Ah ! qu’en termes galants ces choses-là sont mises !"
Diplomatiquement, un communiqué de presse du préfet de la région Nouvelle-Aquitaine et de la Fédération des interprofessions charentaises (AOP Cognac et Pineau des Charentes, IGP Charentais, autres moûts et vins de France) fait le bilan du conseil de bassin viticole Charentes-Cognac qui s’est réuni ce 25 juin pour « échanger sur les conséquences de la situation géopolitique actuelle sur le bassin ». Soit l’accès au premier marché en valeur des eaux-de-vie charentaises : la Chine, dépendant des conclusions de l’enquête antidumping attendues ce 5 juillet à Pékin, qui peuvent aboutir à des droits de douane de +38 % imposés en rétorsion au conflit entre la Chine et l’Europe sur les voitures électriques.
Sans attendre cette issue diplomatique, la dynamique est d’ores et déjà inquiétante alors que le « surstockage des maisons de négoce, qui s’il a permis d’amortir dans un premier temps les effets de la crise, voit son niveau aujourd’hui conduire à la remise en cause de contrats avec les viticulteurs et donc au basculement de la crise également sur l’amont de la filière » pointe le conseil de bassin, où ont été présentés « les axes de travail sur lesquels une poursuite de ses échanges avec les pouvoirs publics était nécessaire ». Soit un besoin d’outils d’arrachage définitif, de distillation des vins sans débouchés et d’aide au stockage privé. Sachant que l’accès au premier marché export en volume des cognacs, les États-Unis, est suspendu aux négociations entre Bruxelles et Washington (sinon +50 % de tarifs douaniers seront imposés dès le 9 juillet).
3 axes
Concrètement, le Bureau national interprofessionnel du Cognac (BNIC) ouvre officiellement trois pistes de réflexion qui ne sont pas validées politiquement, mais qui sont à explorer réglementairement et financièrement face à la dégradation commerciale (-40 % des expéditions chinoises depuis octobre 2024 et le cautionnement temporaires des droits de douane). D’abord « un dispositif d’arrachage définitif et un dispositif de retrait des volumes excédentaires engendrés par les taxes chinoises », ensuite « la mobilisation des outils européens permettant de compenser les conséquences sociales de l’arbitrage de politiques commerciales qui affectent aujourd’hui la filière Cognac et l’ensemble de son bassin » et finalement « l’accompagnement au portage des stocks ». Des outils également évoqués dans d'autres bassins viticoles, notamment Bordeaux, où l'évolution réglementaire vitivinicole en discussion à Bruxelles (le paquet vin) pourrait être le moyen d'y accéder (du moins si des fonds suffisants sont mis en face).


Indiquant ouvrir des réflexions, le BNIC explique à Vitisphere que les opérateurs charentais sont déjà « dans une phase de dommages avérés et sérieux qui contraignent à passer à un niveau de traitement supérieur des difficultés ». Les incitations à la mise en réserve climatique, la réduction des rendements, la recherche d’autres débouchés (jus de raisin, vin de base effervescent…) et le Volume Complémentaire Cognac Individuel (VCCI, un arrachage temporaire sans perte de rendement à l’échelle de l’exploitation) ne suffiront pas à assurer la résilience de la filière charentaise et limiter les risques de déstabilisation des autres bassins français producteurs de vins blancs (où l’on craint une submersion des marchés par des vins d’ugni blanc sans destination).
« Les discussions sont embryonnaires, rien n’est validé politiquement à date » prévient-on au BNIC, que ce soit en termes de schémas de fonctionnement ou de financement, mais aussi de chiffrage des besoins. Dans l’immédiat, l’interprofession du Cognac avance « par itération » et ouvre donc la réflexion avec les pouvoirs publics sur le besoin d’un arrachage définitif complémentaire au VCCI (ce dernier fonctionnant sans argent public) d’un retrait de volume de vins destinés au Cognac par distillation de crise (sur l’argument géopolitique d’un accès bouché à la Chine) et d’une aide au stockage privé (pour porter les volumes en attente, notamment chez les négociants).
Résolution diplomatique
Embarquée dans un conflit géopolitique qui ne la regarde pas, la filière charentaise attend de forts soutiens régionaux, nationaux et européens pour avancer rapidement sur cette boîte à outils sur-mesure. « Comme d’autres secteurs économiques, on était touché par la crise l’an dernier. Ce qui nous met à genou c’est le dossier chinois » plaide-t-on au BNIC. Où l’on appelle toujours à une résolution diplomatique du conflit (des contacts entre ministres français et chinois des affaires étrangères sont attendus début juillet et un sommet Europe-Chine est programmé ce 24 juillet). Le lien avec les voitures électriques étant criant, comme en témoigne l’absence de validation politique chinoise de l’accord technique sur un engagement de prix minimum pour les cognacs (et armagnacs), les avancées sur le dossier automobile étant mis dans la balance. Si la filière charentais espère avancer sur cet accord de prix minimum pour relancer le marché, ce ne serait pas une solution pérenne (le duty-free en étant exclus, ainsi que certains PME pour des raisons inconnues).
Les opérateurs charentais espèrent surtout la fin des vents contraires sur ses marchés à l’export. Les difficultés commerciales se traduisant en annonces sociales dans les négoces et en révision à la baisse des contrats, quand ils ne sont pas purement et simplement remis en cause. Dans son communiqué, « le préfet a ainsi rappelé que, si la solution diplomatique est indispensable, elle n’est pas suffisante et reste incertaine. Sans un panel de solutions diversifiées, la filière restera soumise aux aléas géopolitiques et à la volatilité des flux commerciaux. »
"Ah ! qu’en termes galants ces choses-là sont mises !"