E
t si vous pilotiez le fruité de vos vins blancs grâce à la balance azote/lipides ? Des résultats issus du projet Casdar Divin Cidre présentés par l’INRAE, l’IFV et le laboratoire Nyseos le 27 novembre dernier au VInitech.
« L’azote et les lipides impactent la cinétique fermentaire » débute Stéphane Delpech, responsable du laboratoire Nyseos. « L’azote joue sur la croissance des levures tandis que les lipides favorisent leur viabilité. Une carence en lipides peut conduire à une fin de fermentation languissante, voire à un arrêt de FA" prévient-il.
"Les lipides se trouvent principalement dans les bourbes et impactent le métabolisme de la levure, et donc, la production des esters et des thiols " indique Stéphane Delpech. Pour mieux comprendre cet impact, les chercheurs ont ajouté de l’azote organique, de l’azote minéral, et des lipides (stérols et acides gras) à des moûts de sauvignon.

Il faut augmenter les bourbes mais pas trop

« L’azote a beaucoup plus d’impact que les lipides : qu’il soit organique ou minéral, il a un effet très positif sur l’acétate de 3SH (arôme de fruit de la passion) et sur les esters » explique Jean-Roch Mouret, directeur de recherches à l’INRAE. « En revanche, il a un effet plutôt négatif sur le 3SH (pamplemousse, agrumes) et aucun impact sur le 4MMP (odeur de buis). Les lipides ont en revanche un effet négatif sur les esters d’acétate ». Tout est dans la mesure, à savoir la balance azote/lipides. « Il faut augmenter les bourbes, mais pas trop » précise Jean-Roch Mouret.

Deux fois plus d'esters en augmentant les lipides

« Pour un moût en carence d’azote, on obtient autant d’esters quelle que soit la teneur en lipides. En revanche, pour un moût concentré en azote, on obtient deux fois plus d’esters avec 8 mg/L de lipides plutôt qu’avec 2mg/L » affirme-t-il avant de rappeler : « préférez l’azote organique au minéral et privilégiez les apports d’azote à la moitié de la FA pour favoriser la production d’esters d’acétate ».
Pour pratiquer sur le terrain, l’iFV propose deux itinéraires techniques : l’un permettant d’aboutir à un profil fermentaire avec un rapport azote/lipides « élevé » et l’autre à un profil thiolé avec un rapport azote/lipides « équilibré ».

Globalement, plus on a de bourbes, plus on a de lipides

« Pour le premier, on effectue un pressurage direct, on débourbe à 100 NTU pour un moût avec une teneur élevée en azote assimilable » précise Frédéric Charrier, ingénieur oenologue à l'IFV pôle Val de Loire à l'IFV. « Pour le second, on fait une macération pelliculaire puis une stabulation sur bourbes avec une turbidité des moûts comprise entre 200 et 250 NTU. Et si l’on souhaite davantage d’acétate de 3SH, on augmente la teneur en azote. Globalement, plus on a de bourbes, plus on a de lipides. Mais on observe des différences, notamment en fonction du temps de la stabulation. Plus elle est longue, plus le moût s’enrichit en lipides » rapporte Frédéric Charrier. Résultat : des bourbes riches en lipides qui augmentent la viabilité cellulaire, tout en baissant un peu la turbidité.
« Aujourd’hui en cave, on travaille plutôt avec les NTU mais cet outil est imparfait » indique Stéphane Delpech. Pour piloter plus finement, le laboratoire Nyseos propose d’analyser les teneurs en stérols (entre 0,3 à 9 mg/L) et en acides gras (entre 1 et 12 mg/L) dans les moûts des opérations pré-fermentaires. Reste un frein non négligeable : le prix.
« Le coût de l’analyse est de 300€ » indique Stéphane Delpech. En revanche, pas besoin de les refaire chaque année. « Chaque millésime est différent mais les opérations pré-fermentaires et fermentaires ont le même impact chaque année. On peut donc déterminer quel itinéraire maximise les lipides dans les bourbes sans avoir à le refaire chaque année » précise Stéphane Delpech avant d’ajouter que « le pressurage a lui aussi un impact sur la qualité des bourbes, et donc sur la teneur en lipides ».
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