a grêle vient de s’abattre sur les vignes du Gers, détruisant des raisins à vendanger et des raisons d’y croire…
Joël Boueilh : Rien ne nous sera épargné. Pour les plus jeunes, il faut avoir la foi pour continuer après cinq années consécutives sans récolte. Les pauvres voient leurs vignes raclées : il ne reste pas un raisin avant la vendange. Les collègues ont pris la foudre, et même davantage. J’ai une crainte : on va perdre des gens dans le vignoble, ils n’en peuvent plus. Tout se ligue contre nous. Pour les anciens, c’est difficile de faire le dos rond, pour les jeunes, c’est invivable. Là où l’on n’est pas touchés par la grêle, on se prend des aléas. Même quand les vignes paraissent belles et vertes, on récolte des rendements de misère. Des rendements faméliques. Ça ne pèse pas. Je viens de rentrer du Gascogne rouge à 5 000 kg/ha, soit un peu plus de 30 hl/ha, le tiers de ce que l’on espère normalement. Du 15 juin au 15 août il n’y a pas eu de pluie. C’est parti pour être pire que l’année dernière, qui n’était pas brillante. Pour l’instant, il n’y a que des surprises désagréables. Dans le Sud de la France, tout le monde est à la même enseigne : en dessous des rendements estimés.
On entend l’espoir que le vins blancs vont manquer en 2025 et que les cours vont fortement remonter…
Vous pouvez vendre très cher, mais s’il n’y a rien à vendre… La rémunération est toujours liée à des hectolitres : quand on n’a pas de volume, à la fin l’équation ne peut pas être bonne pour les frais de structure. Pour écraser les charges, il faut des volumes pour les diviser. La petite récolte est terrible pour ceux qui produisent, ça fait un manque à gagner inévitable. Aujourd’hui, on ne se donne pas de perspectives réjouissantes. Il n’y a aucun signal qui donne un brin d’optimisme. Il faut avoir foi dans le métier et la capacité à rebondir. Ce n’est pas avec les perspectives de ne plus avoir d’interlocuteurs gouvernementaux dans les prochains jours que l’on va avoir du baume au cœur. On dit "aide-toi et le ciel t’aidera", mais le ciel ne nous aide pas. Il n’y a plus aucun filet de sécurité dans le vignoble. L’assurance [multirisque climatique] n’existe plus. On n’en parle plus quand sur 5 ans il n’y a que des aléas. La moyenne olympique nous crève. Le nerf de la guerre, ce sont les trésoreries, qui manquent.
Où en est-on de l’aide à la restructuration des caves coopératives : toujours suspendue à l’audit du Conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux (CGAAER) ?
Le compte-rendu est prévu par la lettre de mission du CGAAER pour le 31 octobre. Ils sont au boulot, ils sont venus sur le terrain, mais je ne sais pas à qui ils remettront leur rapport à la fin. Et je ne sais pas quelle sera la priorité donnée à ce rapport dans la pile des dossiers et problèmes qui s’entassent. Il est certain que nous n’allons pas lâcher le morceau : c’est vital. Tout fonctionne en marges dégradées, les charges qui augmentent et les produits qui ne tournent pas vite. Aujourd’hui, les gens ne voient que des nuages au-dessus de la filière viticole. Les banques y vont mollo pour accueillir les entreprises. Des caves décalent leurs paiements d’acompte, avec le risque d’être précipitées dans des situations difficiles entraînant des vignerons déjà bien fragilisés par la météo et la répétition d’aléas qui est incroyable.
On entend que 2025 serait le dernier millésime pour des vignerons n’en pouvant plus ;
Combien m’ont dit "je fais l’effort cette année". Aujourd’hui, ils sont dépités. Certains voyaient de belles vignes et, arrivés à la récolte, il n’y a rien, tout a fondu. Je redoute beaucoup de déperditions. Le ministère de l’Agriculture doit lancer une nouvelle enquête avant l’arrachage. Le vignoble est au bout du rouleau et attend un nouvel arrachage : j’ai peur de voir les réponses qui vont arriver. Si j’ai été surpris qu’il y ait si peu de demande la dernière fois, je crains un effet de balancier avec trop demandes la prochaine fois. En Gascogne il n’y a eu que 600 ha pour l’arrachage définitif. Si vous reposez la question aujourd’hui, vous verrez le chantier. Il nous faut continuer à bosser, la solution passera par le travail, l’innovation, la recherche de nouveaux produits… Il faut positiver le message et intéresser les consommateurs… Mais au fond de nous, ça bouillonne.