u premier septembre, le vignoble français devrait produire 37,4 millions d’hectolitres de vin d’après les nouvelles prévisions publiées ce 9 septembre par le ministère de l’Agriculture et ses Services de la Statistique et de la Prospective (SSP). Soit une légère augmentation de 3 % par apport à l’historiquement faible vendange 2024 et une sacrée réduction de 7 à 12 % par rapport à l’estimation du 8 août dernier, située entre 40 et 42,5 millions hl. Entre les deux prévisions, le coup de chaud, ou de séchoir, de la canicule d’août a desséché les raisins, alors que la grêle frappait ponctuellement (notamment dans le Gers). Si des vignerons se projettent sur une hausse des rendements 2025 (comme certains vignerons épargnés dans les Pyrénées-Orientales), la canicule estivale a globalement diminué le poids des baies et précipité les vendanges face aux accélérations de maturation.
« Les fortes chaleurs et la sécheresse en août ont affecté plusieurs vignobles, en particulier dans les Charentes (8,2 millions hl, -10 % par rapport à la moyenne 2020-2024), en Bourgogne-Beaujolais (2,2 millions hl, stable) et en Languedoc-Roussillon (9,4 millions hl, -5 %) » indique le SSP pour expliquer la baisse du potentiel de production en un mois, ajoutant que « la réduction des surfaces viticoles - avec plus de 20 000 hectares arrachés depuis la dernière récolte dans le Bordelais, le Sud-Ouest ou le Languedoc-Roussillon - contribue également au recul des volumes ». De quoi alimenter les critiques dans la filière vin sur l’inexactitude récurrente des publications précoces d’estimation des vendanges, alors que se font de plus en plus sentir les effets du dérèglement et des aléas climatiques.
Si l’art des prévisions est par définition incertain (le SSP prenant à chaque publication des pincettes*), les derniers millésimes ont mis en défaut les capacités de prédiction des services ministériels, ayant tendance à sous-estimer les baisses comme les hausses de potentiel de production. Pour le pluvieux millésime 2024, la première prévision du 9 août oscillait entre 40 à 43 millions hl en août, puis tombait à 39,3 millions hl annoncés en septembre, à 37,5 millions hl en octobre et à 37 millions hl en novembre, quand le chiffre définitif est de 36,26 millions hl (-10 à -16 % par rapport à la fourchette prévisionnelle initiale. Autre mouvement en 2023, avec en yoyo après un départ de premières prévisions entre 44 et 47 millions hl en août, basculés à 45 millions hl vin en septembre, puis 46 millions hl en octobre et 47 millions hl en novembre, quand la récolte définitive s’élève à 47,89 millions hl (-8 à +2 % entre le réel et la prévision initiale).
En 2022, la première prévision d’août se situait entre 42,6 et 45,6 millions hl, pour s’affiner à 44 millions hl en septembre, puis 44,55 millions hl en octobre et 45,4 millions hl en novembre, quand le chiffre final est de 46 millions hl (+8 à +1 % par rapport aux prévisions initiales). Après un fort gel en 2021, la première estimation envisage 32,6 à 35,6 millions hl en août, mais remonte à 33,3 millions hl en septembre, puis 34 millions hl en octobre et finalement 37,5 millions hl en janvier, quand le chiffre final augmente encore à 37,8 millions hl. Contacté par Vitisphere, le ministère de l’Agriculture n’a pas donné suite à date sur ces marges d’erreur en augmentation. En 2018, ses services défendaient leurs marges d’erreur, atteignant alors 2 à 3 %. Le changement climatique aidant, les aléas augmentent et la volatilité monte jusqu’à 10-16 % ces dernières années.
A défaut d'être quantitatif (même si des vignerons espèrent que les pluies récentes vont changer la donne, comme à Cognac), ce millésime 2025 coche les cases qualitatives de l'adage des bonnes années en 5, que ce soit à Bordeaux, en Touraine, dans le Muscadet... Ne reste plus au vignoble qu'à espérer la rapide maturation d'un gouvernement permettant la gestion de crise de la filière, suspendue à des évolutions réglementaires européennes (le paquet vin pour gérer le potentiel de production par l'arrachage, mais aussi l'encadrement des prix) et au financement de mesures de soutien (y compris de reconquête de marchés).
* : « Par nature, ces prévisions ne peuvent prendre en compte les événements susceptibles de survenir après cette date et d’influer sur la récolte. La répartition des vins entre les différentes catégories n’est qu’indicative et peut être amenée à évoluer. L’affectation ne sera connue plus précisément qu’au moment de la déclaration de récolte » indiquent les publications du SSP.