ù en est votre demande d’application de l’article 210 bis de l’Organisation Commune du Marché vitivinicole (OCM vin) permettant de fixer un prix d’orientation sur les vins bio et HVE ?
Damien Gilles : Aujourd’hui, on s’est portés candidats auprès de la Commission européenne pour pouvoir pratiquer l’article 210 bis sur la durabilité. Nous attendons un retour des autorités européennes. Lors de la conférence des Indications Géographiques à Bruxelles (25-26 juin derniers), j’ai replacé la nécessité de traduire ce type d’article dans le droit français. Comme l’article 172 ter, qui permettrait de communiquer un prix pour l’ensemble de la production AOP et IGP, ce qui serait pour nous un champs d’action plus large que les certifications environnementales. Nous attendons avec plus d’impatience encore la révision de la loi Egalim qui ferait entrer la viticulture dans la danse.
Cet hiver, la révision de la loi Egalim 4 était annoncée pour l'été par la ministre de l’Agriculture.
La ministre a annoncé beaucoup de choses, malheureusement ça ne suit pas. Que la parole ne soit pas tenue ne me fait pas tomber pas de ma chaise. Mais ce n’est pas la demande spécifique d’un seul bassin. La révision d’Egalim a la particularité d’être demandée par plus de 90 % de la filière. Ne pas avancer sur le prix rémunérateur du vin, c’est se moquer des viticulteurs qui se sacrifient chaque jour. Travaillé au sein du Comité National des Interprofessions des Vins à appellation d'origine et à indication géographique (CNIV), ce consensus de la filière sur Egali doit être validé. Nous sommes dans une situation mature. Ces reports pour cause d’agenda ou d’autres raisons sont compliqués à expliquer aux vignerons. Autant au début les dissolutions et mouvements de gouvernement faisaient qu’il n’y avait pas d’interlocuteurs stables ou pas d’interlocuteurs du tout, mais aujourd’hui nous avons un gouvernement. Il faut travailler, au sein du ministère de l’Agriculture, dont pas grand-chose ne sort.
Nous sommes dans un trouble sévère qui ne se réglera pas seulement par Egalim. Mais pour les régions qui font des effort sur le potentiel de production et l’évolution de l’offre, elles arriveraient à se sortir de la situation avec Egalim qui serait le meilleur moyen de sécuriser les filières. Il n’y a plus de prix, les pertes de repères sont totales. Aussi bien au sein des acheteurs que des producteurs, ils ne savent plus la valeur de ce que l’on produit avec matraquage en dévalorisation de certains acheteurs. Egalim doit arriver le plus rapidement possible. Ainsi que la possibilité de communiquer des orientations de prix en validant les deux articles OCM. L’Etat ne peut pas être frileux en posant Egalim comme une entrave à la libre concurrence. La viticulture est le seul métier qui n’est pas tenu de valoriser ses produits : c’est la seule filière agricole à vendre à perte.
Dans le suivi statistiques de l’Interprofession des vins du Rhône (Inter Rhône), on voit se creuser le différentiel de prix entre les bouteilles de Côtes-du-Rhône vendues toujours plus chères en grandes surfaces (passant de 2,29 €/l en 2001 à 3,95 €/l en 2024), alors que le vin en vrac n’arrive pas à se valoriser de manière pérenne, oscillant (de 93 cts le litre en 2001 à 1,24 € en 2018 après le gel 2017, pour tomber à 84 cts en 2024).
On ne peut que constater le prix du vrac dans sa globalité n’a aucune influence sur le prix payé par le consommateur. Il n’y aucune stabilité du prix du vrac ces 20 dernières années, avec des évolutions dantesques : il n’y a aucune stabilité. Par contre, il y a une stabilité dans la croissance du prix de vente : les consommateur achètent toujours plus cher le Côtes-du-Rhône. Nous sommes dans une situation où l’on arrive à prouver que lorsqu’il y avait une communication de prix, entre 2010 et 2017, la situation était un peu meilleure pour nous. C’était porté à l’époque par Philippe Pellaton, mais on a été rattrapé par la patrouille pour entrave à la libre concurrence. Pourtant, il y avait une certaine valeur retrouvée, sans qu’il y ait entrave à la libre concurrence : la répartition des marges étaient meilleures entre l’amont, l’aval et les intermédiaires. Nous demandons la transparence sur la chaîne de valeur. Aujourd’hui, tout le monde se renvoie la balle.
Portez-vous des demandes d’arrachage primé et de distillation de crise comme on en voit monter actuellement ?
En tant membre de l’Association Générale de la Production Viticole (AGPV), je confirme qu’il y a des réflexions sur l’arrachage et la distillation. En Côtes-du-Rhône, nous défendons la possibilité d’un nouveau plan d’arrachage. Il faut que l’on règle définitivement cette situation, ce qui passera malheureusement encore par de l’arrachage. Mais il faut obtenir des fonds.
Ayant bénéficié l'an dernier d'une enveloppe de 120 millions € avec une possibilité de rallonge pour un arrachage sur les fonds Ukraine, la filière vin n’en a utilisé que 110 au final : permettant à certains de considérer que le vignoble ne sait pas ce qu’il veut.
Pour comprendre la souscription lors du dernier plan d’arrachage il faut comprendre qu’arracher c’est renier son métier. C’est prendre la décision de voir partir en fumée son patrimoine. Ça ne peut pas être décidé sur un coup de tête. L’an dernier, beaucoup de vignerons n’étaient pas mûrs pour arracher. C’est pour ça qu’avec la Confédération Nationale des producteurs de vins et eaux de vie de vin à Appellations d'Origine Contrôlées (CNAOC) nous demandions que la campagne d’arrachage se déroule sur deux années. Pour une décision aussi difficile, la filière se regarde dans le blanc des yeux et on attend de voir ce que font les autres. Personne n’a envie d’être celui qui met la tête à l’envers au domaine familial transmis depuis des générations. Ce sont des décisions dures, et peu compensées. Quand on a arraché, il ne reste pas grand-chose des 4 000 €/ha de prime pour rebondir. Et nos retraites restent en dessous du seuil pauvreté. Arracher, c’est tout perdre en décapitalisant son foncier. Maintenant, il faut aussi être réaliste et combatif pour ceux qui restent. Nous avons besoin d’un plan audacieux pour retrouver le leadership que les vins français ont perdu.