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"Le prix plancher a déjà marché sur nos vins, il faut le saisir"
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Philippe Pellaton
"Le prix plancher a déjà marché sur nos vins, il faut le saisir"

La perspective d’un prix plancher a de quoi séduire dans la vallée du Rhône alors que l’appellation régionale se négocie actuellement à 120 €/hl quand son coût de revient avoisine les 155 €/hl. Le point avec Philippe Pellaton, président de l’interprofession des vins AOC Côtes du Rhône et de la Vallée du Rhône (Inter Rhône).
Par Alexandre Abellan Le 06 mars 2024
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« Ça a fonctionné, il n’y a pas eu de nivellement des prix par le bas » indique le président d’Inter Rhône. - crédit photo : Inter Rhône (Clément Puig)
Q

uelle est aujourd’hui la situation économique des Côtes du Rhône ? Est-ce que l’attentisme des acheteurs continue de peser ou des signaux positifs sont-ils visibles ?

Philippe Pellaton : Je vois toujours une situation très opaque, difficile à appréhender quand on redescend au niveau microéconomique, à l’échelle des entreprises. Les situations sont très différentes selon les cas, par exemple l’équilibre des couleurs ou la dépendance aux vins rouges. Les volumes de transactions sur le 2023 sont très en retrait, mais sans rapport avec les commercialisations qui ne sont pas autant en repli. Le décalage se creuse. Cela s’explique par l’opacité de la demande des marchés par le coût de l’argent qui pousse à limiter le portage des stocks… Pour ceux qui peuvent s’en affranchir. Quand on est le premier maillon de la chaîne alimentaire, comme le sont les vignerons, ils subissent le stock.

Il y a toujours beaucoup de précautions à l’aval de la filière. Les achats se font coup par coup, alors qu’avant il y avait une visibilité sur l’année. Avant une première commande se faisait sur 2 000 hectolitres étalés sur la campagne, maintenant c’est une citerne ponctuellement. Avant le covid, en 2019-2020, d’importants négociants vracqueurs ont disparu, ils avaient un impact volumétrique important sur le début de campagne, achetant et revendant en vrac pour spéculer. De gros volumes transitaient par eux. Il se fait toujours du vrac, mais pour les chaînes d’embouteillage, plus pour de la revente en vrac.
 

Comment analysez-vous le prix des côtes du Rhône rouge en vrac de 119 €/hl enregistré en février 2024 par Inter Rhône ?

La moyenne générale n’est pas au niveau qu’il faudrait pour couvrir les coûts de production et rémunérer les vignerons. Ce n’est pas suffisant d’être à 120 €/hl, mais on n’est pas en moyenne aux 80 €/hl dont tout le monde parle. 15 à 20 % des côtes du Rhône sont vendus en dessous de 100 €/hl. Certains opérateurs sont obligés par leurs contraintes bancaires et leurs stocks à vendre à la baisse. Mais cela reste contenu. La production affirme sa volonté de ne pas lâcher ses vins à n’importe quel prix.

 

Comment analysez-vous les dernières annonces gouvernementales, des aides d’urgence au prix plancher en passant par la restructuration différée ?

Le fonds d’urgence et l’année blanche bancaire sont des mesurettes hyper conjoncturelles, qui sont nécessaires, mais permettront au mieux de passer l’année. Il y en a besoin, donc on les prend sans cracher dans la soupe. Mais on sait que ça ne suffira pas. Il faut des outils de moyen terme et de long terme. Pour la restructuration différée, ce sont les syndicats AOP qui s’exprimeront. Je ne mesure pas clairement ce que l’outil va entraîner : il est important, mais je ne sais pas s’il sera appétent. L’annonce surprise du prix plancher par le président de la République, Emmanuel Macron, est clairement une opportunité à saisir. Il n’est pas question de savoir s’il faut y aller, mais avec quels indicateurs économiques et dans quel cadre réglementaire. Nous sommes à un moment charnière, le prix plancher est à ne pas rater.

 

Ne craignez-vous pas que la mise en place d’un prix plancher ne devienne un prix plafond ?

Non, je n’ai personnellement pas d’inquiétude sur un nivellement par le bas. Nous avons déjà un retour d’expérience positif et il faut s’en servir, même si je n’ai pas de boule de cristal pour l’avenir. Après mon élection à la présidence du Syndicat général des vignerons des Côtes du Rhône en 2009, j’ai initié la mise en pratique d’un mécanisme de prix plancher de 2010 à 2017. Ça a fonctionné, il n’y a pas eu de nivellement des prix par le bas. Nous avons mis en place une politique tarifaire communiquée ouvertement à tous, avec une stratégie de prix plancher et de prix d’orientation, comme nous avons une AOC hiérarchisée. Nous étions en crise, comme aujourd’hui, et personne ne savait me dire quel était le prix d’un hectolitre de côtes du Rhône. C’était une perte de valeur. Nous avons monté un dossier technico-économique avec des indicateurs permettant d’avoir des prix plancher et d’orientation. C’était une mécanique syndicale et non interprofessionnelle.

En croyant à la valeur de ce que l’on produit et en communiquant clairement sur les prix, nous avons amorcé la pompe qui a bénéficié à toute la hiérarchie de nos AOC. Quand la base de la pyramide est stable sur un solide béton et pas des sables mouvants, cela permet à tous de grandir : appellations villages, crus, haut de gamme... Un prix plancher stable permet une marche en avant des prix. Si ce n’est pas stable, on part du troisième sous-sol… Le prix plancher a déjà marché sur nos vins et peut répondre à un certain nombre de besoins, il faut le saisir. Mais j'alerte les vignerons : compte tenu de la situation actuelle, on ne peut peut être pas monter de suite à un prix plancher. Il faut y aller séquentiellement, en deux à trois ans, selon la capacité du marché à absorber les hausses. L’objectif n’est pas de perdre des volumes, mais les sécuriser.

 

Si la réforme d’Egalim est bien validée d’ici l’été, Inter Rhône serait donc partante pour appliquer les prix planchers dans la foulée ?

Il y a une vraie ouverture à la réflexion dans la vallée du Rhône entre production et négoce sur ce dossier. Il existe déjà un certain nombre d’outils à partir desquels on peut définir un coût de production minimal. L’interprofession travaille sur des indicateurs de coûts d’exploitation à partir des comptes de résultat issus de centres de gestion. On trouve un coût moyen à l’hectare ramené à la production réalisée de 155 €/hl en Côtes-du-Rhône, avec des différences de 25 % entre conventionnel et bio. Pour mettre en place un prix plancher, il faudra voir le cadre de référentiels économiques pour savoir sur quels chiffres on peut s’appuyer.

Il reste des questions à résoudre, et des conditions à remplir. Il faut de la subsidiarité : si certaines régions et certaines AOP/IGP ne veulent pas y aller, qu’elles puissent l’écarter. Il faut que cela soit volontaire. Je comprends que certaines AOP hiérarchisée ne veulent pas y aller. La vraie question, c’est de connaître la capacité réglementaire que l’on a pour appliquer un prix plancher.

 

Il y a en effet un risque réglementaire… Pour ne pas dire judiciaire, comme on le rappelle en Alsace, où l’interprofession a été sanctionnée pour avoir parlé de prix.

J’étais intervenu en Alsace à leur demande pour expliquer notre système. L’Autorité de la Concurrence nous a convoqué pour nous donner l’injonction d’arrêter. Notre dossier était bien constitué, il n’y avait pas d’entente entre la production et le négoce, l’initiative était syndicale sans aucun élément de coercition. Nous avons été sanctionnés de 20 000 €. Comme les prix remontaient, la sensibilité à l’annonce de prix plancher avait disparu. 

 

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Tous les commentaires (4)
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Renaud Le 08 mars 2024 à 14:48:31
Aujourd'hui il existe un seul outil pour s'affranchir de l'article 101 des traités européens mettant en avant la lente concurrence obliger l'interdiction d'entente. C'est l'article 209. Création d'un OP per'mettant en son sein et indépendamment des syndicats de fixer ce prix minimum garanti. Ainsi le marché s'en retrouve regulé. Et les stocks en chai valent toujours qq chose. La grande nouveauté c'est qu'enfin les porteurs de stocks deviennent grâce à la protection de l'OP les metteurs en marché. Le monde demain est déjà là. À nous de le faire vivre sinon c'est la viticulture qui mourra
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Bernard Le 06 mars 2024 à 23:48:25
Le prix plancher semble intéressant face au négoce et par la même à la GD. Le risque est que la GD ne communique plus sur l'appellation et la fasse disparaître des linéaires. Il y a tellement de bons vins étrangers à faire découvrir auc Français...
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J.Henry DAVENCE Le 06 mars 2024 à 17:45:13
Définition du prix plancher : prix sur lequel on peut marcher. Attention les vieux planchers peuvent craquer, voire céder sous le poids trop important de certains ...
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Arthur Le 06 mars 2024 à 09:00:39
Continuerz de rêver! Pas de nivellement des prix vers le bas, venez à Bordeaux voir comment ça se passe depuis 3 semaines que le CIVB a évoqué un prix plancher à 1000. Bah ça ne les empêche pas de nous fait des propositions à 800 le tonneau et ce qui passait à 1200 en janvier est à 1000 maintenant. Le prix plancher devient un prix plafond. Ici les jeunes sont en train de devenir fou, on ne pourra pas les tenir longtemps.
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