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Le débat sur les plantations de vignes à Cognac renaît à l’heure des besoins d’arrachage
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Le débat sur les plantations de vignes à Cognac renaît à l’heure des besoins d’arrachage

La gestion du potentiel de production du vignoble charentais clive en cette période de crise commerciale : entre ceux "l’ayant bien dit par le passé" et ceux "cherchant des solutions pour l’avenir".
Par Alexandre Abellan Le 30 juin 2025
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Le débat sur les plantations de vignes à Cognac renaît à l’heure des besoins d’arrachage
Le verre d’eau-de-vie est-il à moitié vide ou à moitié plein ? - crédit photo : Adobe Stock (EkaterinaKiseleva)
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n refait le match ? Un véritable groupe de haut-niveau s’est formé spontanément dans les commentaires de l’article "Cognac veut pouvoir arracher, distiller et stocker face à la crise". Alors président des Vignerons Indépendants de France, Thomas Montagne rapporte qu’« en 2018, j'avais dit aux Cognaçais qui réclamaient à grand cris dix mille hectares supplémentaires qu'ils étaient "à un tweet du drame" et que leur demande était déraisonnable. » Si les déclarations versatiles du président américain Donald Trump sur les réseaux sociaux peuvent bloquer le commerce (comme la menace des 200 % de mars dernier et l'attente d'un droit de douanes négocié pour l'après 9 juillet), ce sont surtout les conséquences de l’enquête antidumping chinoise sur les eaux-de-vie qui pèsent sur les commercialisations charentaises (en rétorsion au conflit entre Pékin et Bruxelles sur les voitures électriques, avec une décision chinoise attendue le 5 juillet). Qu’il s’agisse des États-Unis ou de la Chine (respectivement première destination en volume et premier acheteur en valeur de cognacs), « dans un cas comme dans l'autre ces marchés sont soumis à des aléas géopolitiques forts et pèsent très lourd dans les expéditions de cognac » pointe Thomas Montagne, pour qui « nous avions été deux ou trois seulement à voter contre l'agrandissement du vignoble, dont Gérard Bancillon président des vins IGP. Nous avions raison. »

Du tac-au-tac, Florent Morillon, le président du Bureau National Interprofessionnel de Cognac (BNIC) répond que « dans vos prédictions de 2018, je n'ai pas souvenir que vous ayez prévu la pandémie et les conséquences post Covid, la guerre en Ukraine, le conflit sur les véhicules électriques entre l'Union Européenne et la Chine, dont l'Armagnac et le Cognac subissent les conséquences. » Alors que les vents contraires se sont cumulés ces dernières années dans le vignoble, la filière charentaise défend son pilotage économique mettant à profit de forts développements de marché (avec 14 600 hectares de nouvelles plantations autorisées de 2016 à 2024*) tout en préparant des outils de gestion adaptés à une crise (réserve climatique, rendements, autres débouchés pour ne pas déséquilibrer les autres vignobles…). « Dans le contexte actuel, où quasiment toutes les régions viticoles sont touchées par la crise - dont la plupart n'a pas planté - l'humilité me semble la bonne posture à tenir » pointe Florent Morillon, également directeur des affaires institutionnelles des cognacs Hennessy (groupe LVMH).

Pas raisonnable

« Je vous rejoins sur la vertu d'humilité. Vous devriez vous y essayer » réplique Thomas Montagne. Le vigneron du Luberon persiste et signe : « il n'était pas raisonnable de croître aussi vite. Nous savions tous, malgré vos dénégations, que vos savants (et intéressants) systèmes amortisseurs n'étaient pas dimensionnés pour une crise importante, et surtout pas simultanée aux États-Unis et en Chine. Et nous savions aussi ce qui risquait de se passer en cas de crise : désastre économique en Charente, suivi d'un déferlement de vins blancs bradés, déstructurant l'ensemble du marché européen. »

Début 2019 dans Vitisphere, Jacques Gravegeal, le commandeur des vins IGP Pays d’Oc, prévenait que « l’histoire se répète, inéluctablement » et que si « aujourd’hui c’est la reprise à Cognac, il peut y avoir une nouvelle déprise. Tout ça ne tient à rien. Il ne s’agit pas de refuser une extension de marché, mais de créer des garde-fous. » Le vigneron du Pic Saint-Loup avançant que les grandes maisons de Cognac « cherchent d’abord à baisser leurs coûts d’achat. Pas à maintenir les équilibres du peuple viticole. » Ce que Thomas Montagne exprime également aujourd’hui : « je savais aussi que les premières victimes, et celles pour qui le choc pourrait être fatal, se trouveraient naturellement parmi les petits » commente-t-il, se disant « bien plus préoccupé du sort des vignerons et viticulteurs, que de celui de LVMH & Cie. »

Ce sont les plus jeunes qui sont les plus fragiles

Intervenant également dans les commentaires, Gérard Bancillon confirme avoir « fait partie du trio (avec Thomas Montagne et Samuel Masse) qui s'était opposé à l'octroi des 10 000 ha de droits à Cognac (mais aussi Jacques Gravegeal, qui n'avait pas droit de vote mais qui nous avait rappelé l'histoire et s'y était opposé par principe) ». Le viticulteur gardois précise qu’« il n’y a aucun triomphalisme dans mes propos, seulement une sensation de gâchis, car aujourd'hui ce sont les plus jeunes qui sont les plus fragiles qui paient la facture de l'inconséquence des plus âgés. Comme pour la crise qui touche aujourd'hui la plupart des régions françaises, il nous faut en tant que responsables de la filière être toujours pragmatiques et garder notre bon sens paysan en tête. »

Vice-président du BNIC, Christophe Veral pose que « dans la crise qui nous frappe, nous assumons nos responsabilités vis-à-vis de notre région, et au-delà. Et notre action pour amortir le choc pour l'instant porte ses fruits. » La récolte historiquement généreuse de Cognac en 2023 ayant pu être géré par les outils charentais pour éviter un déferlement de vins blancs. Malgré la création en 2025 d'un système volontaire de Volume Cognac Complémentaire Individualisé (VCCI) pour arracher des vignes sans réduire le potentiel de production (l'arrêté le validant vient tout juste de paraître), les difficultés s'amoncellent et dépassent le cadre prévu. « La valeur créée et partagée au cours des années passées dans notre filière et notre territoire aurait pu nous permettre de traverser la crise décemment, comme nos mécanismes de régulation » indique Christophe Veral. Le bouilleur de cru à domicile pointant que « notre spécificité, c'est malheureusement le coup de bambou chinois que nous prenons sur la tête, et qui nous met à genoux. Il aurait pu tomber ailleurs, parce qu'il est le fruit d'une décision diplomatique. Mais c'est Cognac qui le prend, et l'Armagnac. Et personne n'aimerait être à notre place. »

Une crise économique et politique sur laquelle se fracassent nos ambitions

« Il convient de signaler que la crise que nous traversons aujourd'hui est totalement inédite tant par ses causes que par son ampleur » confirme Patricia Gaborieau, la vice-présidente de l'Organisme de Défense et de Gestion de l’AOC Cognac. Rappelant les crises successives (et leurs conséquences, comme la perte du marché russe en 2022, quatrième destination export des cognacs), la directrice juridique et affaires publiques de Martell Mumm Perrier Jouët (groupe Pernod-Ricard) pointe que « l'engagement de la filière était de conforter ses marchés sans déstabiliser le segment des vins sans indication géographique (VSIG) et nous nous y sommes tenus et nous nous efforçons de maintenir cet engagement. La crise n'est pas une crise du Cognac c'est une crise économique et politique sur laquelle se fracassent nos ambitions. »

En matière de politique, « rappelons que sur le dossier Chine, le cognac est la victime collatérale d'un conflit qui ne le concerne pas en raison de son caractère "emblématique de la culture française" et des prises de position intempestives de nos pouvoirs publiques qui nous ont ainsi mis une cible dans le dos » commente Patricia Gaborieau, qui conclut : « aujourd'hui tout le secteur vins et spiritueux est confronté à cette crise sans précédent, je crois qu'il faut aujourd'hui trouver des pistes de sorties de crise et de résilience sans chercher à accabler qui que ce soit ».

 

* : Avec 35 ha en 2016, 800 ha en 2017, 1 500 ha en 2018, 3 374 ha en 2019, 3 398 ha en 2020, 2 306 ha en 2021, 3 129 ha en 2022, 3 129 ha en 2023 et 100 ha en 2024.

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