Didier Cousiney : La pression monte et va encore plus monter. On a juste commencé aujourd’hui à Langon avec une plateforme de la GD et le symbole de GCF. Il y aura d’autres actions, dès la semaine prochaine. Nous avons mobilisé une centaine de personnes avec 25 à 30 tracteurs et engins agricoles sur deux sites ce matin sans débordement*, en réussissant à avoir de nombreux médias.
Que demandez-vous alors que l’État indique mettre en place un arrachage sanitaire et un fonds d’urgence, tout en négociant avec l'Europe un arrachage temporaire ?
Ce n’est pas ce que l’on demandait, mais on ne crache pas dans la soupe : on prend tout ce que l’on nous donne ! Mais les annonces du gouvernement, j’en fais fi. J’entends le ministre* parler d’aides à l’installation avec des prêts pour les jeunes. Mais c’est prendre le problème à l’envers. Il faut sauver le présent pour pouvoir parler d’avenir. Comment installer des jeunes quand ceux en place ne peuvent pas vivre de leur travail ? J’ai échangé avec la direction de Grands Chais, qui me dit tout faire pour Bordeaux. Mais ils le font à des prix indécents ! Je demande que les viticulteurs puissent se retrouver autour de la table avec les centrales d’achat de la GD et les grands négociants. Nous n’avons pas besoin de nos institutions (syndicats AOC et interprofession), nous voulons parler en direct d’un prix rémunérateur pour l’on puisse vivre de notre métier. Aujourd’hui, être vigneron ne paie pas les frais et ne permet même pas de se dégager un début de salaire pour avoir de quoi nourrir nos familles. On doit pouvoir vivre de notre boulot comme tout à chacun.
Êtes-vous partisan de la mise en place d’un prix plancher fixé sur le coût de production des vins ?
Ne parlons pas de prix minimum, ce serait une base qui n’évoluerait jamais. Notre collectif réfléchit avec la filière sur un moyen d’orienter les prix. On veut discuter avec les responsables d’achat de la GD et les gros négoces pour leur faire admettre qu’en pratiquant des prix de 600 à 650 € le tonneau ils mettent à genou tout un territoire. Il faut que l’on puisse payer nos charges, nos frais et un salaire sans piocher dans des réserves que l’on n’a plus. C’est entre nous, acteurs du vignoble, de parler sans intermédiaires institutionnels.
Que pensez-vous des prises de parole de l’interprofession sur un prix du vrac inacceptable en dessous de 1 000 € le tonneau et de la FDSEA pour surveiller les transactions tombant en dessous de ce niveau ?
Je ne veux pas jeter des fleurs au collectif, mais dès que nous faisons une action ou des annonces, c’est repris par d’autres. J’ai le souvenir d’une réunion il y a quinze ans dans la salle des fêtes de Saint-André-du-Bois qu’Allan Sichel [NDLA : actuel président de l’interprofession des vins de Bordeaux, le CIVB] nous disait que l’on ne vendait pas plus un vin qu’il soit acheté à 500-700 € le tonneau qu’à 1 200 €. Aujourd’hui, nous sommes tombés à 600-650 € le tonneau. Je l’ai demandé à la direction des Grands Chais : est-ce que cela fait rêver le client de voir une bouteille de Bordeaux à 1,5 € ? Ça ne valorise pas l’image de marque de Bordeaux que l’on essaie de redorer avec la nouvelle campagne publicitaire [NDLA : Join the Bordeaux crew].
La sortie de la crise ne réside-t-elle pas simplement dans la sortie de l’attentisme des acheteurs de vrac ?
Ce n’est plus de l’attentisme. Il n’y a rien qui se passe : c’est catastrophique. Nous savons qu’il y a une déconsommation, mais ce n’est pas pour ça qu’il faut tout acheter à 600 € le tonneau.
* : Lors de sa conférence de presse ce mercredi 21 février, le premier ministre Gabriel Attal indiquait que « conformément à nos engagements, 2 milliards d’euros de prêts garantis par la puissance publique sont accessibles dès cette année aux agriculteurs nouvellement installés ».
Les tracteurs portaient les revendications et le désespoir des manifestants.
* : Confirmant qu'il n'y a pas eu de remontées de dégâts, la péfecture de Gironde précise qu'il y aurait eu à Langon 21 voitures, 10 tracteurs, 1 machine de vendange et une quarantaine de personnes et à Landiras 10 voitures, 10 tracteurs et une vingtaine de personnes.