voir le même accès à la dégustation et à la culture du vin que les autres : c’est la demande bien légitime des personnes en situation de handicap que Bordeaux Fête le Vin prend à bras le corps pour son édition 2024 (27-31 juin 2024). Un travail qui sera de longue haleine, demandant non seulement d’être fait pour ceux en ayant besoin, mais avec eux souligne Annick Martinez, la responsable accessibilité et œnotourisme du Conseil Interprofessionnel du Vin de Bordeaux (CIVB). « C’est un travail de coconstruction avec toutes les formes de handicaps : moteurs, visuels, auditifs… » explique celle dont les parcours professionnels et personnels l’ont amené à la croisée des chemins entre le vin, la formation, l’évènementiel et le handicap.
Cet été, la fête du vin améliore ainsi l’accessibilité aux Personnes à Mobilité Réduite (PMR), et l’École du Vin propose pour la première fois des ateliers spécifiques pour les déficients visuels et des dégustations en Langue des Signes Française (LSF). Ces dernières sont animées par la formatrice indépendante Martine Bounet, à la tête de l’entreprise Vin Deux Mondes, qui propose depuis 2019 des expériences alliant vin et LSF. Elle peut témoigner de l’envie, et du besoin, de la communauté sourde d’avoir accès à des formations de qualité dans le fond et bien adaptée dans la forme (des supports textuels ou des casques audios ne suffisent pas). Si la formatrice constate l’émergence d’initiatives individuelles, comme celle inspirante des champagnes de Sousa, elle note le manque de structuration de ces propositions pour passer à l’échelle supérieure.
Titulaire d’un diplôme B2 de langue des signes, Martine Bounet n’est pas interprète, mais souligne l’intérêt d’avoir une professionnelle du vin pour transmettre les informations avec sa sensibilité. Et répondre à des questions pointues, comme celle posée par une participante ce vendredi 28 juin : « pourquoi certains vins paraissent-ils plus gras en bouche que d’autres, surtout les blancs ? » Demandant des mots techniques propres à la filière vin que la langue des signes n’a pas, la réponse passe par une stratégie d’iconicité pour figurer visuellement des mots et concepts (on ne parle surtout pas de mime en LSF). L’iconicité dépendant fortement des régions, « il n’y a pas de lexique formalisé du vin en langue des signes. Quand on ne sait pas dire un mot (comme le cabernet sauvignon ou ses arômes de cassis), il faut prendre le temps de l’expliquer » résume Martine Bounet. Affichant l’ambition d’avoir une langue du vin dans la langue des signes pour que la communauté sourde (celle qui signe du moins) puisse avoir un accès complet au monde du vin, la formatrice souhaiterait créer un module d’enseignement à la dégustation au vin en LSF (des contacts sont en cours avec des institutions spécialisées).


Car il y a matière à aller plus loin : les personnes en situation de handicap désirant le même niveau d’accès à la formation à la culture du vin que le reste de la population. « On travaille à améliorer le niveau d’accessibilité. Bordeaux Fête le Vin est le point de départ » indique Annick Martinez, qui veut se nourrir des retours des participants et d’ergothérapeutes spécialisés pour améliorer l’expérience proposée sur les quais de Bordeaux. L’objectif pour le CIVB étant de diffuser de bonnes pratiques simples et efficaces pour optimiser l’accueil de tous dans les châteaux et négociants. Ce qui n’est pas tant une contrainte qu’une amélioration au bénéficie de tous, Annick Martinez relevant malicieusement que les rampes d’accès pour les fauteuils roulants sont également appréciées des personnes ayant une poussette ou besoin d’une canne.
D’après les chiffres officiels, il y a 12 millions de personnes en France qui sont en situation de handicap, dont 80 % ne sont pas visibles.