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"On ne peut pas éternellement demander au vignoble de "tenir" sans accompagnement adapté"
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Jérôme Bauer
"On ne peut pas éternellement demander au vignoble de "tenir" sans accompagnement adapté"

"Que ce soit la météo qui régule le marché du vin traduit un échec collectif" alerte Jérôme Bauer, le président de la Confédération Nationale des producteurs de vins et eaux de vie de vin à Appellations d'Origine Contrôlées (CNAOC). Appelant à des actions concrètes et rapides pour sécuriser, équilibrer et valoriser la production de vin en France, le vigneron alsacien se fixe un cap de reconquête des marchés : "on ne sortira pas par le volume, on sortira par la différenciation".
Par Alexandre Abellan Le 04 septembre 2025
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« Relançons ensemble la consommation de vin en France : ne craignons plus de rajeunir l’image de nos produits AOC pour qu’ils soient plus inclusifs, ouverts et sans trahir leur ADN » estime Jérôme Bauer. - crédit photo : CNAOC
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es millésimes se suivent et se ressemblent : en 2024 comme en 2025 le vignoble français voit son potentiel de production chuter et le risque de ne plus avoir d’interlocuteurs gouvernementaux augmenter. La capacité de résilience du vignoble arrive-t-elle à ses limites ?

Jérôme Bauer : Le vignoble français a toujours fait preuve d’une grande résilience, mais aujourd’hui nous touchons une limite. Les aléas climatiques se répètent avec une intensité inédite, et nos vignerons et nos AOC doivent gérer en parallèle une baisse de consommation structurelle et un manque de perspectives politiques claires. On ne peut pas éternellement demander au vignoble de "tenir" sans accompagnement adapté. La résilience n’est pas une ressource infinie : elle suppose que l’État et l’Europe soient des partenaires solides.

Nous avons eu des premiers signaux positifs au niveau européen avec un paquet vin ambitieux, mais ce n’est pas suffisant. Il faut que le ministère de l’Agriculture français soit au rendez-vous avec un fort accompagnement financier pour rééquilibrer offre et demande, mais également une visibilité du cadre règlementaire : pour investir, pour se projeter sur les marchés, nos vignerons ont besoin de sérénité. Cela passe par un plan pluriannuel de la règlementation environnementale avec des principes forts réaffirmés : "pas d’interdiction sans solution", de la concertation dans l’élaboration de la norme et surtout une prise en compte des nombreux efforts déjà réalisés par la profession.

 

La petite récolte qui s’annonce pourrait rééquilibrer certains marchés, comme les vins blancs : est-ce un nouvel échec collectif que ce soit le climat qui régule l’offre et la demande, mais pas la relance de la consommation ou le pilotage de la production ?

Il ne faut pas se satisfaire de ce type d’équilibre "par défaut". Que ce soit la météo qui joue le rôle de régulateur du marché traduit bien un échec collectif. Cet échec collectif se répercute ensuite sur la trésorerie de nos exploitations et la santé économique de nos vignobles. Notre responsabilité est de retrouver une capacité à piloter la production et à stimuler la consommation, notamment via la montée en gamme, la valorisation des terroirs et la reconquête des jeunes consommateurs. Nous y travaillons collectivement avec l’ensemble des organisations du monde viticole, via un plan de filière national. Il est urgent de poursuivre les débats et de matérialiser nos engagements.

 

Pour assurer la rémunération des vins, des outils sont identifiés, comme la loi Egalim 4, les Organisations de Producteurs (OP) ou le levier 172 ter de l’OCM vin, mais aucun n’avance concrètement. Quels sont les points de blocage ?

J’aimerais déjà rappeler qu’il existe de nombreux outils développés par la filière et dans la main des vignerons qui sont utilisés et qui font leur preuve, comme la limitation des plantations, les rendements, les Volumes Complémentaires/Substituables Individuels (VCI/VSI) ou encore les outils interprofessionnels. Nous nous intéressons maintenant de plus en plus à la régulation de l’offre, pour pallier les problématiques de marché. La loi Egalim 4 a fait l’objet d’un travail avec le gouvernement, il est maintenant nécessaire de trouver un véhicule législatif et de l’inscrire à l’ordre du jour de l’Assemblée. En ce qui concerne l’Organisation de Producteurs, l’ambition de concentrer l’offre pour plus peser sur les marchés et rééquilibrer les relations commerciales. Cela ne coûte rien à l’Etat, il ne manque qu’un décret d’application. Le ministère de l’Agriculture n’a toujours pas répondu aux sollicitations de la filière, ce qui est incompréhensible dans un contexte de crise viticole. L’article 172 ter est LA priorité de la CNAOC. Les réflexions sont en cours au niveau de trois interprofessions et nous avons bon espoir d’aboutir sur des prix d’orientation dès la rentrée 2026.

 

Les turbulences politiques françaises pourraient-elles perturber les négociations actuelles à Bruxelles et réduire la voix de la France sur le paquet vin à Bruxelles, notamment sur le sujet de l’arrachage temporaire, du couplage distillation/arrachage ou des réserves de crise ?

Il est évident que l’instabilité politique fragilise la position française. Or, nous avons besoin d’une voix forte et claire à Bruxelles pour peser sur les décisions stratégiques. L’arrachage définitif, les couplages distillation/arrachage ou encore les réserves de crise sont des leviers déterminants pour l’avenir de nos exploitations et nous avions rencontré la ministre de l’Agriculture, Annie Genevard, avant l’été pour aboutir. Chaque jour qui passe sans notification de la France à Bruxelles pour l’activation de ces outils est un jour perdu, une fragilisation de nos entreprises et de tout le tissu rural qui va avec. Concrètement, la Ministre a jusqu’au 8 septembre pour notifier Bruxelles afin de sécuriser les engagements pris devant la filière. Il a été annoncé 200 millions de la réserve de crise sur 2 ans : l’Etat doit s’engager au même niveau. Nous explorerons également tous les leviers pour réadapter notre potentiel, via le Plan Stratégique National (PSN) ou encore des crédits des collectivités territoriales.

 

Dans le cadre budgétaire contraint et l’incertitude politique actuelle en France, quels sont les dossiers portés par la CNAOC dans le prochain projet de loi de finances (PLF26) ?

On peut dire que contrairement au volet économique, sur le plan fiscal il y a de quoi se réjouir. Lors de la dernière Loi de Finances, la CNAOC a obtenu le rehaussement du seuil d’abattement de droit de mutation à titre gratuit (DMTG) pour les baux ruraux à long terme dans un cadre familial de 500 000 € à 20 millions €. Je me permets de souligner ce point qui a été un tremblement de terre fiscal. Nous avons ensuite travaillé en étroite collaboration avec l’administration pour une entrée en vigueur pour toutes les transactions intervenues dès le 15 février 2025. Pour le PLF26, nous proposons d’améliorer le dispositif, afin de permettre qu’une transmission à titre gratuit puisse intervenir pendant le délai de conservation sans entraîner un nouvel engagement de conservation (18 ans) pour les enfants qui héritent. Les premiers échanges avec le gouvernement sont très positifs à ce sujet.

Un autre point va animer notre rentrée politique : la mise en place d’un guichet unique des droits d’accises. C’est une demande récurrente de la CNAOC et de son réseau qui doit impérativement aboutir cette année. Nos marchés hors-Union Européenne sont de plus en plus instables et aléatoires. Alors que la Commission Européenne a échoué dans ses négociations avec l’administration Trump, il est indispensable d’une part de bénéficier de mesures compensatoires, d’autre part de renforcer notre marché intérieur. Aujourd’hui, en tant que vigneron alsacien, j’ai plus de mal exporter 2 cartons en Allemagne que 2 palettes en Asie. L’Union Européenne a réussi à mettre en place un guichet unique européen sur la TVA : nous demandons la même chose sur les droits d’accises. Les rendez-vous sont déjà pris, le modèle déjà construit. A l’administration européenne d’être à la hauteur.

 

Vous êtes vigneron en Alsace qui a été jusque-là épargné par la crise : est-ce une difficulté ponctuelle ou structurelle ?

L’Alsace n’est plus une exception. Il y a du conjoncturel — météo, coûts, tensions logistiques — mais la lame de fond est structurelle : baisse des volumes consommés, arbitrages des ménages, recomposition des circuits. Notre réponse, c’est la valeur : lisibilité des gammes, fidélisation des marchés proches, œnotourisme et montée en gamme sur les terroirs. On ne sortira pas par le volume, on sortira par la différenciation. L’Alsace a de nombreux atouts dans sa manche.

 

Pour l’avenir, comment garder la foi dans la filière vin alors que les difficultés s’amoncellent et que les soutiens politiques restent réduits dans les faits, comme en témoigne l’absence d’exemption pour les taxes Trump ?

Nous avons la foi et nous l’aurons toujours. C’est l’essence même de notre engagement syndical. Les pistes pour redresser la filière vin sont nombreuses, et elles passent toutes par un collectif renforcé. Travaillons ensemble à l’AOC de demain, à un cahier des charges prenant en compte les impératifs du marché, les attentes des consommateurs et les ambitions environnementales de notre filière. Construisons des structures collectives agiles, en capacité d’accompagner mieux demain nos vignerons. Développons des outils en capacité de soutenir la production via des Outils d’Aide à la Décision (OAD), l’Intelligence Artificielle (IA) ou encore des QR Code augmenté.

Renforçons nos relations avec les acteurs de l’aval, pour développer des outils économiques concertés tels que le 172 ter, la contractualisation pluriannuelle ou l’œnotourisme. Sécurisons un cadre règlementaire favorable à la culture de la vigne. Relançons ensemble la consommation de vin en France : ne craignons plus de rajeunir l’image de nos produits AOC pour qu’ils soient plus inclusifs, ouverts et sans trahir l’ADN (typicité, histoire, origine) de nos vins et eaux-de-vie. Accueillons la crise comme une nécessité d’opérer une transition collective, positive et en phase avec nos enjeux contemporains. Je terminerai par cette citation d’Abraham Lincoln :"la meilleure façon de prévoir l’avenir est de le créer".

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