Ici, on fait du vrac sur mesure, déclare David Reverbel, directeur de la cave coopérative Les Trois Grappes, au Pouget, dans l’Hérault, qui vinifie 100 000 hl par an. De plus en plus de clients nous demandent des vins aromatiques de petits degrés. » Alors quand Jean-Luc Favarel, directeur recherche et applications de Pellenc, lui propose de tester Smart WineLyse, une machine de désalcoolisation partielle, le vigneron accepte.
« Ce procédé s’inspire de la flash détente, indique Jean-Luc Favarel. On désalcoolise du moût en fermentation par évaporation sous vide (lire l’encadré). » David Reverbel retient trois lots de 60 hl sur lesquels il mènera son essai : un sauvignon, un chasan et un alicante bouschet vinifié en phase liquide. « À l’entrée dans la machine, les moûts étaient à 1020-1030 de densité environ. Nous avons conservé un témoin non désalcoolisé pour chaque essai, afin de comparer. »
Côté mise en œuvre, c’est très simple. « La machine fonctionne en circuit fermé, explique Jean-Luc Favarel. Pour débuter une désalcoolisation, il suffit de saisir trois paramètres : le titre alcoolique potentiel, le volume à traiter, et le degré final souhaité. Puis on appuie sur “start”. Et pas besoin de filtrer le vin au préalable, ni de personnel pour faire fonctionner la machine. On peut même la surveiller à distance. » David Reverbel opte d’abord pour un moût de sauvignon. « Le test n’a pas été concluant car cet essai a uniquement permis de régler la machine. Nous avons réincorporé l’alcool dans la cuve initiale. En fait, on s’est aperçu que le moût désalcoolisé réchauffait la cuve lorsqu’il y retournait. Alors nous avons ajouté deux drapeaux de froid pour maintenir la cuve à température lors des deux essais suivants. »
Le deuxième test a porté sur le chasan, un cépage très oxydatif, proche du chardonnay. « En moins de quatre heures, nous avons abaissé à 13° d’alcool une cuve de 60 hl au TAP de 15°. » Côté dégustation, selon David Reverbel, il n’y a pas photo. « La bouche est plus intéressante et moins lourde que celle du témoin. Le vin est plus équilibré. C’est flagrant. » En aveugle, sur cinq dégustateurs, tous ont préféré le vin désalcoolisé au témoin.
Dernier essai avec l’alicante. « Nous le vinifions en phase liquide après une thermovinification, afin d’en faire un vin gouleyant, sur le fruit et sans tanins, précise David Reverbel. Ce cépage nécessite d’être récolté à un TAP de 13°. Là, on est passé à 11,5°, et on a obtenu un vin est très aromatique et très amylique. Encore plus gouleyant que le témoin ! C’est une bonne piste. On conserve toute la vertu du vin initial, avec 1,5° en moins, et plus d’arômes. » Plus d’arômes, explique Jean-Luc Favarel, car « on relance la fermentation en abaissant la teneur en alcool, et de nouveaux arômes sont synthétisés ». Autre avantage : le chauffage du moût provoque une lyse des levures, qui apporte au vin gras et rondeur. Et les distillats « sont très amyliques », s’étonne David Reverbel, qui les a vendus à une distillerie.
D’un point de vue pratique, David Reverbel est séduit. « La machine n’est pas très encombrante. Elle est automatisée, facile à programmer, s’arrête quand l’opération est terminée et est très facile à laver. » Paul Oui, directeur technique de la cave de Tutiac, à Marcillac, n’en est pas à son premier essai. « Nous avons déjà testé le prototype l’an passé. Cette année, on obtient de bien meilleurs résultats », confie-t-il. Cependant, il précise que « les essais ont duré plus longtemps que prévu : entre trois et quatre jours. Nous avions placé la machine à l’extérieur, à 100 mètres de la cuve afin d’éviter de gêner le travail de cave, mais des poches de gaz se sont créées dans les tuyaux. Une fois ces soucis réglés, on a désalcoolisé une cuve de 200 hl de sauvignon. Le degré est tombé de 11,8° à 9° et nous avons récupéré 170 hl, que l’on va revendiquer en IGP Atlantique ». Un niveau de pertes qui a amené Pellenc à réviser sa machine. « Nous avons modifié le prototype, indique Jean-Luc Favarel. Aujourd’hui, la cuve de détente est isolée et les pertes sont moindres : environ 8 %. »
Paul Oui se dit satisfait de cette nouvelle campagne d’essai. « Le sauvignon est très aromatique et frais. On a plus d’acidité, plus de fraîcheur que sur le témoin. Ce vin va rentrer dans notre gamme Ennea à 9° : on va l’assembler avec des raisins récoltés en sous-maturité et vinifiés classiquement. Nous en ferons entre 50 000 et 60 000 bouteilles. Nous sommes aussi sollicités par le négoce pour fournir des cuvées désalcoolisées. Est-ce que nous allons nous équiper ? Nous aviserons en fonction des ventes, car à 250 000 €, c’est un investissement assez lourd. » « En fonctionnement, le seul coût est énergétique, et représente moins d’1 €/hl », affirme Jean-Luc Favarel, avant de confier : « On a déjà des commandes ». La désalcoolisation a un bel avenir.
« On désalcoolise du moût en fermentation ou du vin fini, par évaporation sous vide, explique Jean-Luc Favarel. La machine pompe le produit puis le chauffe aux alentours de 50 °C. Ensuite, il est envoyé en continu dans une cuve sous vide à 30 mbar de façon à abaisser son point d’ébullition. À cette étape, une partie de l’eau et de l’éthanol s’évapore puis se condense. Ce distillat, qui titre entre 45 et 55 % vol., est extrait séparément, tandis que le vin désalcoolisé est réintroduit dans la cuve d’origine branchée à la machine en circuit fermé. Sur moût, le débit se situe entre 15 et 20 hl/h. »