Il ne faut pas espérer que les pluies de la semaine dernière fassent doubler le rendement. Comme il ne fallait pas craindre que la sécheresse le divise par deux » pose Vincent Dumot (Station Viticole). Quitte à doucher les espoirs, lors de la réunion vendanges de l’Union Générale des Viticulteurs de l’AOC Cognac (UGVC). Plus que les craintes sur les rendements (qui s’annoncent bas, voir encadré), le technicien a surtout alerté sur les enjeux de bonne maturité : « les pluies peuvent relancer la maturation, mais aussi diluer l’acidité et soutenir le développement de pourriture » a-t-il prévenu.
Durant la réunion, la Station Viticole a ainsi appelé de manière répétée l’assistance à réaliser des contrôles maturité et à suivre de près l’état sanitaire de leurs vignes. D’autant plus que la difficulté principale de ce millésime tient dans l’approche de son hétérogénéité, exacerbée par une sécheresse, concluant une accumulation d’aléas climatique*. Ainsi, dans le réseau de 55 parcelles suivies par la Station Viticole pour estimer les maturités, la dispersion des TAV est de 5 degrés d’alcool cette année, alors qu’elle avoisine normalement les 4°. alc.
« Cette année, ce qui risque de poser problème, c’est l’acidité » alerte Vincent Dumot. « Les valeurs sont déjà élevées. En 2016, l’acide malique est déjà inférieur à celui de 2003. » D’après le contrôle de maturation du 19 septembre, le TAV potentiel est de 8,1°. alc, quand l’acidité totale est à 7,6 g/L H2SO4. « Dans beaucoup de situations, l’acidité totale sera en dessous du seuil optimal (7,5 g/l H2SO4) » confirme Joseph Stoll (Station Viticole). Le technicien conseille aux vignerons de bien levurer chacune de leurs cuves directement, afin d’assurer une fermentation alcoolique rapide et complète.
De même, les teneurs en azote assimilable doivent être prises en compte. Les valeurs s’annoncent faibles, le millésime étant sec et chaud. « La majorité des parcelles du réseau sont en deçà des 100 mg/L. Des ajouts sont nécessaires dans de nombreuses situations » estime Joseph Stoll, qui conseille des concentrations de 110 mg/l pour 9°. alc, et de 130 mg/l pour 10°. Avec l’objectif de faciliter les départs en fermentation et d’éviter tout risque de déviation microbiologique.
À Cognac, les vendanges débuteraient la semaine prochaine, à une date avancée face à l’évolution du vignoble. « On se risque à tabler sur le 26 septembre, en vous faisant confiance pour le voir comme un jalon dans vous repérer dans votre décision » précise Vincent Dumot. Les décisions seront à hâter suivant la pression du botrytis, des foyers de pourriture s’étalant dans les secteurs à tordeuses, mais aussi dans le cas de grappes compactes avec des pellicules affaiblies. Des développements d’oïdium étant également rapportés ponctuellement, Joseph Stoll conseille sur les vignes atteintes de lancer les récoltes dès que les maturités sont suffisantes. Et de réaliser un débourbage suivi d’un tamisage avant de vinifier ces lots séparément des autres, avec un levurage adapté (à 20-25 g/l de LSA, contre 15 g/l en temps normal). Sans oublier une analyse du vin fini avant tout assemblage.
* : Il s’agit des épisodes de gel au printemps et cinq orages de grêle (27 et 28 mai, 22 juillet, 16 août et 13 septembre). Ces aléas ont des impacts différents, entre les vignes s’étant bien remise après la grêle, alors les vignes grêlées en mai présentent des verjus, celles en juillet/août des retards de maturité et celles de septembre sont soit déjà vendangées, soit sur le point de l’être.
La disparité du millésime se retrouve également dans les rendements, avec une estimation tournant actuellement à 90-100 hl/ha. Soit un rendement en alcool pur de 9 à 10 hl.AP/ha (le rendement agronomique voté par le syndicat viticole est de 11,02 hl.AP/ha). Vincent Dumot accompagne ce pronostic d’une incertitude sur le rendement en jus : « avec la sécheresse spectaculaire de l’été et des pics de chaleur lors de la véraison, il y a un échaudage généralisé. On ne sait pas ce que vont donner ces baies grillées. » Dans certaines parcelles, la Station Viticole rapporte des pertes de récolte allant jusqu’à 15 %.