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Castel réclame 100 000 € aux vignerons manifestants l'ayant bloqué
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Baron de l’estoc
Castel réclame 100 000 € aux vignerons manifestants l'ayant bloqué

C’est ce qui s’appelle présenter la fracture. Le premier négociant français veut faire payer, au sens propre, les préjudices subis après la manifestation du 28 février dernier devant son siège bordelais. L’estimation envoyée aux syndicats viticoles s’élève précisément à 100 528 euros.
Par Alexandre Abellan Le 19 avril 2024
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Castel réclame 100 000 € aux vignerons manifestants l'ayant bloqué
100 000 € de dommages et intérêts ? « C’est très exagéré. Le portail n’a pas été abîmé et ce n’est pas ce que coûte le nettoyage du goudron » indique un manifestant. - crédit photo : DR
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lors que le vignoble bordelais se prépare à des alertes gelées, un coup de chaud lui est offert par le négociant Castel Frères (400 millions de bouteilles vendues/an pour 720 millions d’euros de chiffre d’affaires dans le monde). Revendiquant le titre de premier négoce de France et d’Europe, le groupe girondin n’a pas oublié la manifestation vigneronne bloquant le 28 février dernier le siège Castel Frères de Blanquefort (Médoc) afin de porter des revendications de juste rémunération des vins de Bordeaux (après une visite identique aux Grands Chais de France le 22 février et avant celle au négoce Raymond le 15 mars). D’après les documents consultés par Vitisphere, Castel assigne en justice la Fédération des Syndicats d’Exploitants Agricoles de Gironde (FDSEA 33), les Jeunes Agriculteurs de Gironde (JA 33) et le collectif Viti 33 (via son porte-parole Didier Cousiney) pour demander une condamnation in solidum de 100 528 euros afin de réparer les préjudices et de 5 000 € pour régler les frais de justice.

Dans son argumentaire, Castel demande la reconnaissance par le tribunal de la responsabilité collective du groupe dans « l’entrave à la liberté d’aller et venir en bloquant l’accès au site » (les manifestants bloquant l’entrée), ainsi que l’« atteinte au droit à la protection du domicile par le blocage de l’entrée et le déversement de lisier et autres déchets » (il est question de ceps et d’une boule de foin brûlée), l’ « atteinte à la réputation de la personne morale SAS Castel Frères par les banderoles et affichages visant le représentant de ladite société, son mode de vie et dénonçant la politique commerciale du négociant » (avec des références à l’enquête pour complicité de crimes contre l’humanité en Centrafique et aux procédures avec le fisc suisse)… Contacté, Castel ne souhaite pas commenter, mais sa direction appelle à laisser la justice faire son travail. Instigateur de la manifestation*, le syndicat des Jeunes Agriculteurs ne veut pas se positionner avant l’expertise juridique du copieux dossier d’assignation (une centaine de pages).

Cette assignation remet de l’huile sur le feu

Cette assignation est un événement exceptionnel pour Jean-Samuel Eynard, le président de la FDSEA 33, qui juge dommage cette attaque du collectif syndical alors que des discussions entre vignoble, négoce et grande distribution ont démarré ce lundi 8 avril, après la série de manifestations et actions de ces derniers mois. « Nous avions entamé une démarche vertueuse, cette assignation remet de l’huile sur le feu. Je ne comprends pas » pointe le vigneron des Côtes de Bourg, jugeant le chiffrage des 100 000 € de dommages et intérêts « totalement exagéré et fantaisiste » face à une manifestation qu’il qualifie de calme et sans dérapage. Rapportant que pas un camion ne s’est présenté pendant la manifestation, Jean-Samuel Eynard pointe la présence des forces de l’ordre pendant toute l’opération pour confirmer ses dires.

Misère sociale

« C’est une honte que Castel assigne au vu de la situation. Ils auraient mieux fait de participer plus activement aux discussions » réagit Didier Cousiney, le porte-parole du collectif Viti 33, qui rappelle ne pas être à l’origine de cette manifestation, mais avoir rejoint l’action pour obtenir des avancées sans la moindre dégradation. « Nous avons manifesté pour obtenir la fameuse table ronde. C’était une première ! » rapporte le vigneron retraité, qui « espère que cela va s’arrêter là. Castel ferait mieux de faire profil bas. Le mouvement s’était calmé, mais on a des gens désabusés. Ils n’ont plus d’argent pour payer les traitements, les salaires et les échéances. C’est invivable, nous sommes à la veille d’une catastrophe. Certains vont tout perdre, patrimoine et maison. Ce serait plutôt à nous d’attaquer ceux qui se réclament de la RSE (Responsabilité Sociétale des Entreprises) et ne la font pas. »

« La manifestation est restée très cordiale par rapport au niveau d’urgence et ce que pratique Castel » ajoute Bastien Mercier, membre du collectif Viti 33, qui trouve l’assignation « regrettable alors que nous travaillons collectivement et que nous appelons au calme. C’est une façon d’allumer la mèche qui n’est pas appréciée. » Rappelant un slogan des dernières manifestations, "le vignoble ne va pas crever en silence", Bastien Mercier appelle à faire redescendre la pression.

Mise en accusation plutôt maladroite

« Je suis estomaqué de la méthode » abonde Renaud Jean, membre du collectif Viti 33, pour qui les manifestations de désespoir étaient non seulement légitimes, mais utiles : « il ne peut y avoir de progrès sans confrontation. L’immobilisme des acteurs institutionnels face à la détresse et l’impossibilité de parler des coûts de production, tout en se revendiquant acheteurs respectueux de ses fournisseurs, ont amené à des situations de blocages. Grâce a la pression de la base il y a pu avoir la réunion du 8 avril. » Et désormais ? « S’ils ne reculent pas j’ai bien peur du sabordage de toutes relations constructives. Mais peut-être est-ce le but ? » ajoute le vigneron de l’Entre-deux-Mers, pointant qu’« en cette période de début d’unité qui pourrait enfin former filière. Nous trouvons cette mise en accusation plutôt maladroite. »

Se qualifiant de « vignerons dans l’âme » sur son site, le groupe Castel semble sur une longueur d’onde proche des manifestants : « le vin est un produit unique, reflet d’un savoir-faire parfois séculaire de familles, de viticulteurs et de maîtres de chai… Notre volonté a toujours été de respecter et de protéger ce patrimoine. »

 

* : Manifestation non déclarée d’après la préfecture de Gironde, qui a compté 120 vignerons et une vingtaine de tracteurs lors de la manifestation.

 

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Tous les commentaires (6)
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Gascogneur Le 20 avril 2024 à 09:38:05
Nous sommes revenus au Moyen Age ,faites bien payer aux serfs l'envie de se rebeller .
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augustin Le 20 avril 2024 à 08:10:24
Quel rôle lionel.chol à t il pu jouer dans cette nouvelle procédure castel ? N 'oublions pas que depuis 2016 celui ci était le président des négociants de Bordeaux tout en étant le patron d oenoalliance donc salarie dirigent du groupe Castel ... Donc, comment l umb peut elle se déclarer "désireuse de construire avec les vitis " tout en acceptant que l employeur de son président porte plainte contre ceux ci ? Maintenant que castel à donné sa position, celle de l umb avec son nouveau président (arrivé fort opportunement ces jours ci ) ...mais aussi de m chol lui même ...seraient intéressants à connaître... En clair l umb est elle solidaire de l action de castel ? ou bien sa discipline interne fait elle tant defaut qu elle n à pas réussi à calmer un de ses membres les plus eminents ? Au delà de l anecdote sur la gouvernance c est la problématique de la cohérence de la filière qui se pose et de sa réelle capacité à vraiment travailler ensemble . Les belles déclarations du 8 avril soir paraissent déjà bien loin : l umb devrait pouvoir calmer ses adhérents et faire retirer l appel egalim ainsi que la plainte dégradation. Ce message de paix remettrait un brin d humanité et apaiserait les tensions . Sommes très heureux de la semaine des primeurs à Bordeaux , et ce serait un calendrier idéal pour l umb de sortir un communique de presse sur le sujet et enterrant ainsi la hache de guerre entre negoce et vitis .A défaut, on restera sceptique sur la représentativité de l umb. Sans parler de celle de la fgvb qui pour le moment est restée bien silencieuse sur ces deux débats egalim et degradation (dont pourtant certains de leurs ex adherents les olus mediatiques )sont les cibles. Ultimement c est l image du civb qui pourrait en souffrir si ces deux procédures perduraient , signes que l umb tolére ce type de plaintes ...et que la fgvb ne supporte pas ceux qui en sont pourtant là cible. Ici comme ailleurs .Le " en même temps " n est plus tenable , désolé.Soit le civb est représentatif et le rapport de force engagé reflète au fond sa propre position ... ou bien il s agit d initiatives individuelles mais alors les deux maisons de négoce doivent peut être se mettre momentanement en retrait de l umb , du moins le temps de la procédure si elle est maintenue , ce pour permettre au reste du négoce et aux vitis de continuer le dialogue sans arrieres pensées liées aux contentieux en cours . On souhaiterait pourquoi pas, un coup de sifflet en ce sens de l arbitre M Guyot , préfet d aquitaine puisque la direction du civb n à a toujours pas commenté ces deux assignations , ni sur egalim ni sur la réparation des dégradations. Et le commentaire sur le thème " laissons faire la justice " ne convaincra personne, ni dans les parcelles de vignes n au chai : le terrain est certes rural mais point naïf !
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Jacques Le 19 avril 2024 à 21:47:47
Castel pense qu'il est normal de se faire dédommager de dégradations ? Mais dans quel monde vivent-ils ?
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Arthur Le 19 avril 2024 à 12:39:04
De quoi apaiser le débat...une seule réflexion me vient à l'esprit, celle de Lino Ventura dans Les Tontons flingueurs, "les c.... ça ose tout, c'est même à ça qu'on les reconnaît".
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Confédération paysanne de Gironde Le 19 avril 2024 à 09:31:54
Encore une fois, c'est une atteinte au droit syndical de manifester. Castel a le droit d'exercer une violence quotidienne en achetant des vins à la moitié ou au tiers du coût de revient du producteur. Mais les vignerons n'auraient pas le droit de manifester leur opposition : dans quelle république sommes nous ? L'éventuel préjudice de la manifestation n'est rien à côté des profits colossaux engrangés depuis des années en pratiquant "des prix abusivement bas" comme le dit Rémi Lacombe dans sa plainte. Cela vient en plus des innombrables interdictions de manifester à cause des "risques de troubles à l'ordre public", ce risque étant à l'appréciation discrétionnaire des préfets. La Confédération paysanne de Gironde soutient donc les mis en cause et se réserve la possibilité d'intervenir dans une éventuelle suite judiciaire. Espérons quand même que le groupe Castel reprendra ses esprits et ne rajoutera pas une provocation au désastre économique actuel.
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augustin Le 19 avril 2024 à 06:12:20
bonjour a tous Le cas de Valérie Murat et l obligation qui lui a été imposée de payer 125 k euros de caution pour continuer à s exprimer aurait du alerter l intersyndicale. A Bordeaux et dans le microcosme du vin , il ne fait pas bon dénoncer ce qui ne va pas surtout lorsque cela vient des plus riches et des plus puissants . Rémi Lacombe se retrouve ainsi confronté à une procédure d appel de la part d un d ses adversaires sur le dossier egalim , et c est maintenant l intersyndicale qui subit une assignation de la part du groupe Castel pour 100 k . Il ne fait donc pas bon , encore une fois , de vouloir contrecarrer les agissements des opérateurs de cette filière ...qui ont tout intérêt pour la plupart à maintenir le statu quo, fut il mortifere . Ne doutons pas que ces groupes peuvent se payer les honoraires des cabinets d avocats les plus acérés du pays et peuvent donc rendre la vie des imprécateurs, avec ou sans le sou , très difficile et ce par des assignations à répétition réclamant des sommes (folles pour la défense et parfaitement négligeables pour les plaignants.) "Suivant que vous serez puissant ou misérable les jugements de cour vous rendront blanc ou noir ", nous a bien dit La Fontaine. Il y a fort à parier qu en l espèce le civb, l umb , les courtiers et peut être même la fgvb vont se refuser à commenter cette nouvelle assignation , tout comme la préfecture, la région et bien sûr le triptyque ministère agriculture, matignon et elysee vont rester cois . Le terrain n à pas accepté les miettes de la carotte ? Il aura droit désormais au bâton ! Espérons que les magistrats refuseront l instrumentalisation ... "rendre la priorité au politique par rapport à l économique" est l une des priorités de la justice sociale de notre pays depuis le siècle des lumières... Espérons que tous ces anciens disciples de l ENM et leurs pairs n oublieront pas ce noble objectif ...A défaut , ce serait bien "l horreur économique "dénoncée par Viviane Forrester il y a presque 30 ans qui s imposerait aux petits viticulteurs , à Bordeaux comme ailleurs. Gageons que ce ne sera pas le cas , et que la Justice fera le job !
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