evenu un sujet de débats dans la filière du vin français, la demande d’aide à l’arrachage définitif officiellement portée par le vignoble de Bordeaux depuis un mois s’affiche à l’ordre du jour du conseil d’administration de la Confédération Nationale des Vins et Eau-de-vie AOC (CNAOC) se réunissant ce 23 juin (à Paris). « Nous avons décidé tout simplement de soutenir la demande et de la porter » résume Jérôme Bauer, le président de la CNAOC, indiquant que « Bordeaux est aujourd’hui dans une situation qui n’est pas conjoncturelle, mais structurelle [NDLR : avec la déconsommation des vins rouges, la fermeture du marché chinois, etc.]. Ils ont un besoin d’arrachage que l’on comprend tous. D’autant plus que Bordeaux a peut-être créé une émulation auprès d’autres régions. » Si aucun bassin viticole n’est sorti du bois, la vallée-du-Rhône adopte un regard « plutôt bienveillant » face à ce possible outil de gestion des déséquilibres entre l’offre et la demande.
Donnant un soutien de principe, le vignoble AOC demande désormais des précisions sur les modalités du dispositif (surfaces concernées, montant des primes, conditions d’accès pour éviter les effets d’aubaine, destination des parcelles arrachées…), et surtout son financement. Une récente proposition bordelaise évoquait un mécanisme d’utilisation des fonds européens de l’Organisation Commune du Marché Vitivinicole (OCM vin) normalement consommés en Gironde au financement de la restructuration et des investissements au chai (soit une vingtaine de millions d’euros par an, sachant que l’on évoque dans le vignoble bordelais l’arrachage nécessaire de 15 à 20 000 hectares de vignes). Cette idée d’un recours aux fonds OCM ne fait pas consensus dans la filière, interpelant ceux qui veulent orienter les fonds européens vers la construction et non la destruction du vignoble, ainsi que ceux ne souhaitant pas régionaliser les aides communautaires. Des aides prises à l'échelle régionale seraient possibles selon de premières analyses, ce qui pourrait aussi permettre d’aller plus vite (l’arrache primé n’étant plus inscrit dans la Politique Agricole Commune, il faudrait l’y réintégrer avant toute chose).


« Il y a besoin de travailler » indique Éric Tesson, le directeur de la CNAOC, qui rapporte que « les professionnels ont demandé de réaliser une réunion spécifique à brève échéance, avant les vendanges, pour regarder ce qui pourrait être envisagé. Ça concerne tout le monde, directement ou indirectement », d’autant plus qu’est exprimé « un caractère d’urgence » dans le vignoble bordelais. « Il faut d’abord écrire le projet et penser l’outil pour savoir où chercher un financement » avance Jérôme Bauer, qui souligne qu’il faudra également étudier des contreparties aux demandes d’arrachage pour démontrer de la volonté « de prise en main » des filières régionales (comme des critères sur les attributions de demandes d’autorisation de plantation de vignes nouvelles, l’engagement de ne pas replanter de vignes pendant une durée donnée sur les parcelles arrachées, une contrepartie environnementale avec des jachères ou du boisement pour la biodiversité…). Comme d’autres vignobles*, la filière des vins de Bordeaux travaille à une réserve interprofessionnelle pour gérer les à-coups de production : le volume régulateur. Aucune demande de distillation n'a été faite durant cette réunion de la CNAOC.
Présente lors des dernières réunions de crise du vignoble bordelais, la sénatrice de la Gironde Florence Lassarade (Les Républicains), vient de poser une question sur le financement de l'arrachage au ministre de l'Agriculture, Marc Fesneau. Souhaitant une modification de la réglementation européenne, l'élue y demande « la mise en place d'un financement public pour l'arrachage des vignes dans le Bordelais, actuellement en surproduction » ajoutant que « les représentants de la viticulture bordelaise demandent de pouvoir arbitrer au sein des aides de l'Union européenne entre restructuration, investissements de chais et arrachage pendant 3 ou 4 ans à l'échelle des régions viticoles ».
* : Avec des réserves interprofessionnelles en finalisation pour les IGP Pays d’Oc, l’IGP Méditerranée et les cépages AOP d’Alsace.