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Il faut "éviter une déprise viticole anarchique" à Bordeaux
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Tribune
Il faut "éviter une déprise viticole anarchique" à Bordeaux

Sa moustache est l’inévitable poil à gratter de toutes les réunions d'instances politiques des vins de Bordeaux. Dans cette tribune, retranscrite en intégralité, Dominique Techer est moins le porte-parole de la Confédération Paysanne que d’un vignoble en souffrance qui demande des solutions d’urgence. Sans oublier de s’attaquer aux Cotisations Volontaires Obligatoire (CVO).
Par Dominique Techer (tribune) Le 29 juillet 2022
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Il faut
Ancien maire de Pomerol, Dominique Techer a aussi participé à la défense collective des vins bio de Gironde. - crédit photo : DR
B

ordeaux traverse une crise historique et la question de l’arrachage s’invite enfin à la table. Il aura fallu pour cela un mouvement spontané des vignerons eux-mêmes, pour bousculer une institution fossilisée. Le spectacle des vignes abandonnées, comme le drame social silencieux qui va avec, n’échappent visiblement qu’aux officiels. Tous les prétextes et les faux -arguments ont été utilisés pour faire espérer le retour des « jours heureux » à des vignerons qui ne savent plus à quoi croire : le covid, les taxes Trump, la Chine etc. On a usé et abusé des respirateurs bancaires pour retarder les échéances. Mais les faits sont têtus : Bordeaux a un potentiel de production de 5 millions d’hectolitres et en vend 4 au mieux. Ce chiffre est probablement surestimé, vu la récession déjà en cours et les restrictions énergétiques majeures prévues à partir du deuxième semestre. Au bas mot, comme nous le disons depuis des années, il y a autour de 30 000 hectares de vignes qui n’ont déjà plus de marché. Les chais sont pleins et les trésoreries à sec.

Il faut être clair sur le diagnostic. Le vin n’occupe plus structurellement l’espace comme au vingtième siècle. La France a terminé sa déchristianisation, le repas familial comme institution assez patriarcale a fait place à la restauration hors domicile et au réfrigérateur en libre-service. La génération du baby-boom, clientèle historique, arrive en fin de course et le vin a perdu sa place prépondérante dans l’imaginaire des jeunes, qui sont les amateurs de demain. Ce monde du vin s’est industrialisé, rationalisé, robotisé et a perdu son âme, sa place symbolique de rapport à la terre et au vivant. Ce sont les petites brasseries de bière artisanales qui ont repris ce flambeau. L’idéal du wine business c’est maintenant l’intelligence artificielle, les outils autonomes, guidés GPS, si possible sans intervention humaine. Certains nous proposaient même de « vinifier avec notre smartphone » ! On recherchait autrefois les vins de vignerons passionnés et originaux. Qui va aujourd’hui rêver aux vins des robots ? Va-t-on ré-enchanter le vin en passant du rapport à la terre au mirage de la technologie 2.0 ? Là encore, on a une représentation professionnelle totalement décalée par rapport aux idées et préoccupations qui travaillent en profondeur toute la société.

Un tel aveuglement des instances chargées d’orienter stratégiquement les appellations de Bordeaux étonne. Un ancien président de l’interprofession, siégeant à FranceAgriMer, déclarait encore récemment que la crise était conjoncturelle et pas structurelle ! Ce qui explique la politique expansionniste du CIVB de « restructuration du vignoble-modernisation des chais » qui a lourdement endetté les vignerons, au moment même où le marché se contractait.

Consentement aux taxes

L’interprofession se contente donc maintenant d’assurer l’administration du désastre, de faire « comme si » elle orientait quelque chose d’autre que des intérêts particuliers. Ça ne l’empêche pas de demander, comme si de rien n’était, la reconduction de l’accord triennal validant le niveau des Cotisations Volontaires Obligatoire (CVO). Mais avant de demander cette reconduction, en toute honnêteté, il faudrait demander à tous les cotisants un vote de confiance explicite. Il va bien falloir s’assurer du consentement aux taxes et de la confiance dans la gouvernance actuelle. Et si cette confiance n’était pas confirmée, il faudrait alors mettre fin au jeu de chaises musicales entre quelques dizaines de personnes pour se répartir les postes.

L’heure est grave à Bordeaux, mais sans doute aussi dans d’autres vignobles. Il faut prendre acte de la diminution du périmètre économique de la viticulture. Il faut prendre acte du chaos climatique qui s’installe et qui interroge lourdement sur l’agriculture qui restera possible demain : les vignerons présents à Tech&Bio le 7 juillet ont été « sonnés » par les prévisions concrètes d’évolution climatique présentées par les Chambres d’agriculture. 

Il faut prendre acte de la fin de la mondialisation heureuse, synonyme de libre et fluide circulation des marchandises et des capitaux. 

Que les professionnels de la représentation viticole arrêtent donc de défendre des petits pré-carrés, des assiettes de cotisations assurant des fonctionnements confortables et d’émollientes rémunérations, et se préoccupent enfin des vrais enjeux et des humains qui sont derrière tout ça.

Il n’y aura donc pas de solution purement viticole aux problèmes actuels.

Monoculture intensive

On ne peut pas envisager de tamponner les effets du chaos climatique dans une stratégie purement « filière ». Cette crise peut être l’occasion, si tous les acteurs prennent leurs responsabilités, de restructurer une agriculture girondine trop imprégnée par la monoculture intensive de la vigne. C’est un plan d’ensemble, notamment sur le plan foncier, qui est nécessaire pour éviter une déprise viticole anarchique. L’arrêt de la culture de la vigne ne doit pas déboucher sur des paysages défigurés par une série de confettis de friches, de pseudo « fermes solaires » ou de plantations industrielles d’arbres servant d’alibi « vert » à de gros consommateurs d’énergie fossile. Les terres les plus adaptées à des cultures alimentaires doivent être restructurées dans des unités viables. Et un véritable plan d’accompagnement de ces installations doit se mettre en place.

Pour cela, il faut que chacun réalise, à l’heure de la crise alimentaire mondiale où chaque état cherche à retenir ses ressources alimentaires, l’importance d’une agriculture locale et surtout autonome. Le financement de cette mutation doit devenir une priorité.  Avons-nous encore les moyens d’investir 14 milliards d’euros (budget prévisionnel...) dans une Ligne à Grande Vitesse (LGV) pour gagner 30 minutes entre Bordeaux et Toulouse, au moment où des pans entiers de notre société partent en ruine ? Faut-il investir dans un nouveau projet agricole garant de notre sécurité alimentaire ? C’est le véritable choix de société.

 

 

 

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Tous les commentaires (7)
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PHat Le 03 août 2022 à 17:00:24
Il ne faut pas en vouloir á D Techer qui nous fait simplement partager l'angoisse des petits producteurs, sa clientèle. Ne l'imaginons pas dans la peau d'un boulanger dont le pain ou le croissant ne fait plus envie ou tout autre commerçant dont la clientèle, la vraie , celle qui paie pour un produit ou un service, passe son chemin et n'achéte plus. Il est trop loin de la réalité commerciale, la vraie angoisse, celle que l'on ressent quand tout nous échappe et fait lâcher prise á celles et ceux qui ne sont pas préparés. M. Techer et les vignerons qu'il représente peuvent ils faire confiance á des personnes de bonne volonté mais surtout de grande experience et de vision pour trouver les solutions et casser la vrille fatale dans laquelle la région s'est faite piégée? Je ne crois pas.
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Dubourdieu franck Le 02 août 2022 à 13:48:27
Remercions Alexandre ABELLAN et Vitisphere d?ouvrir cette tribune à D TECHER sur le désastre viticole qui touche les AOC de la base et principalement les ventes en vrac. Faire le constat que Bordeaux a trop planté sans considérer à partir de 2000 les nouvelles plantations de nos cépages rouges, hors Bordeaux et surtout dans les pays du NM, est une évidence. Fallait il accélérer les arrachages subventionnés et interdire toutes plantations ? A la surproduction liée à 30 000 ha de trop (sic) s?ajoute l?erreur majeure d?avoir investi depuis cette époque des millions d?? dans la marque ombrelle « Bordeaux ». Cette vision politique pour aider les plus faibles, n?a pas empêché le désastre, mais pire a jeté l?opprobre sur l?ensemble du vignoble bordelais. Les 2000 à 2500 vignobles indépendants pris en tenaille entre le Bordeaux de base à l?agonie et les GGC, ont été ostracisés, Devant cette situation on conçoit que nombre de vignerons indépendants, n?aient plus envie de payer les CVO à une institution (CVB) qui les conduit au chaos. Ils doivent prendre le pouvoir sans plus tarder pour orienter la.communication sur la richesse du vignoble bordelais : les 2000 à 2500 vignerons indépendants dont nombre d?entre eux produisent des vins au rapport Q/P imbattable. Franck Dubourdieu
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Alexandre Abellan, redacteur en chef de Vitisphere Le 01 août 2022 à 08:54:00
Bonjour, Suite à vos interrogations, cette tribune a été ouverte par ma proposition à M. TECHER suite à son intervention lors de la dernière assemblée générale de l'interprofession du vin de Bordeaux, le CIVB, où il était le seul à porter frontalement des interrogations entendues dans le vignoble bordelais. Cette lettre ouverte avait pour vocation de préciser ses propositions. Le pluralisme des analyses politiques viticoles est un fondement de notre site d'information, qui souhaite alimenter les échanges d'idées sur le sujet de la crise économique pesant depuis des années sur le vignoble bordelais, premier département viticole de France. Vitisphere assurant un travail d'information sans parti pris, il est évident qu'il n'y a pas eu de rémunération pour cette lettre ouverte, dans un sens ou dans l'autre. Notre rédaction reste ouverte à toutes les contributions et idées, tout en se réservant le droit d'y donner suite selon les modalités qu'elle jugera opportune. Vous souhaitant une bonne journée, Alexandre Abellan
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J.Henry DAVENCE Le 01 août 2022 à 06:34:24
Mr Techer a-t-il payé pour cette tribune???? Est-il un nouveau journaliste de la vigne? Sans juger du contenu de ce papier, il me semble qu'il y a un parti pris politique très fort. D'autres personnalités bordelaises ou non pourraient également souhaiter s'exprimer aussi librement et profiter du porte voix vitisphère. En auraient-ils réellement la possibilité? Qui à vitisphère a proposé et accepté de publier cette tribune? A.Abellan, B.Collard, C.Steph...? Vitisphère un organe de presse de "propagande"? Merci à la rédaction d'éclairer ma lanterne.
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MG Le 29 juillet 2022 à 18:48:19
Ah la confédération paysanne qui rêve du gosplan. Si c'est un problème d'élu, c'est aussi un problème d'électeur. Le consentement aux taxes est un délire soviétique : une taxe est due même si on ne reçoit pas de contrepartie.
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Medocon Le 29 juillet 2022 à 12:11:19
Délenda Carthago est . Il faut revenir à la surface de 1990 de gré (c?est une souffrance) ou de force (par toute les faillites) Le problème c?est que tout les organismes dirigeants (Odg, civb, ?.)vivent sur le dos des viticulteurs et ne veulent pas perdre les cotisations à l?ha.
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Benji Le 29 juillet 2022 à 07:54:14
La confédération paysanne en donneuses de leçons ! La surproduction est évidente à bordeaux et les surfaces trop nombreuses le constat est réel ! Par contre l?agribashing constant fait par la confédération et tout leurs amis militants des ong devraient être dénoncés car les vins de Bordeaux en sont bien les victimes ! Faire croire que le bio est l?avenir et que tout les autres sont mauvais est le cheval de bataille de ces militants complètement déphasés des réalités agricoles et économiques! Bizarrement toujours aucun journaliste sérieux ne s?intéresse à ces ong et ce pseudo syndicat qui gangrènent la société faisant ainsi le bonheur de nos concurrents à l?international ( baisse de qualité,augmentation des normes ,distorsion de concurrence,travaux mécaniques déplus en plus nombreux ,etc) au détriment de nos productions française et des emplois qui en decoulent ! Pauvre france qui préfère écouter ces militants improductifs avec la complicité des medias plutôt que de défendre nos productions françaises qui sont les plus suivies,normées et contrôlées au monde
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