ouhaitant d’emblée « exprimer la solidarité totale de toute la filière » pour les opérateurs girondins en difficulté, Allan Sichel, le président du Conseil Interprofessionnel du Vin de Bordeaux (CIVB) pose en assemblée générale ce lundi 29 avril que « malgré les accompagnements mis en place par l'interprofession et l'Etat*, de nombreux confrères restent malheureusement confrontés à un avenir incertain. Cette détresse nous touche profondément. » Le négociant soulignant que « dans certains cas, elle est la conséquence de prix de transactions inadmissibles, répondant à un besoin de trésorerie immédiat mais très loin de couvrir les coûts de production ».
Ayant porté ce début d’année une alerte sur les vins bordelais vendus à moins de 1 000 € le tonneau (hélas sans changement de paradigme, les cours moyen étant de 916 et 880 € le tonneau pour Bordeaux et Blaye Côte de Bordeaux en rouge du 15 au 28 avril derniers), le président du CIVB note que le sujet d’un prix rémunérateur est partagé par la distribution (à l’occasion de la réunion inédite du 8 avril dernier) et le gouvernement (la ministre déléguée à l’Agriculture Agnès Pannier-Runacher ayant reçu ce mercredi 10 avril le CNIV, Comité National des Interprofessions des Vins, portant le sujet avec le CIVB et Inter Rhône). « Si les règles de libre concurrence s'opposent à toute entente sur les prix, les lignes doivent néanmoins bouger, nous devons trouver des solutions pour que chaque viticulteur puisse vivre de son travail » indique Allan Sichel, qui évoque les pistes d’accord de filière avec la distribution et d’évolution de la réglementation Egalim avec l’exécutif (et les parlementaires).


Concrètement, « nous souhaitons définir les indicateurs qui serviront à calibrer le prix du contrat amont, adapter la loi Egalim aux spécificités de notre filière, sécuriser les opérateurs par rapport à la notion de faire pratiquer des prix abusivement bas [NDLA : suite aux condamnations de négoces sur ce fondement dans l'affaire Rémi Lacombe], intensifier l'animation du rayon vin dans la distribution et en terminer avec les Bordeaux en produits d'appel à prix cassés » liste Allan Sichel, restant pragmatique sur la portée d’une révision d’Egalim : « nous savons qu'il ne sera pas possible de décréter un prix minimum appliqué de manière obligatoire, systématique et indiscriminée. L'objectif est plutôt de déterminer des indicateurs pertinents qui permettront de calibrer les prix du contrat amont sur des bases éclairées. » Réaliste, le président du CIVB l’est également en reconnaissant que « quoi que nous mettions en place il va être difficile d'empêcher toute possibilité de contournement. Nous devrons y être vigilants mais cela exigera aussi la responsabilisation de tous les intervenants. »
Intervenants appelés à se positionner sur la levée de l’action en justice du négociant Castel, réclamant 100 000 € aux syndicats ayant manifesté devant son siège, par Dominique Techer, le porte-parole de la Confédération Paysanne de Gironde. Des discussions ont lieu sur ce sujet élude Lionel Chol, le représentant de la Fédération du Négoce de Libourne et Bordeaux (ancien directeur d’œnoalliance pour Castel, il dirige actuellement Ballande France et Associés). Secrétaire générale de la Fédération des Syndicats d’Exploitants Agricoles de Gironde (FDSEA 33) qui est poursuivie (aux côtés des Jeunes Agriculteurs et du collectif Viti 33), Serge Bergeon ajoute que toutes les manifestations ayant ponctué ces derniers mois ont permis de défendre « Bordeaux, tout Bordeaux. C’est le moment de le montrer clairement. J’ai apprécié le discours du président Allan Sichel. Faire corps, c’est aussi défendre à tous les niveaux l’image que l’on donne à l’extérieur. C’est l’intérêt de tout le monde, négoces et producteurs, de montrer que Bordeaux a des valeurs [dont] le prix rémunérateur. » Et le syndicaliste de pointer sous les applaudissements que « le Bordeaux bashing, par le prix entre autres, est une chose que nous devons tous condamner ».
Si l’arrachage sanitaire en cours n’a pas produit ses effets sur l’offre bordelaise, le petit millésime 2023 (mildiou oblige) doit alléger le surstock et permettre de relancer la demande. « Nos projections nous indiquent que nous allons approcher de l'équilibre volumique dans les prochaines semaines » pointe dans son discours Allan Sichel, soulignant que « cela n'a rien de glorieux puisque ce n'est que le résultat de la distillation, de l'arrachage et de la très faible récolte 2023 qui ont fortement réduit les volumes disponibles, les rapprochant des volumes commercialisés. Néanmoins cet équilibre est un prérequis absolument nécessaire pour tous les acteurs de la filière et doit contribuer au redressement des cours les plus bas de Bordeaux rouge. » Une revalorisation à laquelle doit contribuer la campagne "Ensemble tous singuliers/Join the Bordeaux crew" du CIVB, lancée depuis février en France, en mars en Belgique, en avril en Grande-Bretagne et aux États-Unis. « Nous devons réussir à stimuler la demande, intensifier l'attractivité de nos vins pour le consommateur bien sûr mais aussi pour le prescripteur, le grossiste, le détaillant, le sommelier, le caviste et le restaurateur. Tous doivent retrouver leur fierté à découvrir, prescrire et consommer les vins de Bordeaux » conclut Allan Sichel.
* : « La distillation, l'arrachage, les prêts bonifiés, le report de paiement des cotisations MSA, l'année blanche sur les remboursements d'emprunts et les mesures du plan d'urgence » sont cités par Allan Sichel, pointant que « ces mesures sont absolument nécessaires. Pour beaucoup, elles vont alléger la difficulté de manière transitoire mais n'apportent bien sûr pas de solution définitive. Il nous appartient d'inventer la suite. »