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L’insécurité juridique des échanges de vin en vrac tétanise Bordeaux
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Principe de précaution
L’insécurité juridique des échanges de vin en vrac tétanise Bordeaux

Après la condamnation de deux négoces pour "prix abusivement bas", tout l’écosystème bordelais phosphore pour faire évoluer la rédaction des contrats interprofessionnels afin d’éviter de nouvelles attaques en justice. Ce qui se traduit par un ralentissement des échanges déjà bien freinés.
Par Alexandre Abellan Le 01 mars 2024
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L’insécurité juridique des échanges de vin en vrac tétanise Bordeaux
Navigant à vue, les opérateurs du vin de Bordeaux attendent que le brouillard se dissipe… - crédit photo : Adobe Stock (Dolores Giraldez)
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rainte de bordereaux borderline à Bordeaux depuis le coup de tonnerre du jeudi 22 février avec le jugement du tribunal de commerce de Bordeaux. La juridiction condamnant sur le principe d’Egalim les négoces Cordier et Ginestet à 350 000 euros de dommages et intérêts pour « avoir fait pratiquer » au vigneron Rémi Lacombe « des prix abusivement bas » sur 10 transactions en 2021 et 2022. Les parties ayant un mois pour faire appel à compter de la date de signification du jugement (il n’y a pas d’appel officialisé à date*), il n’existe pas actuellement de jurisprudence Lacombe à proprement parler. En revanche, ce coup de théâtre judicaire sert de coup de semonce juridique aux transactions en vrac de la place de Bordeaux.

Si l’interprofession semble avoir anticipé une fragilité sur l’obligation de proposition initiale de contrat par le producteur en modifiant les contrats d’achat-vente (voir encadré), « la problématique finalement soulevée par ce jugement, c’est le non-respect de l’interdiction de vente à perte. C’est une première. Ça peut changer la façon de faire de tout le monde (si ça devient définitif) » pointe un courtier girondin, pour qui la place de Bordeaux se trouve plongée en pleine terre inconnue : « les experts juridiques des négociants et courtiers planchent dessus... Pour l’instant, il n’y a pas d’éléments précis et fiable. Tout ça est en réflexion chez tout le monde. C’est le flou artistique. » Résultat de cette incertitude, « il ne se fait plus beaucoup d’affaires, alors que des propriétaires sont très vendeurs (par difficulté de trésorerie). Nous sommes tous dans l’expectative, accentuée par les vacances scolaires » (samedi 17 février au dimanche 3 mars pour Bordeaux).

Ça part vraiment en cacahuète

« C’était le Far West. Mais là ça devient n’importe quoi. Toutes les affaires sont bloquées » commente un négociant spécialisé dans le vin en vrac qui note les réflexions de certains pour se doter de mentions protectrices individuelles. « C’est une catastrophe… Tout est fait dans la précipitation, personne ne réfléchit… C’est un enfer ! Rémi Lacombe a mis un coup de pied dans la fourmilière et depuis ça grouille… » commente un spécialiste du courtage de campagne. « Ça part vraiment en cacahuète, la filière n’a jamais été autant divisée » regrette un représentant syndical de l’Entre-deux-Mers, pointant que « la solidarité et l’effort collectif ne vont pas tarder à sortir des dictionnaires de la langue française. Quel gâchis ! »

« Déjà que les affaires n’étaient pas hyper dynamiques… Ça perturbe encore plus » reprend le courtier précédemment cité, qui note qu’« indépendamment des prix, il n’y a pas de volume de transaction comme il n’y pas de commandes des marchés. Ils semblent aussi à l’arrêt. » À l’arrêt de tribunal s’ajoute l’arrêt commercial.

 

* : S’il est déposé, le pourvoi en appel ne suspendra pas automatiquement l’exécution des peines. Il faudra pour cela que les appelants « obtiennent l’arrêt de l’exécution provisoire par le premier président de la Cour d’appel (ce qui est une procédure séparée) » indique maître Louis Lacamp, avocat de Rémi Lacombe.

 

Première sécurisation

Utilisant un dispositif type proposé par le Comité National des Interprofessions de Vins à Appellation d'Origine et à Indication Géographique (CNIV), le Conseil Interprofessionnel du Vin de Bordeaux (CIVB) semble avoir identifié une fragilité dans la non-application systématique de la loi Egalim et de sa marche en avant des prix, de l’amont à l’aval, avec le principe de première proposition de prix par le producteur et non l'acheteur. D’où l’ajout depuis quelques mois d’une case à cocher : « contrat précédé d'une proposition du producteur ». En cas de réponse « ☐ non », il est indiqué que « le contrat a été négocié dans le respect de la liberté contractuelle du producteur, ce dernier ayant pu faire valoir ses propositions préalablement à la signature du contrat et n'ayant pas souhaité effectuer une proposition. »

« Cette phrase est apparue dans l’été 2023 je crois (on ne voit pas beaucoup de contrats passer…) » se souvient un syndicaliste de la rive droite, pour qui « cela donne l’impression de couvrir le négoce dans la contrainte du viticulteur d’accepter le prix proposé… Producteur et négoce sont libres de signer un contrat d’achat/vente, mais quand on a la corde au cou, c’est plus difficile de dire non... »

Contacté, le CIVB n’a pas donné suite à date de publication.


 

 

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Tous les commentaires (7)
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Gregoire Le 06 mars 2024 à 19:21:07
@vinifera: malheureusement nous sommes sur un marché d offre et de demande. Les crises viticoles passent un peu partout. La surproduction ou volumes excédentaires appelez cela comme vous voulez n est pas une première. N y a t il pas un problème de pilotage. La chute des ventes de rouge n est pas un fait nouveau alors pourquoi en planter ces 15 dernières années ? Il me semble que la bascule d une appellation vers igp ou vdf ou vin d espagne ou vue à déjà été faite dans le passé car la marque est suffisamment forte, et cela pour des raisons de prix, volume, qualité...Bordeaux est elle une marque suffisamment forte? Cela me desole autant que vous mais c est bien ce qui se passe sur les marchés exports.
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Ronan Raffray Le 06 mars 2024 à 12:09:34
@augustin Bordeaux Magnum avait ensuite perdu des affaires devant la Cour d'appel de Paris Pour une analyse (gratuite) de ce contentieux, voir le site OpenWineLaw
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vinifera Le 01 mars 2024 à 20:24:43
C'est pourtant pas compliqué ! Que les négociants respectent la signature apposée par leur représentant au CIVB, les engageant à 1000 ? minimum le tonneau de Bordeaux. Il n'y aura plus de ventes abusivement basses !!! Ils paniquent car ils ne pensaient pas avoir à le faire... Quand à savoir si la reconnaissance de Bordeaux est suffisante pour augmenter le prix, en partant de 600 ? le tonneau, 0,50 ? de vin par bouteille, il y a de la marge !! Il n'y a qu'un négociant pour faire de telles remarques.
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Gregoire Le 01 mars 2024 à 10:28:40
La question n est elle pas: la reconnaissance de bordeaux est elle suffisante pour augmenter le prix ou le négoce ne devra t il pas basculer des marques sur d autres appellations ?
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Vigneron Le 01 mars 2024 à 08:54:17
Il faut que le vigneron indique au négociant son coût de revient ou prix plancher. En fonction des charges d'une entreprise et de la taille de l'exploitation, le prix plancher ne peut pas être le même pour tous. Si le négoce est prêt à payer au juste prix et que le vigneron arrive à vivre, je ne vois pas où est le problème. Vendre à perte est un problème à la fois pour le vigneron ainsi que pour toute l'appellation qui voit ses prix bradés. Il vaut peut être mieux ne pas vendre ou distiller. Et quand on produit, réfléchir quel sera l'acheteur. Peut-être privilégier la bouteille au VRAC ?
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augustin Le 01 mars 2024 à 06:58:58
la decision initiale du tgi de bordeaux sur la notion de rupture abusive des relations commerciales entre grand cru classé et petit négoce ... a ete confirmee par un arrêt de la cour d appel de bordeaux en 2009 , et la décision depuis 15 ans a été largement commentée, sans pour autant avoir eu un impact significatif sur le rapport de force entre les uns et les autres . Notamment au regard des campagnes de primeur depuis lors ... et si ce n est l éviction dudit négociant de toute allocation en grands crus, which is exactly the point ...
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augustin Le 01 mars 2024 à 06:41:21
bonjour à tous pour ce qui concerne bordeaux et puisque la mode est de laver son linge sale en famille , il faut reconnaître que la jurisprudence Lacombe présente l interet de dénoncer les prix les plus bas imposés aux entrées de gamme , avec l impact économique désastreux que l on sait . Pour être exhaustif , on attend avec impatience un telle démarche courageuse , émanant cette fois d une maison de negoce à l encontre d une propriété du haut du panier , dénonçant le cas echeant le chantage au refus de vente et ou le bouquet auquel il a été contraint de contractualiser . Bxxxx Mxxx contre château Lxxx devant le tribunal de grande instance de Bordeaux avait jadis eu un certain retentissement à l époque de la décision , puis ceci tomba étrangement dans l oubli .La grande propriété avait en effet été condamnée par le tribunal à payer des dommages intérêts au petit négociant, suite à une interruption jugee abusive de son allocation, en rétorsion à un non suivi. On devine ce que ceci pourrait impliquer en termes de rééquilibrage des forces en présence , par exemple lors de la sortie d un millésime comme 2023 au printemps 2024 , le négociant reprenant ainsi sa totale liberté de ne pas prendre allocation si trop chère payee , voire refuser le "bouquet "si celui ci est trop touffu. Mais est ce que la Place de Bordeaux est prête à cette confrontation , même si ultimement c est la survie de la filière en milieu de gamme qui par ricochet est en jeu ? Rien n est moins sur , tant sur cet hiver la solidarité reste pour le moment un vain mot, aussi bien entre vignerons eux mêmes.. que entre vignerons et negoce. On est plus semble t il sur le sauvage " sauve qui peut " ... que le courtois " les femmes et les enfants d abord " :^( CIVB comme pouvoirs publics ont donc du pain sur la planche , pour réinventer ensemble un système de mise en marche à la fois solidaire et perenne , ce pour tous les acteurs , c est a dire bien sur les trois segments donc de l entrée , du milieu (trop souvent oublié et qui souffre ) , et du haut de gamme. Le challenge vient du calendrier car à force de tergiverser à coup d arrachage et distillation ou nouvelle campagne de pub , tous présentés comme autant de panacees , on en a oublié que le problème ne se réduisait pas à optimiser offre et demande . Le rééquilibrage interne a Bordeaux , cette fois entre production et distribution reste à concrétiser. Pour rétablir ensemble un mécanisme de Place qui a fait ses preuves et que le monde nous a envié. Il en est encore temps pour certains, c est probablement helas déjà très tard pour d autres .
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