’est ce qui s’appelle tenir fête à la crise des vins. Du jeudi 27 au dimanche 30 juin, la filière des vins de Bordeaux anime les quais de la capitale girondine pour partager ses produits et sa culture avec le grand public autour de dégustations et d’animations impliquant 1 200 vignerons et négociants. Gagnant encore en épaisseur avec un accueil adapté aux personnes en situation de handicap (de l’accès PMR aux ateliers dédiés complets), un évènement prestige (les 450 places pour la soirée à guichet fermé des grands crus classés en 1855) et une proposition plus gastronomique (avec des "cabanes de chef") le grand évènement annuel bordelais confirme son positionnement à part dans la filière vin française, par son offre et son budget.
« Ces événements, il faut sans doute que nous en fassions d'autres et ailleurs, et pas que nous » pose Bernard Farges, le vice-président du Conseil Interprofessionnel du Vin de Bordeaux (CIVB), à l’occasion d’une conférence de presse ce dimanche 30 juin. Précisant qu’il n’est pas question de remettre en cause la fête du vin à Bordeaux (« on est persuadé de sa réussite et de l'intérêt que ça a pour la ville et pour nous »), le viticulteur note que dans la filière bordelaise « on travaille, on réfléchit et on a très envie, depuis longtemps, d’essayer de trouver une fête du vin quelque part en France ou dans plusieurs endroits en France, mais avec d'autres régions ».


Présidant le Comité National des Interprofessions de Vins à Appellation d'Origine et à Indication Géographique (CNIV), Bernard Farges pointe « que le sujet n’est pas de conquérir et de piquer des parts de marché à nos collègues de la vallée du Rhône, de la Bourgogne, de la Loire. Mais l'enjeu est bien pour nous tous de conquérir des consommateurs qui ne nous connaissent pas encore ou qui ont envie de de nous connaître. » L’enjeu est donc de « travailler ensemble sur des événements grand-publics en multi-appellations et multi-régions viticoles. On y réfléchit, on y travaille, on n'a pas encore lancé le GO. Je le souhaite vraiment […] bâtir des événements multi-appellations me semble indispensable » répète le vice-président du CIVB, notant que si la filière bordelaise a l’expérience des fêtes du vin (à Bordeaux, Québec, Bruxelles, Hong Kong…), les autres régions ont leurs propres expériences et compétences (Live des Côtes du Rhône à Avignon, foire aux vins d’Alsace à Colmar, les Échappées en Loire, Bienvenue en Beaujonomie dans le Beaujolais, la Percée du Vin Jaune dans le Jura…)
Cette quatorzième édition de l’évènement Bordeaux Fête le Vin (lancé en 1998 et annuel depuis 2022) confirme que « les gens boivent moins mais ils boivent mieux. Ils ont besoin de connaître ce qu'ils boivent, ils ont besoin d'informations et ça fait partie de nos missions que d'éduquer nos consommateurs si on veut demain qu'ils deviennent ambassadeurs des vins Bordeaux » pointe Christophe Château, commissaire général de Bordeaux Fête le Vin. Le directeur de la communication du CIVB rapporte que lors d’une précédente édition, « un vigneron m’a dit qu’après les fêtes du vin "j'ai des idées pour évoluer et faire évoluer mes produits techniquement, en termes de marketing, en termes d'habillage". C'est une expérience en temps réel d'une confrontation entre un vigneron ou un négociant et son consommateur. »
Suivant les tendances de consommation, la fête du vin a doublé son offre en vins frais cette année, avec désormais un pavillon des vins blancs (secs et liquoreux) et un pavillon pour les rosés, clairets et crémants. Avec des affluences forcément météosensibles relève Christophe Chateau : « on vient d'avoir les 4 saisons en 4 jours (une météo du 15 août jeudi, les giboulées de mars samedi matin, la Toussaint l’après-midi et le printemps ce dimanche), ce qui nous a permis de montrer la diversité de Bordeaux : on a toute la gamme » pour tous les moments de consommation.


Avec ces quatre jours d’échanges avec les consommateurs, la fête du vin de Bordeaux pourrait ressembler à une parenthèse enchantée entre deux coups de pression du mildiou, une menace de rétorsion à l’export et un plan d’arrachage. « Au quotidien, les vignerons, les négociants sont devant les consommateurs et devant leurs clients » balaie Bernard Farges, pour qui « notre métier, c'est aussi d'aller au contact de nos consommateurs, de s'adresser à eux. Et ça fait partie de ce métier, ça n’est pas du tout une parenthèse. On n’est pas toujours la tête dans le sac » et de citer « ces millions d'hectos qui sont vendus, ces centaines de millions de bouteilles qui sont vendues, ces nouveaux consommateurs qui sont conquis chaque jour. »
La prochaine édition de Bordeaux fête le vin aura lieu en 2025 du jeudi 19 au dimanche 22 juin. En attendant des festivités collectives avec tout ou partie des autres vins de France. Il en existait dans les années 1930, avec le Comité national de propagande en faveur du vin qui lança la fête nationale des vins de France : la première s'est tenue en 1933 à Mâcon, le deuxième il y a 90 ans à Bordeaux, la suivante en 1935 à Reims, puis en 1936 à Colmar, puis en 1937 à Angers, en 1938 à Avignon et la dernière en 1939 à Béziers et Montpellier.