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La filière vin mi-fugue mi-raison face à l'idée de prix plancher
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Frilosité
La filière vin mi-fugue mi-raison face à l'idée de prix plancher

Difficile pour les représentants de la filière vin d’avoir une position arrêtée sur l’objectif de fixer des prix planchers lancé par le président de la République dans une réforme d'Egalim. Les intérêts théoriques d’une valorisation minimum se heurtent à des risques pratiques non négligeables.
Par Alexandre Abellan Le 01 mars 2024
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La filière vin mi-fugue mi-raison face à l'idée de prix plancher
Au niveau du plancher, les prix ne volent pas haut. - crédit photo : Alexandre Abellan
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’appliquant partiellement à la filière vin*, la loi pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et une alimentation saine et durable (EGALIM lancée en 2018) doit être révisé d’ici l’été 2024 une nouvelle fois (après 2020 et 2023). Annoncé par le premier ministre, Gabriel Attal, ce mercredi 21 février, pour affirmer « la construction du prix en marche avant (la construction du prix, cela doit partir du producteur et de l’industriel avant d’aller vers la grande distribution) » et « la place des indicateurs de couts de production (ils existent mais ils doivent être plus centraux de la construction des prix) », ce renforcement a gagné en ampleur avec l’annonce par le président de la République, Emmanuel Macron, ce samedi 24 février de « repartir sur la construction du prix de l'avant, ce sera un prix plancher en dessous duquel le transformateur ne peut pas l'acheter et donc en dessous duquel, après, derrière, le distributeur ne peut pas vendre. »

Inattendue, « cette annonce nous a tous chamboulés dans les différentes organisations » rapporte Jérôme Bauer, le président de la Confédération Nationale des producteurs de vins et eaux de vie de vin à Appellations d'Origine Contrôlées (CNAOC). La surprise passée, aucune position n’a été arrêtée par les uns et les autres, faute de précision sur les modalités d’application. Certains évoquent notamment la crainte que le prix plancher ne devienne un plafond nivelant toutes les valorisations vers le bas. D’autres pointent que toutes les exploitations ont des coûts de production différents. « Il est encore trop tôt pour échanger sur ces sujets ultrafrais non encore débattus dans les instances de la filière » indique Valérie Pajotin, la directrice de l'association nationale interprofessionnelle des vins de France (Anivin de France). Si un travail collectif est lancé au sein du Comité National des Interprofessions de Vins à Appellation d'Origine et à Indication Géographique (CNIV), localement les réflexions s’amorcent

Réflexions dans le Midi

Par exemple entre les interprofessions des vins Pays d’Oc IGP (InterOc), du Languedoc (CIVL) et du Roussillon (CIVR) qui ont des contrats d’achat/vente de vin en vrac communs. « La filière viticole doit désormais s’approprier les lois Egalim, pour les adapter à ses enjeux spécifiques, nous souhaitons initier des réflexions par bassin viticole » indique Florence Barthès, la directrice général d’InterOc, qui pointe que « la répartition de la valeur au travers d’un chaînage de la contractualisation amont-aval est un des objectifs majeurs de cette évolution, incluant le travail sur les indicateurs qui s’inscrit dans ce cadre. » Ainsi que dans l’application judiciaire de la loi Egalim, avec la condamnation de deux négociants à Bordeaux pour achats de vins à prix abusivement bas : « nous suivrons avec attention cette procédure, au-delà de la décision rendue en première instance » glisse Florence Barthès. Ne souhaitant pas commenter ce dossier judiciaire, Christophe Bousquet, le président du CIVL confirme que « la filière nationale engage actuellement une réflexion sur des évolutions possibles de la loi Egalim pour une meilleure application au secteur viticole ». Si de bons indicateurs sont mis en place et que les calculs sont correct, le nouvel outil sera potentiellement positif abonde Anne-Laure Pellet, la directrice du CIVR, qui note qu’il n’y a aucune assurance actuellement.

 

Gardons la tête froide

« Ça nécessite réflexion et prudence. Je m’étonne du parti pris du président de la République de parler de prix plancher » indique Jérôme Bauer, qui pointe la part immatérielle contribuant à la valorisation des vins, notamment AOC, avec un prix plancher qui serait dommageable avec sa transparence sur les coûts de production (à moins de prendre en compte d’autres facteurs, comme le prix foncier). « L’annonce intéresse les vignobles en position difficile. Gardons la tête froide » pointe le vigneron alsacien.

Alors qu’il annonce aux négociants bordelais achetant moins de 1 000 euros le tonneau qu'ils seront publiquement nommés, Jean-Samuel Eynard, le président de la Fédération Départementale des Syndicats d’Exploitants Agricoles de Gironde (FDSEA 33) reconnaît qu’en pleine crise commerciale, « un prix plancher peut faire rêver ». Mais le vigneron des Côtes de Bourg note qu’il faut un outil européen et non français, sinon « un protectionnisme français aura ouvert la voie royale aux importations européennes. Un prix garanti sans débouché garanti n’est pas suffisant. »

On demande un prix rémunérateur

Défendant becs et ongles un prix garanti, Didier Gadea, le président de la commission viticole du Mouvement de Défense des Exploitants Familiaux (MODEF), n’est pas satisfait pas les déclarations présidentielles. Pour le viticulteur de Montagnac (Hérault) : « aujourd’hui, le prix plancher ça existe déjà. Il peut être fixé par l’interprofession, mais ce ne sont pas des prix rémunérateurs. Ce n’est pas sérieux, c’est un jeu de dupe. On demande un prix rémunérateur, un prix garanti par l’état ou l’Europe, pas par le marché. Sinon ce sera Egalim n°4 inutile. »

Une lecture juridique que ne partage pas le CNIV. Dans un document mettant à plat Egalim, l’institution estime que « les textes de lois ne permettent la fixation collective d’éléments susceptibles de déterminer, directement ou indirectement, un prix. Si des encadrements formels sont prévus, la détermination de leurs conditions de mise en œuvre est laissée à la libre appréciation des parties qui doivent les négocier et les déterminer. » En l’état, « aucune forme de détermination des prix n’est possible collectivement ».

Prudence sur les prix

En l’état, « un prix plancher fait rêver ceux qui sont à la peine, quand ceux qui valorisent n’en veulent pas et n’y ont aucun intérêt » résume Gérard Bancillon, président de la fédération des vins IGP (Vin IGP). Pour le viticulteur gardois, il faut étudier les modalités d’application d’une loi Egalim rénovée, mais laisser le choix de l’appliquer ou non à chaque interprofession. Faute de précisions, « on ne peut pas avoir un avis tranché sur cette proposition. Il faut arriver à redonner de la valeur à l’ensemble des produits agricoles, dont le vin. La question est de créer de la valeur ajoutée, pas de vivre avec des prix minimums. » Si personne n’est fermé dans la filière, tout le monde est très prudent. Gérard Bancillon pointant la nécessité de sécuriser le cadre de discussion sur les questions de valorisation, le sujet étant très sensible la Répression des Fraudes, qui peut rapidement taper sur les doigts pour entente…

Jérôme Bauer rappelle ainsi « l’histoire récente alsacienne de condamnation [de l’interprofession, des instances du négoce et de la viticulture] par l’Autorité de la Concurrence pour une soi-disant entente qui n’a jamais été prouvée… Le cadre national et la réglementation européenne ne permettent pas de fixer un prix plancher. » Ce que confirme le CNIV : « le droit communautaire prévoit que les règles de concurrence s’appliquent à la production et au commerce des produits agricoles, sauf dérogations expresses. A l’exception notable des OP (Organisations de Producteurs) ou AOP concentrant l’offre et reconnues (uniquement pour leurs membres et pour les volumes qui leur ont été confiés), toutes les autres structures collectives, et en particulier les Interprofessions, ne peuvent, en aucun cas, fixer directement ou indirectement des prix de vente ou d’achat. »

Lettres croisées

La création d’un OP est justement le but poursuivi à Bordeaux par le Collectif Viti 33, qui en appelle au ministre de l’Agriculture pour avancer rapidement et permettre de fixer des objectifs de cours du vin en vrac. Dans le même temps, le Conseil Interprofessionnel du Vin de Bordeaux (CIVB) demande à tester l’application d’une loi Egalim rénovée. En attendant, une mission parlementaire a été lancée, pour aboutir à un texte étudié d’ici l’été par les parlementaires, selon l’objectif affirmé par l’exécutif.

 

* : Egalim s’applique sur les contrats de vente signés par un producteur de vin, de moûts, de raisins à l’amont de la filière avec un premier acheteur, mais pas sur les contrats qui suivent à l’aval (où s’appliquent pour d’autres filières agricoles des conditions générales de vente imposant la non-négociabilité du prix). Si Egalim impose une durée minimale de trois ans pour les contrats signés, la filière vin bénéficie d’une dérogation permettant des contrats ponctuels. Concernant les spiritueux, le Bureau National Interprofessionnel du Cognac (BNIC) précise qu’« aujourd’hui la loi Egalim s’applique aux seuls produits agricoles. Aussi, pour la filière Cognac, seuls les contrats portant sur les raisins, moûts et de vins sont visés, les eaux-de-vie de Cognac ne sont pas concernées. »

 


Lettre du CIVB au premier ministre, Gabriel Attal, ce 23 février

Dans votre discours du 21 février dernier, vous annoncez la mise en chantier d’un nouveau texte de loi pour affermir les lois EGALIM dans le but « de renforcer le poids des agriculteurs dans les négociations commerciales et donc d’améliorer leur revenu ».

Nous partageons les trois enjeux que vous avez identifiés à cette fin :

La construction du prix en marche avant, du producteur vers la grande distribution. Cette construction de l’amont vers l’aval permet la prise en compte des différents intervenants conduisant le vin au consommateur et l’intégration juste de leur rémunération dans le prix final.

Le rôle central des indicateurs des coûts de production dans la formation du prix. Cette prise en compte plus affermie dans le contrat amont permettra une meilleure prise en charge dans le chainage des contrats suivants organisé par les lois EGALIM.

Une meilleure maîtrise de l’utilisation des centrales d’achat européennes.

Nous souhaitons, Monsieur Le Premier Ministre, contribuer à vos côtés à atteindre les objectifs que vous avez très clairement fixés à cette nouvelle loi.

Au-delà de notre contribution, nous sommes prêts à expérimenter dans le périmètre de notre interprofession et avec nos indicateurs, ces évolutions législatives à venir.

Monsieur Le Premier Ministre, chiche ! Les Français comprennent l’inscription dans les textes actuels de l’interdiction de revente à perte, ils ne comprendraient pas que les textes à venir permettent encore plus longtemps la vente à perte de leurs produits par les agriculteurs.

Lettre signée par Allan Sichel, président du CIVB, Bernard Farges, vice-président du CIVB, Lionel Chol, président de Bordeaux Négoce, et Jean-Marie Garde, président de la Fédération des Grands Vins de Bordeaux (FGVB).

 

Lettre ouverte au ministre de l’Agriculture du Collectif de Défense viti 33 ce jeudi 29 février

La semaine dernière, la huitième de 2024 est une semaine décisive dans l’histoire de l’agriculture française.

M. Rémi Lacombe fait condamner deux négociants Bordelais pour pratiques de prix abusivement bas à son encontre.

Le président de la République et le premier ministre annoncent que la construction des prix agricoles doit se faire en respectant les coûts de production et que les négociations doivent se faire en montant. Pour donner suite aux propositions des agriculteurs.

Quel changement de paradigmes !

Pour rappel, les filières qui vont le mieux sont celles où les metteurs en marché portent aussi le stock. Ceci leur confère une stabilité de fait.

Le problème est que jusqu’à aujourd’hui les producteurs n’étaient pas les metteurs en marché.

Dans le monde d’hier, au contraire, les distributeurs demandaient aux grossistes ou négociants de rentrer dans leurs injonctions. Qui a leur tour mettaient la pression à la production.

Dans le nouveau monde d’aujourd’hui, il nous est demandé de devenir les metteurs en marché (construction du prix en montant) et comme nous portons les stocks, le champ des possibles s’ouvre à notre avantage.

Certes certains, bloqués dans leurs conservatismes, ont du mal encore à voir ce changement. Cela se concrétise par des revendications décalées d’une autre époque (le tonneau de vin de Bordeaux de 900 litres à 1 000 €) ou pire : à la demande des maisons de négoce bordelaises, des avenants aux contrats CIVB circulent via les courtiers. Le but est de faire signer au producteur le fait qu’il n’aurait fait aucune demande de prix préalable. Cette pratique contraire à la démarche nouvellement initiée, laisse croire que le prix abusivement bas que subit un producteur serait librement consenti.

Devrons nous attendre notre « me too » pour ouvrir les yeux et dénoncer ces violences en bandes organisées ?

Nous sommes à la veille de la création de la première Organisation de Producteurs (OP) en viticulture à Bordeaux et en France ayant pour but de planifier, d’organiser le marché du vin avec la création légale d’un prix plancher. Seule disposition légale permettant de s’affranchir de l’article 101 (entente sur les prix) des traites de fonctionnement européens. Cette OP ne bouleversera pas les habitudes fonctionnelles locales, mais redonnera le pouvoir nécessaire à la production pour qu’enfin filière se fasse.

Pour tous ceux qui pensent encore qu’une telle organisation est utopique, gauchiste ou autre, nous les invitons à se rappeler la création d’une célèbre OP crée en 1960. Elle fit sortir ses créateurs de l’asservissement pour les rendre richissimes. Ces innovateurs, pas du tout gauchistes, ont donc créé l’OPEP.

Il est temps de travailler enfin ensemble (production / négoce / distribution) à un avenir commun. L’OP est le seul espace où de tels échanges sont légaux. Sa constitution devant être indépendante des structures syndicales existantes, un nouveau monde se dessine enfin.

Nous donnons donc rendez-vous aux acteurs de bonne volonté qui ont compris qu’il vaudra mieux être du côté de ceux qui écrivent l’Histoire que ceux qui la subiront.

C’est pourquoi Monsieur Fesneau, Monsieur le Ministre, pourriez-vous demander la mise en place de réunions dans les préfectures avec tous les acteurs de bonne volonté. Loin des cuisines électoralistes professionnelles, nous pensons que la place du régalien doit s’exprimer dans l’intérêt général et que vous avez une carte politique facile à jouer.

Lettre signée par Didier Cousiney, porte-parole du collectif Viti 33.



 

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CONCOURS Le 05 mars 2024 à 08:31:45
Pour défendre la QUALITE, il serait préférable d'établir une PYRAMIDE des PRIX à partir des signes officiels de qualité comme les CONCOURS reconnus par la DGCCRF et permettre ainsi la VALORISATION des produits selon la QUALITE reconnue par le CONSOMMATEUR.
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Vigneron Le 01 mars 2024 à 10:26:38
@Marc, vous plaignez les négociants de survie ? Je vous rappelle que si un négociant n'a pas de marché, hormis pour des contrats pluriannuels qui sont très rares, il lui suffit de ne pas acheter, ce qui se passe actuellement quand c'est la crise. S'il achète à des prix bas, c'est pour faire une plus value après. La différence est que le vigneron ne bénéficie pas de cette effet d'aubaine et doit payer son stock. Il vaut donc mieux vendre en bouteille, non ?
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Vigneron Le 01 mars 2024 à 09:03:20
Il y a des syndicats dans chaque appellation. Il suffit de faire une Assemblée Générale Extraordinaire et décider collectivement d'un prix plancher. En amont, les vignerons doivent réfléchir sur leur coût de revient, cela demande une comptabilité analytique. Si l'on veut être au plus juste, le prix plancher dépend de la taille de l'exploitation et des charges de l'entreprise. Il est donc propre à chaque entreprise, mais un "prix collectif" peut être réfléchi en agrégeant ses données pour fixer un prix minimum rémunérateur. Cela permettrait au marché de ne pas s'écrouler, et à l'appellation d'être valorisée en rapport au prix du foncier.
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Marc Le 01 mars 2024 à 08:41:40
Prix plancher??? Rappelez vous, cela existait pour les VDN AOP Rivesaltes. Il était de 1040 ? par hl. Résultat, pas un contrat passé à moins de 1040 ? par hl. Bravo ou duperie? L'interprofession était contente, mais dans le même temps, le producteur signait des engagements de prise en charge de frais marketing avec le négociant à hauteur de la différence entre le fameux 1040 ? par hl et le prix réel qu'il encaissera, bien en dessous. Le prix plancher, cela ne marche pas, il sera systématiquement contourné par ceux qui on besoin de vendre à tout prix pour survivre.
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