Le 28 juin dernier, il a été élu à la présidence du conseil interprofessionnel des vins du Languedoc (CIVL). Pierre Bories, négociant et vigneron, a de l’ambition pour sa région. « Je vais travailler pour augmenter la part de marché des appellations du Languedoc », annonce-t-il. Pour réussir son pari une direction, l’export, et une méthode, l’analyse des données.
« Il est plus facile de gagner des parts de marché à l’export qu’en France où la concurrence est très forte, assure-t-il. Nous allons donner de la data économique aux entreprises et aux appellations pour qu’elles puissent identifier les marchés où elles ont le plus de chances de se développer. » Pierre Bories en a déjà repéré deux : l’Allemagne et les Pays-Bas où les appellations du Languedoc sont sous-représentées.
A 55 ans, Pierre Bories est à la tête d’un négoce, Artisans Partisans, et de trois propriétés : Ollieux-Romanis, Le Champ des Murailles et Rives-Blanques. Décrocher des parts de marché, il sait faire. C’est en 2002 qu’il reprend le château Ollieux-Romanis, une propriété familiale à Montséret dans l’Aude. A l’époque, toute la production part en vrac. « Petit à petit nous avons mis en place la commercialisation » , explique-t-il. Et ce, dès le départ sous l’entité Artisans Partisans qui s’est mise à acheter d’autres vins que ceux du château.
« Depuis une dizaine d’années, le négoce a pris le pas sur la production. Nous commercialisons entre 1,5 et 1,8 million de cols par an, dont 40 % de notre production » . C’est donc bien au titre de négociant que Pierre Bories a pris la tête du CIVL. Parmi les autres chantiers qui l’attendent : renouer avec les appellations comme Corbières et Minervois et le syndicat des metteurs en marché direct qui ont quitté cette interprofession. Pour cela, il se dit ouvert au dialogue tout en rappelant qu’à ses yeux il ne saurait y avoir que deux collèges dans une interprofession : la production et le négoce, car elle est le lieu de rencontre de ces deux partenaires.
« La vigne, ça m’a toujours plu, dit-il. Quand j’avais une dizaine d’années, chaque dimanche on allait déjeuner chez des cousins viticulteurs à Sablet. Je n’avais qu’une hâte : aller dans leur cave pour sentir l’odeur qui y régnait. » Aujourd’hui, c’est dans le chai du domaine de Chantegut à Sarrians, tenu par sa femme et le frère et les cousins de celle-ci, qu’il retrouve ces bonnes odeurs.
L’idée de créer la société des vignes urbaines de France lui vient lorsqu’il assiste à la conférence mondiale sur l’œnotourisme à Alba en septembre 2022 où il rencontre des membres de l’association internationale des vignobles urbains. « Je me suis dit qu’il manquait quelque chose à la française. A mon retour, j’en ai parlé à Eric Sureau du clos Montmartre à Paris. On s’est dit qu’il fallait monter quelque chose de semblable en France. »
L’affaire paraît bien partie. Mi-décembre, 23 villes avaient donné leur accord pour entrer dans l’association. « C’est un moyen de défendre le vin. Autrefois, le vin c’était quelque chose d’évident. Il est devenu quelque chose à défendre. Mettre des vignes dans le centre des villes, c’est une façon de rappeler qu’elles font partie d’un patrimoine unique », déclare encore David Bérard. L’association devrait accueillir toutes les vignes urbaines pour peu qu’elles soient entretenues et qu’elles produisent du vin.
Pour ses fondateurs, elle aura gagné son pari lorsque des villes toqueront à sa porte pour qu’elle les aide à chasser du béton afin de créer un vignoble.
Pilotée par une fratrie (Arnaud, Christophe, Hortense et Stéphane Brière), l’entreprise de conseil en désalcoolisation B&S Tech Expert témoigne de l’explosion du sans alcool que connait la filière vin en 2024. D’abord sollicités pour la création de bières sans alcool, les consultants venus du monde de l’agronomie et de l’agroalimentaire sont désormais très demandés par les opérateurs du vignoble pour ajouter une corde 0,0°.alc à leur arc. Avec l’accompagnement technique d’une vingtaine de vins sans alcool sortis cette année, B&S Tech Expert a doublé son activité avec une majorité de demandes émanant de domaines (de 20 à 100 hectares). Le signe d’une émancipation du sans alcool de son image industrielle réservée aux grands faiseurs.
Promettant des vins désalcoolisés restant liés à leurs terroirs d’origine, Hortense et Stéphane Brière se sont spécialisés dans la distillation sous vide, une technologie peu connue en France jusqu’à récemment et qui s’impose actuellement pour conserver un maximum d’arômes. « L’objectif premier étant de se faire plaisir, avec un produit de terroir et de qualité » souligne Hortense Brière, rappelant que « quand un vigneron décide de se lancer dans cette aventure, il a envie d’être fier de son produit. Il ne veut pas vendre n’importe quoi, mais un sans alcool de qualité allant avec sa gamme. »
Dans cette période de crise, le vin sans alcool se veut une alternative et pas un pis-aller. Une premiumisation et une structuration portées par le collectif no/low dont B&S Tech Expert fait partie des membres fondateurs. Ne croyant pas au risque d’engorgement du marché des vins désalcoolisés, Stéphane Brière voit dans ces nouveaux produits l’occasion de « créer une nouvelle bouffée d’air pour financer l’exploitation avec des produits de milieu et haut de gamme. » Et pas seulement en 0,0°alc, la tendance des vins légers étant croissante pour se positionner au niveau des bières. Une tendance qui pourrait être dopée par la possibilité de produire des vins IGP à 6°.alc. Des perspectives qu’espèrent Hortense et Stéphane Brière qui affirment leur credo : organiser et professionnaliser.
Si l’on n'est pas sérieux quand on a 17 ans, on peut le devenir rapidement à 20 ans face à ce que l’on considère être une injustice, pour ne pas dire un vol. En troisième année de licence professionnelle à l’Institut Agro de Montpellier (sur les productions agricoles intégrées et enjeux environnementaux) et en alternance comme chargé de mission (chez DAC ADN dont le patron, Antonin Douillet, était dans le top 20 l’an passé), Baptiste Caffarel a écrit deux lettres en 2024 pour réclamer à FranceAgriMer le versement de l’aide à la distillation de 18 200 € pour 280 hectolitres de vin rouge Pays d’Oc IGP de la cave de Saint-Gély (40 coopérateurs pour 450 hectares de vignes à Cornillon, dans le Gard). La coopérative ayant sous-estimé dans sa déclaration le Titre Alcoométrique Volumique d’une citerne envoyée à la distillerie, l’administration refuse de régler l’aide prévue.
Ayant rédigé au printemps une première missive courtoise, sur le ton des fables de la Fontaine, Baptiste Caffarel a changé d’humeur cet automne en laissant planer dans ses paroles la possibilité d’actions plus fermes. Remettant en cause la lourdeur administrative et ses conséquences pouvant broyer des caves, des exploitations et des vies, le fils d’un vice-président de la cave a l’habitude de dire qu’il voudrait comme épitaphe la phrase suivante : « a fait ce qu’il a pu ». Comme il l’indique, « pour notre cave, je fais tout ce que je peux. Peut-être que ça ne suffira pas, mais au moins j’aurai essayé. »
Alors que l’erreur administrative ne s’applique pas dans la filière vin, Baptiste Caffarel est fatigué par les non-réponses et les retours de responsables se renvoyant la balle. « On porte un message tant qu’on nous écoute. Mais ce coup-ci, on en a marre : à vous de trouver les solutions. Et on n’est pas un cas isolé » pointe l’étudiant, prêt à repartir pour une saison en enfer administratif.
Coopérative française d'autoconstruction, l’Atelier Paysan accompagne les agriculteurs et agricultrices dans la conception et la fabrication de machines et de bâtiments adaptés à une agroécologie paysanne rappelle Guillaume Delaunay, coordinateur recherche & développement depuis septembre 2023. Pour y arriver, il propose aux professionnels du monde agricole des formations à la soudure, à l’assemblage et à la construction de matériel en rapport avec leurs besoins. « S’il est multi-filières, l’Atelier Paysan a un rapport particulier avec la vigne. » nous raconte-t-il. Cette année, le réseau Cuma, la coopérative et d’autres partenaires se sont liés pour monter le projet Vi’reg, dans l’optique de récupérer du matériel et des matériaux dormant dans le fond des hangars pour leur redonner une deuxième vie, autour de l’auto-construction d’outils du travail du sol et de pratiques agroécologiques viticoles.
« La viticulture est le programme qui nous occupe le plus, il y a des outils qui sont suivi depuis plusieurs années. » explique le coordinateur, « on récolte des retours des usagers pour les améliorer, par exemple pour des doigts de binage ou encore des semoirs d’engrais. »
Autre particularité de la coopérative : elle propose des formations au travail du métal en non-mixité pour les femmes désireuses de gagner en compétences. « C’est une réponse au fait que, parfois, certaines femmes ne s’y retrouvent pas en formation mixtes, parce qu’elles ont du mal à se sentir à leur place. Cela permet de disposer d’un cadre qui s’affranchit de certains travers que l’on peut parfois trouver. Tout le monde a besoin de se former ! »
« L’autonomie technique dans le parc matériel est indispensable. Quand on a appris à souder percer et les bases d’assemblage, on a un regard différent sur les machines pour les faire évoluer. Le fait d’avoir accès aux plans, et à de la ferraille de récupération, nous donne un certain avantage économique, mais il faut d’abord avoir un savoir-faire et une visualisation sur l’outil. Quand les gens se retrouve ensemble autour d’une formation on peut mettre en lumière les besoins et l’évolution des pratiques dans les filières. »
Alors à vos clés ! Prêts ? Meulez !
« Si l’on ne fait pas de projets à 30 ans, on les fait quand ? » pose Marine Descombe, la présidente des vignobles de la Famille Descombe (propriétaire dans le Beaujolais et à Chablis). Personnalité soutenue par nos lecteurs, la jeune vigneronne a déjà défrayé la chronique médiatique en faisant partie du classement des 40 femmes de l’année 2024 du magazine Forbes. Une distinction obtenue grâce à son projet de vignoble environnemental né de la reprise en 2017 du château de Pougelon : 12 ha de vignes en fin de conversion bio et en AOC Beaujolais Village autour d’une bâtisse du XVIIème siècle). Entre patrimoine historique et aspiration agroécologique, cette restructuration du vignoble s’inscrit dans un objectif de fertilisation naturelle de la vigne (par la végétalisation du sol), l’implantation de haies et d’arbres fruitiers pour cibler 15 000 arbres et arbustes plantés (soit 1 arbuste tous les mètres, faisant perdre 15 % de la surface agricole utile)…
Ce projet s’inscrit dans la tendance de l’agroforesterie, des sols vivants, des couverts végétaux (l’incontournable consultant Konrad Schreiber n’y étant pas étranger) qui trouve un fort écho dans le Beaujolais : « notre aventure est liée à notre région. Tout ce que l’on a lancé est aligné dans le dynamisme du Beaujolais » indique Marine Descombe, qui explique faire partie de la nouvelle génération de vignerons qui « revient pour l’amour de sa région. On revient de loin et on veut aller loin. » N’ayant pas prévu de travailler dans la vigne, la représentante de la cinquième génération de la famille Descombe à produire du vin à Saint-Étienne-des-Oullières est revenue naturellement œuvrer à la redécouverte/réinvention moderne de pratiques traditionnelles.
« La modernité agricole, c’est un peu de bon sens paysan. En implantant des haies, on revient aux bocages historiques. Est-ce de la modernité ou un retour de cycle ? Nous avons juste de nouveaux outils pour faciliter le travail par rapport à nos grands-parents » explique Marine Descombe, qui affirme la « volonté de transmettre un vignoble dont on est fiers. On vit en Beaujolais, nos enfants aussi. »
Vigneronne en Anjou et anesthésiste, Marie Dubillot a réhaussé les ceps d’une vigne gélive afin d’éloigner les bourgeons du froid du sol. Elle explore également toutes les voies pour rendre ses vignes plus résilientes.
Une vigne établie à 95 cm du sol, et non pas à 50 cm comme il est d’usage dans ce vignoble de l’Anjou. A Chaudefonds-sur-Layon, la parcelle de Marie Dubillot présente une conduite innovante et prometteuse face aux défis climatiques. En éloignant la zone fructifère du sol, où les températures sont plus basses, le rehaussement des troncs de ceps contribue à limiter la vulnérabilité des bourgeons face au gel. « En 2021, nous avons relevé dans cette vigne - 5,7°C à 50 cm du sol, et 0,5 °C de plus à 95 cm, où l’hygrométrie était aussi légèrement inférieure », indique la vigneronne. En 2022, sur cette parcelle suivie par l’Association technique viticole du Maine-et-Loire, le conseiller Thomas Chassaing a relevé à 95 cm une température supérieure de 0,3°C à celle observée à 50 cm du sol.
Rehausser la hauteur des ceps semble aussi prometteur face aux pics de chaleur, avec 3 °C de moins relevés à 95 cm, lors d’une canicule en 2023. « Et cette vigne plus haute est plus agréable à travailler car on y est moins courbé », ajoute Marie Dubillot, qui n’en est pas à sa première expérimentation viticole. « J’ai toujours réalisé beaucoup d’essais : engrais verts, curetage, regreffages, recépages etc. afin de maintenir le potentiel de production », explique la vigneronne qui travaille aux côtés de son frère sur le domaine familial en bio, tout en ayant sa propre exploitation de 3 ha, dont elle vend les raisins à des vignerons partageant ses convictions environnementales.
Son vignoble, elle l’a baptisé "Les Sarments d’Hippocrate". Un clin d’œil au métier qu’elle exerce en parallèle à ses travaux à la vigne. Depuis 10 ans, Marie Dubillot est médecin anesthésiste réanimateur : « Je suis spécialisée en chirurgie cardiaque, je travaille au CHU d’Angers une semaine sur deux ». Pour elle, être médecin et vigneronne relève d’un même état d’esprit : « L’amour du vivant, la prévention, la préservation d’une bonne santé globale, vectrice de résilience, chez les humains comme au vignoble, où la polyculture que l’on pratique sur le domaine est aussi un levier d’avenir pour la biodiversité, le paysage, la diversification des revenus face aux impacts climatiques » . La médecine hospitalière et la viticulture ont aussi d’autres points communs selon Marie Dubillot : « le travail en équipe, la transmission et le compagnonnage ». Des valeurs qu’elle met en œuvre au bloc opératoire comme dans ses vignes.
Venue de la MSA des Charentes, l’alerte doit marquer les esprits avec autant de bruit que les explosions qu’elle évite avec les mélanges de produits de nettoyage dans les chais. Conseillers en prévention rompus aux questions viticoles, Bruno Farthouat et Angélique Pierre soulignent qu’il n’y a pas que les produits phytos qui doivent être manipulés avec prudence : détergents et désinfectants peuvent faire mauvais ménage. Dans les caves, des accidents aux graves conséquences ont marqué localement les esprits, comme l’an passé en Charente-Maritime l’explosion d’un mélange de soude et de peroxyde d'hydrogène (ou eau oxygénée) ayant causé une brûlure oculaire. En Gironde, un trauma crânien a été causé par un tel mélange explosif.
S’apercevant que cette pratique est fréquente pour gagner du temps, les deux conseillers ont lancé une campagne de sensibilisation lors des vendanges 2024 pour dissiper la méconnaissance des risques liés à certains produits chimiques. « On a eu quelques accidents graves, mais il y a plein d’incidents qui ne sont pas remontés. Avec des déflagrations et des dégâts matériels d’explosion de pulvé, heureusement sans personne à côté » rapporte Angélique Pierre. S’appuyant sur des affiches et vidéos à destination des fournisseurs et des utilisateurs, cette communication doit faire prendre conscience d’un risque chimique méconnu. Qui ne se limite pas aux explosions, la manipulation de produits de détergence et de désinfection au chai pouvant occasionner des brûlures (notamment les produits à base de soude et de chlore). « Cette année on a sensibilisé, l’an prochain on ira voir dans les entreprises ce qui a été mis en place » annonce Bruno Farthouat.
Le mot crise ne semble pas lui faire peur. Depuis son installation en 2002, le vigneron-coopérateur Nicolas Fournié en a connu plusieurs. Dans les années 2000, sa cave, les Côtes d'Olt, désormais fondue dans Vinovalie, est en difficulté. Il entre au bureau en 2011. A cette période il n'a qu'un credo : « Soutenir tout le monde et essayer de sauver un maximum de vignerons ».
Cette maxime ne semble pas l'avoir quitté. Président du syndicat de défense du vin AOC Cahors depuis 2022, il a soutenu les mesures d'aide à l'arrachage pour son vignoble où de nombreuses entreprises viticoles souffrent d'une succession d'aléas climatiques. En février 2024, Nicolas Fournié, était au ministère de l'Agriculture avec d'autres représentants du vignoble lotois, afin de réclamer une aide à l'arrachage sanitaire. Cette lutte s'est achevée grâce au plan d'arrachage national, qui s'est matérialisé dans le Lot par une cellule d'accompagnement mise en place par le syndicat. « Même arracher 5 ou 6 hectares, c'est un aveu d'échec pour certains vignerons, confie l'ancien joueur de rugby. On était là, pour donner des informations et rassurer ceux qui en avaient besoin. »
Le vigneron, formé aux plans stratégiques par Jacques Tranier, le directeur de Vinovalie, reste convaincu que Cahors n'avait pas d'autre choix que de passer par l'arrachage. « Il fallait assainir le vignoble afin d'éviter les contaminations et être plus compétitif ». Cette étape franchie, Nicolas Fournié espère que l'appellation est désormais mieux armée pour construire son avenir.
Candidate de la saison 15 de l’Amour est dans le pré en 2020, la viticultrice médocaine n’a pas eu peur de parler aux téléspectateurs du suicide de son père survenu 4 ans plus tôt. « Il a désherbé par erreur et détruit 15 hectares sur mes 35 ha. Je pense qu’il ne l’a pas accepté et je l’ai retrouvé mort au bout d’une vigne 15 jours plus tard. Je me suis fait suivre après », a-t-elle raconté à l’animatrice Karine Lemarchand lors des portraits. Depuis la fin de l’émission, la surnommée "Cathy" a interpelé à plusieurs reprises les personnes en détresse sur les réseaux sociaux pour qu’elles se tournent vers des numéros verts ou des psychologues, mais qu’elles ne passent surtout pas à l’acte en oubliant ceux qui, comme elle, « vont rester et trouver le corps, vivre dans les lieux du drame et devoir continuer ». Pour la quarantenaire, « tous les bons moments il faut les prendre, et les mauvais les oublier. »
Le 5 août dernier, elle s’est encore saisi de son compte Instagram pour raconter le suicide d’un confrère bordelais. « Oui, les exploitations vont mal aujourd’hui, le vin ne se vend plus mais s’il vous plaît, ne faites pas ça », a-t-elle supplié. Elue à la Mutualité Sociale Agricole (MSA) depuis 4 ans sur son canton, elle incite tous les viticulteurs à la contacter en cas de difficultés. « Il ne faut pas hésiter, j’ai les lignes directes des différents services de la MSA et je peux faire avancer les dossiers plus vite », promet-elle, reconnaissant elle-même avoir beaucoup de soucis. Malgré la création d’un gîte et de quatre chambres d’hôtes, ses bilans sont négatifs depuis 3 ans. Sans grossiste depuis 2 ans, elle doit commercialiser tout son vin en vente directe et a décidé cette année de ne continuer à cultiver que 5 de ses 15 hectares. « Cela devrait me permettre d’économiser 130 000 euros et de trouver des débouchés en passant plus de temps chez les cavistes, les restaurateurs, et sur les dix marchés annuels organisés par les anciens candidats de l’Amour est dans le pré sur lesquels j’ai des clients de plus en plus fidèles » . Cathy espère ainsi remettre son exploitation à l’équilibre. Même si c’est toute sa vie, elle espère surtout réussir à vendre le château Saint Christoly et enfin penser à elle.
Jeune trentenaire à la tête pleine d’idées et aux doigts de fée, Adrien Le Goas ne manque pas d’imagination pour mettre la main à la patte quand il s’agit d’essayer de répondre aux problématiques économiques liées au machinisme ! Voulant donner un coup d’accélérateur à l’innovation en machinisme, il a imaginé et construit son propre tracteur électrique Voltrac, des rampes de pulvérisation ou encore une épampreuse électrique. Son idée : permettre à qui veut sortir son poste à souder d’avoir accès aux plans 3D des outils et du tracteur.
« J’ai beaucoup navigué dans des boîtes de maintenance puis je suis passé sur de la conception industrielle automobile, puis agricole», raconte le jeune homme, mais « ensuite j’ai voulu rouler en solo, et me suis installé pour intervenir auprès de différents constructeurs en bureau d’étude. C’est désormais une activité que j’ai arrêtée. »
Le concepteur industriel n’est pas étranger au monde viticole, puisqu’il travaille aujourd’hui à 30 % avec sa mère sur le domaine familial Latapy, à Gan (Jurançon). Les 70 autres pourcents du temps il les dédit désormais à "Machine et compagnie" dont il est cogérant. « Je conçois des machines pour les essais agricoles. Machine et compagnie m’offre la possibilité de diffuser les plans 3D de mes outils viticoles et du Voltrac en open source sur leur site internet ! Ces plans s’adresseront dans un premier temps à des gens qui savent utiliser un logiciel 3D. Je n’ai pas vocation à faire payer les plans. » explique le bricoleur.
Une belle initiative pour celui qui a vu les charges de mécanisation tripler entre les années 1990, date d’installation de sa mère et aujourd’hui.
3 femmes, 3 parcours, une passion commune : la vigne et ses machines ! De la motivation en barre pour celles qui hésiteraient encore à se lancer !
Lindsay Lemarchand, cheffe de culture au château Clarke : « J’ai commencé la conduite des engins au château de Panigond en janvier 2011, lorsque je faisais mon BTS viti-oeno. Le chef de culture était très ouvert. J’étais ouvrière polyvalente donc j’ai appris et je faisais tout : les traitements, le rognage, le travail du sol, mais aussi les travaux manuels. En janvier 2014, j’ai commencé à travailler au château Larose Trintaudon, où j’étais adjointe chef de culture. Ensuite j’ai eu l’opportunité de rentrer au château Clarke en tant que cheffe de culture, en juin 2018. La nouveauté par rapport au château Larose Trintaudon, ça a été la gestion et les prises de décisions seule et en autonomie de tous les dossiers qui incombent à la vigne (achat, prise de décision technique sur les engrais).
Au début de mon parcours, j’étais très attirée par le chai, mais j’ai évolué. Aujourd’hui, les choses qui m’animent sont l’objectif et le résultat. Il n’y a pas de journée type, il faut toujours s’adapter, trouver des solutions dans certains contextes. Humain, machine et végétal sont 3 paramètres très différents à corréler et qui demandent une grande réflexion pour trouver une bonne combinaison et réaliser nos objectifs. Chacun a sa particularité, et c’est le mélange des trois qui est sympa.
Que j’ai pu faire ces choses m’a toujours fait penser que n’importe quelle femme peut y arriver également. Je ne me pose aucune question quand une femme me dit qu’elle veut être formée sur les engins ! Ça a d’ailleurs été le cas avec Laura et Flora ! »
Flora Pulido, tractoriste au château Clarke : « Cela fait 4 ans que je travaille au château Clarke, mais j’ai une expérience de presque 10 ans en tant que vigneronne. Quand je travaillais dans les vignes et que je croisais des tracteurs, cela me donnait vraiment envie. J’avais envie d’être à la place des conducteurs !
Finalement un jour, j’en ai parlé avec Lindsay à la fin d’une journée de travail, elle m’a répondu "Prends tes chaussures de sécurité demain, on va commencer ta formation par un tracteur interligne." Dès les premières heures de tracteurs je suis devenue passionnée !
Pour les femmes qui veulent se lancer par passion je n’ai qu’une chose à dire : il ne faut pas hésiter ! Quand on aime ce que l’on ne fait, rien n’est compliqué, il faut juste croire en soi et en ses qualités. Moi je suis heureuse d’aller au travail en plein mois de juillet à 6 heures du matin pour passer plusieurs heures dans ma machine. D’ailleurs nous sommes en train de tailler en ce moment, et il me tarde les prochains traitements, rognage, travaux du sol ! Ça me manque ! »
Laura Bouquet, tractoriste au château Clarke : « J'ai commencé à travailler dans les vignes en intérim il y a quelques années. Je faisais tomber les bois après la taille. Pour ne pas mentir, franchement, au premier abord ça ne m'a vraiment pas emballé. J’ai ensuite trouvé une formation de l'école de la vigne et j'ai commencé au château Clarke en 2019. Dans le cadre de ma formation j’ai pu monter sur les tracteurs, épaulée par l’équipe du château. Ensuite … c'était parti ! Je n’ai plus voulu en descendre.
Ce que j'aime dans les machines… c'est la climatisation ! Blague à part, j’aime beaucoup le fait de devoir sans cesse s’interroger sur les réglages, trouver des solutions lorsque l’on semble être dans une impasse. Je pense que pour être une bonne tractoriste il faut être minutieuse et patiente aussi, c'est important.
Je ne crois pas qu’il y ait de métiers d’hommes ou de femmes, il faut juste faire ce que l’on aime sans se poser de questions. C’est quand même dommage de passer à côté de sa passion pour des préjugés ! »
Consacrée meilleure élève sommelière de France au mois de mai 2024, Alyzée Marchal fait figure de jeune professionnelle pleine d’avenir dans le microcosme de la sommellerie française. Encensée pour ses qualités « d’humilité et d’écoute » par Jean-Baptiste Klein (meilleur ouvrier de France sommellerie en 2018), chef-sommelier de La Table d’Olivier Nasti (à Kaysersberg en Alsace, 2** Michelin) dont elle a intégré l’équipe en tant qu’apprentie sommelière depuis octobre 2023, l’étudiante de l’UFA Joseph Storck, à Guebwiller, a considérablement garni l’armoire à trophées cette année.
Successivement lauréate du concours de meilleur sommelier des terroirs du Sud-Ouest, du concours Vocation Sommelier, organisé par Campari France, Alyzée Marchal a su réaliser la passe de trois en enlevant la marche ultime du concours de meilleure élève sommelière de France. « Son esprit de compétition, hérité de son passé de grande sportive, fait d’elle un élément dont nous sommes extrêmes fiers », adoube même le chef Olivier Nasti, qui se dit « extrêmement fier de la jeune professionnelle et de son travail depuis son arrivée ».
Se sachant « très attendue », en raison de ses résultats précédents, lors de la finale du concours de meilleure élève sommelière de France, la jeune alsacienne a salué l’expérience accumulée lors des concours précédents « qui m’ont beaucoup aidé » dans la gestion du stress. Espérant dans un premier temps poursuivre son aventure au sein de l’équipe d’Olivier Nasti, Alyzée Marchal se laisse le temps de la réflexion sur les orientations qu’elle donnera à son avenir.
« J’ai fait du vin, du commerce, du conseil, ici j’ai découvert un nouveau métier : le social » . À 29 ans, Valentin Ramel, œnologue de formation co-dirige le Domaine du Paon Perché dans la Vienne. Une exploitation de 20 hectares en bio, qui développe également une activité de location de salle et d'hébergements, dont la particularité est de n’employer – hors les encadrants – que des personnes en réinsertion. Le projet a été lancé par le groupe associatif SOS, une entreprise à but non lucratif, qui porte quelque 750 projets en France dans diverses activités.
« C’est la première fois qu’il se positionne sur la viticulture » , explique German Mulet, le second co-directeur. Argentin, il a fait ses études d’œnologie en Espagne, avant d’exercer plusieurs années dans le Bordelais et dans un domaine en Belgique. Comme Valentin, il a, lui aussi, été piqué de curiosité à la lecture de l’offre d’emploi lancé par le groupe. Un vrai défi pour les deux dirigeants qui ont dû tout d’abord créer l’entreprise, lancée en louant vignes et bâtiment à un ancien vigneron, avec les tracas administratifs inhérents à ce genre de projet. Et se confronter à la réalité du social. « Au-delà du travail, il faut penser vie quotidienne. Pour certains, revenir vers le travail est déjà une épreuve. L’un des points clés, c’est la mobilité. Certains n’ont pas de permis, d’autres pas de véhicules. On a investi dans des voitures électriques pour faire des navettes et mis à disposition des vélos », raconte Valentin Ramel. Le domaine compte aujourd’hui 7 personnes en insertion.
C’est l’une des ingénieures reconnues sur la protection de la vigne, notamment sur la lutte contre le mildiou. « J’ai toujours voulu faire de la recherche », précise Marie-Laure Panon, responsable du service Ecosystème et Production au Comité Interprofessionnel du Vin de Champagne. Et des sujets de recherche, la viticulture n’en manque pas !
A la fin des années 1990, cette ingénieure en protection des cultures a réalisé son stage de fin d’études au Comité Champagne. Elle ne l’a plus quitté. Parmi ses dernières recherches figure une étude sur l’usage du cuivre, publiée dans le Vigneron Champenois en début d’année 2024. Cette étude, menée avec la société CJH, montre que les traitements au cuivre restent efficaces y compris après 30 mm de pluie. Alors que l’usage est de renouveler l’application après 15 mm. « La Champagne est fortement tributaire des fongicides, avec le mildiou qui reste notre enjeu prioritaire, souligne Marie-Laure Panon. C’est pourquoi nous avons voulu en savoir plus sur les stratégies à adopter pour optimiser l’efficacité du cuivre, notamment en début de campagne, qui est la période la plus piégeuse ». Les essais devraient être poursuivis à l’échelle nationale, avec l’IFV et les chambres d’agriculture, pour caractériser les doses efficaces de cuivre en les croisant avec les techniques de pulvérisation et les modes de conduite.
Avec l’éventail de matières actives qui devient moins large et moins efficace, Marie-Laure Panon perçoit de l’inquiétude chez les vignerons et les négociants. Cette adepte de la marche nordique et des podcasts de France Culture -sur l’histoire et sur la science - reste toutefois optimiste : « En Champagne, l’esprit collectif est notre maître mot. Nous avons des moyens pour être résilients et nous allons gérer au mieux avec les solutions qui nous restent. Il va falloir faire la jointure avec les plants résistants. Nous avons encore les moyens de prendre notre destin en main ! ».
Son credo ? « Un problème, ça se comprend ». Rien de tel qu’une expérimentation pour tenter de le résoudre. Chaque année, elle motive ses clients à tester des itinéraires techniques pour résoudre leur problématique. Et toujours avec un coup d’avance.
Cette œnologue pédagogue, dynamique et passionnée trouve sa voie au début des années 2000 après une maîtrise de biologie. « Le Diplôme National d’Œnologue fut une révélation » confie-t-elle. La véritable découverte sera le conseil mêlant à la fois « créativité technique, relations humaines et adaptation permanente ».
En 2007, elle rejoint le laboratoire Enosens à Cadillac et sillonne depuis les secteurs de Pessac-Léognan, des côtes de Bordeaux, de l’Entre-Deux-Mers, des Graves et toutes les appellations où l’on vinifie des liquoreux. Dès 2008, elle signe le début de ses expérimentations avec les micro-organismes en testant la co-inoculation avec Oenococcus. « C’était le tout début, on ne pensait pas qu’on pouvait faire les deux fermentations simultanément ».
Puis, elle poursuit ses expériences de co-inoculation avec des Lactobacilles à l’encuvage qui ne consomment pas les sucres une fois l’acide malique dégradé. Encore une fois « pour aider un client qui ne pouvait pas chauffer ses cuves pour faire la malo et qui se retrouvait chaque printemps avec des Brettanomyces ». Mission accomplie. A partir de 2018, elle expérimente l’acidification avec Lachancea thermotolerans. Depuis, elle maîtrise les itinéraires techniques avec cette souche qui demande tant de précaution et de vigilance.
Cette année, elle présente ses travaux sur l’augmentation de thiols dans les vins blancs grâce à Metschnikowia pulcherrima qui offre un potentiel thiol supérieur tout en se passant de SO2. La bioprotection au service de l’aromatique.
Aujourd’hui, elle évalue le potentiel des non-Saccharomyces à adsorber le cuivre et à détoxifier le moût. Et a déjà d’autres idées en tête pour la suite, pourquoi pas à la vigne. « Les décalages de maturité donnent du fil à retordre alors j’aimerais aussi me tourner vers le conseil viti » avant de conclure « la clé, c’est l’anticipation ».
Proposé par les lecteurs Vitisphere, Thomas Puig est une personnalité montante de la filière. Il a été nommé représentant des salariés de la filière viticole au conseil spécialisé vin de FranceAgriMer début octobre 2024, à quelques semaines de fêter ses 25 ans. Après avoir obtenu son BTS Viti-Oeno à Montpellier en 2019, ce Perpignanais fait les choses vite, mais sans jamais brûler les étapes. « Cette dimension représentative est venue un peu comme ça, après des contacts avec la CFTC qui cherchait des relais pour représenter les salariés dans la filière », retrace-t-il simplement.
Après son BTS, il enchaîne les alternances (maison Cazes puis domaine de Rombeau à Rivesaltes, Jean-Michel Deiss en Alsace) pour une licence professionnelle en droit et gestion de la filière vitivinicole, suivie d‘un Master 1 à l’académie internationale des vins, puis un Master 2 en management. Depuis l’été 2023, il occupe le poste de responsable amont de la cave coopérative de Saint-Pargoire (Hérault).
Malgré son jeune âge, Thomas Puig peut revendiquer une expérience professionnelle conséquente dans la filière, légitimant d’autant plus son implication syndicale au sein de la section agricole de la CFTC. « En plus de FranceAgriMer, j’interviens également à l’EFFAT (fédération européenne des syndicats de l'alimentation, de l'agriculture et du tourisme), ce qui rend à présent mes nuits bien plus courtes et fait passer ma vie privée au second plan vu le nombre de déplacements que je dois assumer », décrit-il.
Dans la situation de crise agricole et viticole actuelle, Thomas Puig rappelle sa volonté « de mettre aussi dans la lumière les impacts de cette crise sur les salariés agricoles, alors que tous les projecteurs sont concentrés sur les chefs d’exploitation ou les accords Mercosur », appuie-t-il. Il salue le travail de FranceAgriMer pour la filière viticole et passe donc beaucoup de ses fins de journée et de semaine à s’activer pour faire parler de cette cause des salariés, même si sa jeunesse lui est souvent renvoyée comme facteur limitant sa crédibilité. « Je commence à avoir l’habitude et un peu d’expérience, d’autant que je ne viens pas d’un milieu agricole. Mais entre l’arrachage en cours, la déconsommation et la nouvelle Politique Agricole Commune (PAC) qui va arriver, les cinq prochaines années seront décisives. C’est pourquoi je renforce encore mon engagement en me présentant aux prochaines élections Chambre d’Agriculture » , enchaîne Thomas Puig. Le combat ne fait que commencer.
Investir 15 millions d’euros dans un nouveau centre d’embouteillage avec caveau de vente, par les temps qui courent, le pari paraît osé. Pourtant Marc Robert, le président de la coopérative Alma Cersius dans le biterrois est sûr de lui. Le projet tient la route, ses banquiers l’ont validé, ses coopérateurs aussi, qui lui font confiance depuis 2012, date de son accession à la présidence de cette cave biterroise qui produit aujourd’hui 120 000 hectolitres par an. A l’approche de la soixantaine, ce languedocien pur jus, dont l’arrière-grand-père fut un des mutins refusant de tirer sur ses pairs lors de la révolte vigneronne de 1907, ne cache pas sa fierté d’avoir donné à Alma Cersius une dimension internationale. 80 % de la production est exportée dans 33 pays.
À contre-courant de la crise qui plombe la filière, les ventes continuent à progresser et devraient atteindre les 10 millions de cols en 2024. Marathonien et ancien rugbyman, il connait les vertus de l’endurance et du jeu collectif pour mener un parcours gagnant. « C’est un travail d’équipe, l’ensemble du personnel et les adhérents sont fortement impliqués dans notre projet ». Cette dynamique ne passe pas inaperçue dans le landernau biterrois et plusieurs coopératives sont venues frapper à sa porte pour profiter de cet élan. D’abord Puimisson en 2023, puis Hérépian en 2024. Une discussion est engagée avec Roquebrun. « Ces fusions nous apportent des volumes avec des profils de vins complémentaires dont nous avons besoin pour approvisionner nos marchés ». Mais sa plus grande satisfaction, il la trouve dans la transmission familiale. « Ma fille, mon gendre, mon fils. En trois ans, j’ai installé trois jeunes viticulteurs » se réjouit-il. La relève est assurée.
Ex-consultant du cabinet Ernst & Young passé par l’entreprenariat puis recruté par le groupe coopératif InVivo pour développer l’agriculture bas carbone et l’agriculture régénératrice, Frédéric Volle croise la route de Didier Livio, patron de Deloitte Développement Durable, et crée avec lui et deux autres associés la plateforme Food Pilot en 2022 pour aider l’industrie agroalimentaire à améliorer son empreinte environnementale. Il fait jouer son réseau dans la filière vin et, très vite, embarque le Bureau interprofessionnel des vins de Bourgogne (BIVB) et le négociant languedocien Gérard Bertrand dans l’aventure. Wine Pilot est né.
En 2024, la plateforme est adoptée par les interprofessions des vins de Bordeaux (CIVB), du Sud-Ouest (IVSO), du val de Loire (InterLoire) et, dernière en date, de Cognac (BNIC). « Elles vont la mettre à disposition de toutes les caves et négoces de leur ressort pour obtenir une vision globale de l’empreinte carbone et construire un plan d’actions pour progresser », décrit l’entrepreneur, qui insiste sur la simplicité d’utilisation de son outil, « une trentaine de questions suffisant à reconstituer 80 % des émissions de gaz à effet de serre d’une exploitation et à obtenir des trajectoires de réduction » .
Actuellement en discussion avec la Provence, et l’Alsace, Frédéric Volle a aussi finalisé une deuxième version de Wine Pilot destinée aux caves coopératives et plus grosses entreprises souhaitant mettre en place une vraie stratégie de transition écologique ou se mettre en conformité avec la nouvelle directive CSRD (Corporate Sustainability Reporting). Parmi les utilisateurs, Frédéric Volle cite Estandon, Héraclès, Uby, Labruyère, ou Bollinger. Soutenu par les clusters Innovin et Vinséo, il travaille désormais sur une troisième plateforme destinée aux équipementiers et fournisseurs de la filière (caisses en bois, piquets, cartons, étiquettes, verre, …) qui comptent pour 67 à 74 % de l’empreinte carbone globale des domaines. Plein d’ambitions pour Wine Pilot, Frédéric Volle prévoit d’y intégrer des modules sur la biodiversité et l’eau, et de la faire prospérer à l’étranger.
Directeur adjoint et responsable R&D des pépinières Mercier, Olivier Zekri mène de front le programme Nathy de sélection et de création par croisements de variétés résistantes au mildiou, à l’oïdium, et au black rot, « qui nous a donné le sauvignac commercialisé depuis 2020 et 24 autres variétés en cours d’évaluation pour être inscrites au catalogue à échéance 2027-2028 », et, plus discrètement, un programme d’essais sur les nouvelles techniques génomiques (NTG), capables de conférer à l’espèce Vitis vinifera des résistances aux virus ou à certains stress liés au changement climatique. « Nous testons depuis maintenant plus de 10 ans la mutagénèse dirigée avec le système CRISPR-Cas pour favoriser tel ou tel trait de comportement de la vigne, relate Olivier Zekri, soucieux d’explorer toutes les pistes susceptibles de répondre aux défis des clients viticulteurs. Nous sommes par exemple parvenus à cibler le gène qui régule le nombre et la taille des stomates. En théorie, cela doit réduire l’évapotranspiration et le stress hydrique » , illustre-t-il. Au laboratoire et sous serre, les résultats sont probants. « Mais nous ne saurons si cela fonctionne au vignoble que lorsque la réglementation européenne nous permettra de faire des essais », temporise-t-il.
Les choses ont commencé à bouger en février dernier avec le vote au Parlement de la proposition de la Commission visant à exempter une partie des NTG des exigences de la législation sur les OGM et à autoriser leur commercialisation. Le texte doit encore passer devant le Conseil. « Probablement fin 2025, après les présidences hongroises et polonaises », anticipe Olivier Zekri, qui, loin de prétendre que les vignes obtenues par NTG vont révolutionner la viticulture, considère qu’il serait dommage pour la filière de passer à côté de cette opportunité. Il espère un feu vert de l’Europe sans possibilité pour les obtenteurs de breveter les variétés ou les procédés qui ont permis de les obtenir. « Cela inciterait les gros semenciers à se saisir du marché viticole et à s’accaparer tous les merlots, tous les chardonnays… Ce serait la fin de notre souveraineté ! » prévient-il. Olivier Zekri profite de ses places au Comité Technique Permanent de la Sélection des Plantes Cultivées (CTPS), et au Comité technique et scientifique (CTS) de l’Institut Français de la Vigne et du Vin (IFV) pour mobiliser la filière sur le sujet.