lors que l’objectif de cours rémunérateurs du vin en vrac, par la marche en avant du prix depuis le coût de production au vignoble, anime les débats, et réflexions, dans les vignobles rouges en crise de déconsommation (Bordeaux, Languedoc, vallée du Rhône…) l'Autorité de la Concurrence met de manière bien opportune à profit un avis « concernant les modalités d’encadrement du prix des réserves interprofessionnelles dans le secteur des vins » pour remettre les points sur les i d’interdit interprofessionnel. Saisie sur la question de l’encadrement du prix des réserves interprofessionnelles par le ministère de l’Économie (principe défendu par l’interprofession des vins du Val de Loire, InterLoire*), l’Autorité de la Concurrence estime dans sa réponse du 12 mars, communiquée ce 15 avril, que « les interprofessions peuvent prévoir un principe de tunnel de prix à condition toutefois que les bornes minimales et maximales du prix soient déterminées librement par chaque opérateur contractant » (voir encadré).


Plus concrètement et globalement, « l’avis rendu par l’Autorité n’autorise pas les interprofessions à parler de prix de vente et ne s’éloigne donc pas des avis précédents dans le secteur des vins » précise le gendarme de la concurrence à Vitisphere, faisant référence à des condamnations passées pour entente sur les prix d’une interprofession et un syndicat de vignerons (en Alsace et dans le Rhône). « Cet avis évoque simplement la possibilité offerte aux interprofessions d’insérer dans leur accord interprofessionnel, le principe d’un "tunnel de prix", à savoir une disposition permettant aux opérateurs de prévoir dans leurs contrats des bornes minimales ou maximales entre lesquelles le prix de la réserve pourrait fluctuer » explicite l’Autorité à Vitisphere, pointant que « ces niveaux de bornes de prix ne peuvent être, ni discutées, ni déterminées par l’interprofession, puisque seuls les opérateurs pourraient en discuter et les inscrire dans leur contrat de manière bilatérale. Toute fixation de ces bornes de prix en commun, dans le cadre d’une interprofession par exemple, reste interdite par le droit de la concurrence. » Un avis extrapolable aux contrats interprofessionnels hors réserve ajoute le gendarme de la concurrence, si jamais un doute subsistait.
N’empêchant pas la poursuite des réflexions sur une réforme d’Egalim (entre contrats de filière et organisation de producteurs), cet avis de l’Autorité de la Concurrence est un coup de semonce à la filière vin pour éviter des poursuites pour entente sur les prix. Sachant que le gendarme de la concurrence précise ne pas avoir étudié dans cet avis les modalités de prix planchers. Mais pour conclure, « l’Autorité souligne que, conformément aux dispositions de la loi EGAlim 2, le gouvernement pourrait aussi, par décret, imposer aux parties de prévoir dans leurs contrats une clause-type prévoyant un tunnel de prix, les bornes de celui-ci étant toujours librement fixées par les parties ».
* : « Alors que les interprofessions vitivinicoles peuvent mettre en place des mesures de régulation du marché comme la mise en réserve d’une partie des récoltes, ces dernières souhaitent également encadrer, à leur niveau collectif, le prix de la réserve lors de la libération de celle-ci, afin notamment d’éviter une fluctuation trop importante entre le prix du volume principal et celui du volume mis en réserve » explique l’Autorité, ajoutant que le prix du volume principal « resterait en revanche librement fixé par les parties à la transaction ».
L’Autorité estime dans son avis que « même si le secteur agricole bénéficie de certaines règles dérogatoires au droit de la concurrence, la mesure d’encadrement du prix des réserves interprofessionnelles envisagée ne rentre pas dans ces dérogations et, mise en œuvre par un organisme collectif qui fixerait de manière uniforme pour tous les opérateurs le taux de fluctuation des prix, elle est susceptible de constituer une entente sur les prix contraire au droit de la concurrence ».
Mais l’avis du gendarme de la concurrence ouvre la porte à une solution licite : « l’Autorité étant favorable au développement de la contractualisation dans le secteur agricole afin de permettre de limiter la volatilité des prix, elle relève que les interprofessions peuvent insérer, dans leur accord interprofessionnel, une disposition permettant aux opérateurs de prévoir dans leurs contrats des bornes minimales ou maximales entre lesquelles le prix de la réserve pourrait fluctuer. Mais ces bornes devraient être librement déterminées et convenues par chaque opérateur contractant, à l’exclusion de toute fixation en commun, et ainsi, sans que l’interprofession intervienne pour en déterminer le niveau. »