va demander une aide pour arracher.
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J.Henry DAVENCE Le 24 mai 2022 à 07:22:13
Il faut arrêter de subventionner l'irresponsabilité des représentants viticoles à coup de primes européennes. Ce sont les mêmes qui demandent l'arrachage aujourd'hui qui ont demandé les nouvelles plantations hier. L'argent européen ne devrait servir qu'à financer des mesures positives...
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