eçu ce 3 août par le ministre de l’Agriculture, Marc Fesneau, l’aéropage des représentants du vignoble bordelais et des parlementaires de la majorité porte nombre de demandes partagées par le reste du vignoble national : l’évolution de la moyenne olympique pour l’assurance climatique, l’allongement du remboursement des Prêts Garantis par l’État, l’abondement d’un fonds d’urgence suite aux orages de grêle de juin 2022… Et une demande d’aide à l’arrachage primé pour résorber le déséquilibre structurel entre offre et demande de vins rouges qui pèse sur les performances économiques du vignoble girondin (le premier département viticole de France avec 108 000 hectares de vignes). Lancé cette fin mai à Bordeaux, le sujet est depuis devenu national, du soutien de principe des vins AOC à l’intérêt « bienveillant » des Côtes-du-Rhône.
« Aujourd’hui, si certains peuvent avoir des pistes différentes [pour arriver à l’arrachage], rien n’est évident. On veut garder toutes les portes ouvertes pour arriver à notre objectif commun : obtenir un arrachage primé le plus vite possible » explique Bernard Farges, le vice-président du Conseil Interprofessionnel du Vin de Bordeaux (CIVB), qui porte une demande exprimée à l’unisson par la viticulture et le négoce (balayant toutes divergences, notamment sémantiques : « les arrachages primés sont toujours réversibles, les parcelles arrachées ne sont pas gelées » indique Bernard Farges). Pour le viticulteur de l’Entre-deux-Mers, « l’important c’est que le potentiel diminue. Plusieurs pistes sont ouvertes : aujourd’hui rien n’est sûr, rien n’est garanti. Nous sommes d’accord sur l’idée, nous prendrons la meilleure solution. »
« La filière viticole girondine s’est réunie pour présenter unanimement sa demande d’arrachage au ministre » résume Régis Falxa, le président des Vignerons Indépendants de Gironde, qui souligne une belle synergie : « on est alignés sur le fond pour l’arrachage, on parlera ensuite de la forme ». Le vigneron de l’Entre-deux-Mers note qu’il est pour l’instant prématuré de parler de chiffres (surfaces, prix, durées…), qui ne sont que du vent sans cadres budgétaires et réglementaires concrets.


Comme évoqué lors de sa rencontre avec la filière vin fin juillet, le ministre de l’Agriculture a rappelé que l’aide à l’arrachage primé n’existe plus dans les textes européens, mais qu’un travail départemental d’objectivation des besoins est nécessaire (notamment entre vignobles souhaitant déplafonner les rendements butoirs et bassins voulant réduire leur voilure). Faire avancer la demande d’arrachage ne sera pas facile, par manque d’aisance budgétaire et de textes le permettant, souligne le député girondin Pascal Lavergne (Renaissance), qui indique avoir fait remonter au ministre « la situation extrêmement tendue du vignoble bordelais, que je connais depuis 35 ans et où je n’ai jamais vu des gens dans des situations avec aussi peu de perspectives. J’ai peur de drames humains, il y a des situations extrêmement douloureuses. » L’élu de la douzième circonscription (Cadillac, Saint-Macaire, Sauveterre-de-Guyenne…) se rappelle notamment de l’angoisse vigneronne perçue lors de la réunion publique du Pian-sur-Garonne (le 13 juin dernier).
Au final, « le ministre va faire travailler ses services sur le vecteur juridique le plus efficace. Entre une attaque frontale sur les textes européens, qui peut en énerver certains et faire perdre du temps, ou une démarche plus adroite » rapporte Jean-Samuel Eynard, le président de la Fédération Départementale des Syndicats d’Exploitants Agricoles (FDSEA 33), notant que l’écoute du ministre est d’autant plus positive que ses services doivent revenir vers les représentants des vins de Bordeaux d’ici la rentrée. Comme le rappelle le vigneron des Côtes de Bourg, « il y a une vraie urgence, face au grand désarroi des vignerons, entre incapacité à mettre des vins sur le marché, la succession d’aléas climatiques, la hausse des prix des matières premières… toutes les planètes sont alignées dans le mauvais sens à Bordeaux. »