Les viticulteurs ont tout intérêt à vite rentrer de vacances pour préparer leur chai », prévient Pierre Forgeron, conseiller viticole indépendant sur l’appellation Grande Champagne. Cette semaine, un de ses clients vendange 3,5 hectares de folle blanche. « Ses raisins étaient déjà archi mûrs au dernier contrôle le 23 août avec des titres alcoométriques volumiques potentiels (TAVP) compris entre 8,3 et 8,8% et une acidité à 7,5 g/L H2SO4 , rapporte-t-il. La canicule a empêché les baies de grossir mais n’a pas freiné leur évolution, c’est piégeux, certaines sont toutes petites et finalement sucrées. »
Au 18 août, les prélèvements d’ugni blanc réalisés par les équipes de la Station viticole du Bureau national interprofessionnel du Cognac (BNIC) sur 59 parcelles d’ugni blanc représentatives de l’ensemble du vignoble donnaient un TAVP moyen de 7,4% vol, en augmentation d’1,3 point par rapport à la semaine précédente, et une acidité de 8,2 g/L H2S O4, en baisse de 4,8 points. « Sachant que l’ugni blanc arrive à maturité deux semaines après la folle blanche, il est peu probable que les vendanges ne démarrent qu’autour du 15 septembre comme je l’ai entendu, d’autant que les parcelles les plus avancées atteignent déjà les 10% vol. [le 25 août, NDLR] », reprend Pierre Forgeron, voyant ce millésime précoce comme un mélange entre 2011, 2003, et 2022. A la Chambre d’agriculture de Charente-Maritime, Laetitia Caillaud mise sur un démarrage le 8 septembre, « comme c’est un lundi », mais espère que la plupart des viticulteurs patienteront jusqu’au 10 voire au 11, « le temps pour les raisins de profiter des pluies annoncées cette fin de semaine. »


A l’exception de quelques secteurs comme Chenac-Saint-Seurin-d'Uzet ou Rouillac, le vignoble est sans eau depuis le 23 juillet. « Des parcelles commencent à souffrir », regrette la conseillère, « surtout celles qui n’ont pas été cultivées et les jeunes plantations », complète Pierre Forgeron, qui n’avait pas vu de colombard dépérir de sécheresse depuis longtemps. Selon Laetitia Caillaud, il faudrait au moins 30 mm pour redresser les rendements actuellement estimés à 92 hl/ha sur le réseau de la Chambre et entre 70 et 90 hl/ha par le BNIC qui a abaissé cette année le rendement annuel à 7,65 hectolitres d’alcool pur par hectare.
« Même s’ils arrivent un peu tard et que les viticulteurs ne s'attendent pas regagner plus de 5 à 6 hl/ha » Pierre Forgeron pense aussi que « 30 ou 40 mm peuvent changer la physionomie du millésime. » En pas qu'en bien. Il redoute ainsi que les pluies annoncées pour durer plusieurs jours ne fasse éclater les baies fragilisées par l’échaudage et pourrir une partie de la vendange jusqu’ici épargnée par le mildiou et peu impactée par l’oïdium. « J’ai déjà vu un peu de botrytis sur folle blanche la semaine dernière, cela donne une idée du niveau de risque. » Laetitia Caillaud en a vu aussi sur une parcelle mais s’inquiète moins. « La folle blanche est un cépage très pourrissant, et même si des baies éclatent, le vignoble est trop sain pour que cela ne devienne vraiment dérangeant, d’autant que les populations de tordeuses sont faibles », temporise-t-elle.