L’acide fumarique inhibe la fermentation malolactique (FML). C’est pour cet usage que la Commission Européenne l’autorise, suivant l’avis de l’Organisation Internationale de la Vigne et du vin (OIV). En pratique, il servira surtout sur blancs et rosés pour conserver leur fraîcheur sans ajout de SO2. « Il peut également avoir un intérêt pour les vins rouges car, ajouté vers 1010 de densité durant la fermentation alcoolique (FA), il peut retarder la FML si la FA est languissante. Ainsi, on évite les malo sous marc qui peuvent engendrer une piqûre lactique lorsqu’il reste des sucres », ajoute Daniel Granès, directeur scientifique de l’Institut Coopératif du Vin (ICV). Notant le grand intérêt de cet acide, l’ICV ne le commercialisera pas pour autant, estimant que beaucoup d’autres fournisseurs sont sur le coup.
En effet, Laffort, Lamothe-Abiet, Sofralab, IOC ou encore AEB s’apprêtent tous à en vendre pour les vendanges 2022. « C’est un outil intéressant. Son efficacité pour bloquer les FML est importante. Sa rémanence est de plusieurs semaines tant qu’il n’y a pas d’activité levurienne », explique le service développement et innovation de Laffort, qui va proposer FumaricTRL très prochainement.
« Nous pensons que cet acide sera intéressant à Cognac, sur les vins de base distillation, où le SO2 est interdit, mais aussi sur des vins blancs et rosés pour lesquels on veut bloquer la FML et augmenter la fraîcheur. En effet, cet acide apporte de la tension et de l’acidité, comme tout acide. En bouche, il ressemble un peu à l’acide citrique », complète Galdric Nogues, responsable de la gamme fermentaire de Lamothe-Abiet.
Sofralab, l’entreprise regroupant Martin Vialatte, Oenofrance et la Station œnotechnique de Champagne, a participé aux essais visant à montrer l’intérêt de cet acide, tant pour bloquer la malo que pour acidifier. « Il diminue le pH au même titre que l’acide tartrique. On peut facilement perdre 0,2 à 0,3 unité de pH lorsqu’on ajoute plus de 1 g/l d’acide fumarique. Cependant, comme il est peu soluble, il faut un volume d’eau conséquent pour le dissoudre, que l’on finit par ajouter au vin. C’est pourquoi son usage pour l’acidification est toujours en cours d’étude », explique Christophe Morge, le directeur scientifique de Sofralab. Bien qu’il acidifie les moûts et le vin, l’acide fumarique ne peut donc pas être employé dans ce but jusqu’à nouvel ordre.
S’agissant de son intérêt antibactérien, l’IOC est plus dubitatif que ses concurrents. « Nous allons en proposer mais ce n’est pas la solution miracle. Le chitosane nous semble plus intéressant grâce, notamment, à son action contre les bactéries acétiques et à sa neutralité sensorielle», commente Olivier Pillet, responsable développement produits œnologiques.
Pour sa part, AEB va proposer un mixte pour stabiliser les vins après la FA. « L’acide fumarique est un antibactérien uniquement. Dans notre nouveau produit Protect F, nous y ajoutons du chitosan pour élargir le spectre antimicrobien aux Brett et des tanins pour leur côté anti-oxydant », explique André Fuster, œnologue du groupe AEB.
Quant à Chr Hansen, fabricant de biotechnologies, il fait l’impasse. « Nous préférons provoquer la FML avec des souches de bactéries citrate négatives, qui produisent très peu de diacétyle. Après cela, les vins blancs ou rosés n’ont pas de lourdeur aromatique qu’ils peuvent avoir après une FML classique. Et les vins sont plus stables. Ils ont besoin de moins de SO2 », défend Nicolas Prost, responsable des ventes chez Chr Hansen.
L’acide fumarique n’en est pas moins un nouvel outil pour remplacer le SO2 sur les vins dont on veut bloquer la malo. Dans ce cas, il s’emploie entre 300 et 600 mg/l après FA. Et, comme les conditions de sa persistance d’action sont encore mal connues, il reste conseillé de sulfiter les vins avant mise, par prudence. Sans annoncer de prix de vente, les fournisseurs s’accordent pour dire qu’il sera très proche de celui de l’acide tartrique et moins sujet aux fluctuations. Un coup de frais, dans la mallette des vinificateurs.
L’aspergillopepsine I est, quant à elle, loin de faire l’unanimité auprès des fabricants. Seuls deux d’entre eux vont commercialiser cette protéase qui est une alternative à la bentonite : Oenobrands, avec Rapidase Proteostab et Erbsloeh, avec Trenolin ProStab. En effet, elle dénature les protéines présentes dans les moûts ou les vins pour éviter la casse protéique. Mais les conditions d’emploi sont très particulières. « Il faut chauffer le moût ou le vin entre 60 et 75 °C pendant une ou deux minutes puis refroidir immédiatement après. Dans ces conditions, la chaleur déplie les protéines pour que la protéase puisse les dénaturer complètement. Ce chauffage n’impacte en rien la qualité des moûts et des vins », indique Annabelle Cottet, responsable des ventes chez Oenobrands.
Erbslöh n’est pas tout à fait de cet avis. Ce fournisseur recommande l’enzyme uniquement sur moût. « Nous pensons que son impact aromatique est moindre sur moût que sur vin et nous la conseillons particulièrement aux caves qui feraient déjà du cracking sur leurs vins blancs ou rosés », précise Lorraine Dumont, chef produit et œnologue chez Erbslöh. Un équipement de thermovinification ou de flash-pasteurisation est donc nécessaire si l’on veut utiliser cette aspergillopepsine.
Annabelle Cottet voit d’autres intérêts à ce produit. « Il n’y a pas de perte de volume contrairement à la bentonite avec laquelle on peut perdre de 5 à 10 % de vin alors qu’elle ne stabilise que partiellement les vins. Et il n’y a pas non plus d’effluents à la suite de l’utilisation de la protéase », énonce-t-elle.
L’enzyme sera disponible sous forme liquide, à la dose d’emploi de 5 ml/hl. Sans indiquer de prix, Annabelle Cottet précise que ce traitement coûtera plus cher qu’à la bentonite.
« Cette enzyme fonctionne très bien, mais nous ne l’imaginons pas chez nos clients car sa mise en œuvre est compliquée », estime Galdric Nogues de Lamothe-Abiet. Pour Lallemand, « les caves en France ne sont pas équipées pour utiliser la protéase. Nous allons la commercialiser à l’étranger », annonce Sandra Escot. L’aspergillopepsine ne semble pas prête à déloger la bentonite.
Autre solution pour diminuer le sulfitage, le traitement à haute pression discontinue des raisins et des moûts semble prometteur. « Les levures et bactéries sont éliminées par des forces de cisaillement appliquées sur la vendange ou le moût lors de leur passage dans des tubulures à haute pression. En sortie de traitement, le milieu est ainsi exempt de tous micro-organismes, sans impact sur sa qualité », explique Ypsicon Advanced Technologies, basée à Barcelone. La société espagnole détient le brevet international de cette technologie et propose des équipements dédiés depuis 2021, fonctionnant selon les modèles entre 50 et 10 000 l/h, dont Ypsicon ne dévoile pas le prix. « Nous développons plusieurs projets avec des caves espagnoles leaders du secteur vinicole. Nous n’avons pas encore de distributeurs en France mais nous sommes ouverts pour toute collaboration », indique Leo Moreta, cofondateur d’Ypsicon.
En Espagne toujours, Agrovin est ravie de la nouvelle réglementation européenne qui autorise les ultrasons pour favoriser l’extraction des composés aromatiques, de la couleur et des tanins des raisins. Elle attendait ce feu vert depuis 2014, année où elle a développé le prototype d’Ultrawine Perseo, dédié à cet usage. « Cette technologie permet de réduire le temps de macération de 50 % et donc le coût énergétique associé, d'environ 15 % », détaille Alicia Pérez, directrice marketing chez Agrovin. Elle s’applique aux raisins foulés. L’appareil est disponible en trois versions, traitant de 3 à 9 000 kg/h. Là encore, pas de communication sur le prix.
Repérée par La Vigne au Sitevi 2019, l’entreprise italienne TMCI Padovan est également sur le coup avec un équipement dénommé Sonitus. « Des caves françaises provençales étaient intéressées pour réaliser des essais, mais ils n’ont pas pu se faire à cause du Covid. Nous espérons y aller cette année », indique Ernesto Dalla Cia, responsable export de TMCI Padovan.
Pour Bucher Vaslin, la nouvelle réglementation est un soulagement. Cette société cherche également à améliorer l’extraction des composés des raisins, mais avec un autre procédé : les champs électriques pulsés (CEP) qui viennent d’être autorisés. « Cela nous enlève une épine du pied puisque jusqu’à aujourd’hui les vins issus de ce traitement devaient être déclarés comme expérimentaux. Les volumes traités étaient donc faibles », explique Benoit Murat, responsable commercial. Bucher Vaslin a acheté le brevet pour cette technologie portée initialement par l’Institut français de la vigne et du vin (IFV) et la société toulousaine Leroy Biotech. « Nous la testons actuellement dans l’hémisphère sud. Puis nous proposerons des tests aux vignerons et aux caves intéressés en France. Mais nous n’allons pas commercialiser d’appareil cette année », indique Pascal Noilet, responsable projets chez Bucher Vaslin.
Pour Sofralab, aussi la nouvelle réglementation simplifie la réalisation d’essais. Cette entreprise travaille sur les billes adsorbantes de styrène-divinylbenzène qui piègent la géosmine, molécule responsable des goûts moisis terreux (GMT) dans les vins. « C’est une bonne alternative au charbon. Nous finalisons un pilote qui sera mis en service dès ce printemps », confie Christophe Morge. La société étudie sa commercialisation auprès de prestataires de services plutôt que de caves. « Les GMT sont souvent millésime-dépendants. La prestation de service nous paraît plus adaptée aux besoins des vignerons que l’équipement en propre », commente-t-il.
La Commission Européenne corrige aussi une anomalie en ajoutant la concentration partielle des moûts et des vins dans la liste des procédés Å“nologiques autorisés. Cette concentration peut avoir lieu par déshydratation, osmose inverse, évaporation partielle sous vide ou sous pression atmosphérique ou cryoextraction. Elle ne peut pas aboutir à une augmentation de plus de 2 % du degré naturel du moût ou du vin. « Augmenter le degré alcoolique n’est pas vraiment d’actualité en France, mais de nouveaux pays producteurs pourraient y avoir recours », commente Christophe Morge, directeur scientifique de Sofralab.