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"Sans prix rémunérateur, les vins de Bordeaux sont pliés"
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Coup de semonce
"Sans prix rémunérateur, les vins de Bordeaux sont pliés"

Nouvelle action de ras-le-bol vigneron contre les bordeaux à bas prix. Cette fois contre une structure de négoce ayant fourni les vins vendus à 1,89 € par Lidl. La pression économique étant forte dans le vignoble, l’impatience monte alors qu’une table ronde entre filière, distributeurs et parlementaire est attendue prochainement.
Par Alexandre Abellan Le 15 mars 2024
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Ne souhaitant être ni cité, ni photographié, le négociant visité sera donc flouté avec un emoji parmi les manifestants l’écoutant ce 15 mars devant son négoce. - crédit photo : Alexandre Abellan
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emontés, les slogans de la quarantaine de vignerons manifestant ce vendredi 15 mars devant la maison Raymond au Bois Majou (Aillas, Gironde) donnaient le ton de leur colère face à la foire aux vins de Lidl proposant une offre promotionnelle à 1,89 € la bouteille de Bordeaux rouge* : « stop aux prix qui nous tuent », « à 1,89 € du Bordeaux, c’est nous qui trinquons », « on veut juste nourrir, pas mourir », « agriculteur : enfant on en rêve, adulte on en crève » (voir photos ci-dessous). Après le blocage du centre logistique de Cestas la semaine passée, les membres du Collectif Viti 33 maintiennent la pression en ciblant l’un des fournisseurs de ces vins à bas prix. Venu à la rencontre des manifestants, le PDG du négoce a joué la carte de la transparence pour apaiser les esprits, mais, en bataille comme ses cheveux, le vigneron-négociant ne souhaite être ni cité, ni photographié, comme il l’a indiqué non sans virulence à Vitisphere.

Plus ouverts à la communication avec la presse, les manifestants rapportent de leur côté que les échanges ont pu être constructifs et apaisés avec le gérant de la maison Raymond. « C’est le premier [des négociants visités] qui le courage de venir nous rencontrer. Nous avons eu un échange respectueux et constructif. Il nous a expliqué que la déflation l’oblige de s’adapter aux prix des autres négoces pour pouvoir faire tourner sa boutique. Il est obligé de se mettre au diapason, mais en tant que viticulteur il connaît nos problèmes » rapporte Didier Cousiney, le porte-parole du collectif Viti 33. Un argument qui n’est pas sans rappeler celui de Lidl : la pression du marché et de la concurrence qui pousse se tire la bourre et à rogner au centime près. « C’est tout le temps de la faute des autres » reconnaît le maire du Pian-sud-Garonne de 65 ans, ajoutant que « certains n’ont pas de quoi payer leurs produits de traitement. On se retrouve à vendre à 700 euros le tonneau sous la pression des factures, du fiscal, des cotisations sociales, des banques, des salaires, des intrants… Nous n’avons pas besoin d’aides de l’État ou de l’Europe, mais de vivre de notre travail comme tous les Français. Il faut un juste partage des marges. »

Nous avons tous signé un contrat à prix indécent

« Nous sommes tous dans la crainte. Nous tous obligés de vendre à bas prix. Nous avons tous signé un contrat à prix indécent avec un négociant. Aujourd’hui, c’est Raymond, mais pas de jaloux, demain ce sera un autre » poursuit Bastien Mercier, membre du collectif Viti 33. Alors que la cellule de crise viticole doit se réunir ce lundi 18 mars à la préfecture de Gironde, le collectif pourra porter ses propositions de segmentation (AOC Cru Bordeaux et IGP Bordeaux Atlantique par exemple), d’Organisation de Producteur (OP)… Sans oublier la mise en place du prix plancher attendu dans la nouvelle egalim. De multiples sujets pour une future table-ronde réunissant tous les opérateurs du vin de Bordeaux, de l’amont à l’aval. « Il faut que l’État organise le rendez-vous pour que cela soit neutre. Nous voulons que ce soit gagnant-gagnant » ajoute le maire de Camiran de 35 ans, qui attend désormais la date de cette réunion entre toutes les parties prenantes : viticulture, négoces, courtiers, distributeurs… et parlementaires, car « ce sont eux qui feront la nouvelle loi Egalim. S’il faut la faire filière par filière, que ce soit fait comme ça. L’élevage et la vigne n’ont pas les mêmes structures de production et commercialisation. » Mais dans tous les cas, « nos métiers ne font plus rêver avec leurs contraintes environnementales, administratives… On n’en peut plus. »

Rebondissant sur le coût des contrôles pulvé et du renouvellement du Certyphyto, le vigneron Henri Joanchicoy (55 hectares à Sainte-Foy-la-Longue) souligne que « quand tu gagnes bien ta vie, il n’y a pas de souci. Mais quand ce n’est plus le cas… Sur la propriété, nous avons optimisé les coûts à 4 000 €/ha : il nous faut 200 000 € de revenus pour tenir. Nous sommes à 150 000 €… Il n’y a pas besoin d’avoir fait de grandes études pour comprendre que ça ne va. » Prévoyant de réduire la voilure avec son fils récemment installé (ils ont un projet agrivoltaïque sur luzerne), le vigneron de 62 ans reçoit pour la première fois des factures qu’il ne peut régler immédiatement : ayant vendu des Bordeaux à 700 € le tonneau et du Bordeaux Supérieur à 900 € le tonneau, il ne comprend pas ses cours au ras du plancher. « Je suis sûr que Lidl pourrait vendre à 2,5 € ces vins sans perdre beaucoup de volume, mais tout le monde en vivrait. S’il n’y a pas de mesures fortes, sans prix rémunérateur, les vins de Bordeaux sont pliés » prévient-il.

Aujourd’hui, on travaille la vigne pour perdre de l’argent

Une vision que n’est pas loin de partager un jeune viticulteur, installé en 2018 en cave coopérative, qui ne s’en sort que grâce au fermage gratuit de son père et au salaire de son épouse. Pour sortir de la panade, il n’y a que la force du collectif qui vaille pour lui : « il faut tous se mettre ensemble pour établir un prix de base. Aujourd’hui, on travaille la vigne pour perdre de l’argent. Il faut des solutions très très vite. La vigne va bientôt commencer à pousser et nous n’aurons plus le temps pour manifester. » Alors que les vignerons bordelais sont peu sanguins, notamment vis-à-vis de leurs collègues du Midi, la pression semble désormais telle que les actions deviennent récurrentes, quoiqu’avec un noyau réduit de participants.

« Nous verrons quelle sera la prochaine action. Nous pourrions aller chez un distributeur, un négociant… Ou l’interprofession (CIVB) ou l’ODG (Organisme de Défense et de Gestion des AOC Bordeaux et Bordeaux Supérieur) » esquisse Didier Cousiney. « Il faut trouver une solution pour sortir de l’impasse » poursuit Christophe Duharte, trésorerie adjoint du collectif, concluant : « on doit arriver à un accord. Si au lieu de nous acheter le tonneau à 700 ce serait 1 200 euros, tout le monde s’y retrouverait. Le gérant de Raymond nous dit qu’avec ses vins vendus 1,89 € il se dégage une marge pour faire tourner son affaire. Ce n’est pas le cas de nous autres…  Il faudrait les mêmes règles du jeu. »

 

* : Si les manifestants épinglent également le vin de Bordeaux à 1,89 € proposé par E.Leclerc, ils s’étranglent d’entendre que Lidl menacerait de suspendre les négociations sur les vins de Bordeaux et même d’en acheter à l’avenir… Contacté, le service de presse de Lidl n’a pas donné suite au moment de la publication.

 

Arrivés à 6 heures du matin...

... les manifestants ont installé leurs engins, pendus, panneaux et affiches devant le négoce.

Si Lidl est visé...

...Leclerc l'est également.

Dans l'agglomération bordelaise se trouvent toujours lesdites bouteilles en magasin.

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Tous les commentaires (5)
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jmh Le 16 mars 2024 à 10:51:42
michel biero disait à la presse et àla télé non sans culot qu'il fallait aider les agriculteurs ; apparemment il a oublié la viticulture ! Et il critiquait leclerc pour des cotes de porc à 4.99 je suis poli mais dans ces cas la on ferme sa ....... Les négociants font de la péréquation de marge sur d'autres produits et sur l'ensemble du ca de l'année avec les requins de la gd . Si on regarde les comptes exploitations de la gd quand il sont publiés sur la masse avec peu de marge en % , en menu monnaie ça fait du poignon !
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augustin Le 16 mars 2024 à 06:10:56
Albert je comprends votre perplexité et je répond à la question 1) oui effectivement la plupart des petits châteaux aujourd hui sont contraints à vendre à des prix très bas pour faire du cash et ne pas crever , mais qui oserait le leur reprocher 2) cela n à absolument PLUS RIEN à voir avec la supposee mauvaise ou bonne qualité du vin dans la bouteille C est comme si vous vous basez sur la cote des bolides automobiles Bugatti dans les années 1950... pour en conclure que ce sont des mauvaises voitures ... Je sais que c est difficile à intégrer que nous sommes tous pétris par une éducation judeo chrétienne qui nous laisse penser que le monde économique est naturellement juste , que la loi de l offre et de la demande est quasiment de l ordre du divin et que le prix du marché est des lors incontestable . . Et bien non , il faut faire table rase de ces pensées bizounours et faire face à la réalité du terrain : aujourd hui mi mars 2024 et en dehors de quelques etiquettes qui caracolent en tête du hit parade des grands vins reconnus mondialement, il n y a plus de marché , les cours sont incertains , il va falloir s y faire car c est fait pour durer . Changez vous les idées ce week-end avec un excellent livre d histoire relatant l occupation de Paris par les russes en hiver 1814 : à l époque le locataire du Kremlin avait pris ses quartiers au palais de l Elysee et les troupes cosaques étaient sur les Champs Elysee... Gageons que nos politiques trouveront des solutions avec les syndicats agricoles des la semaine prochaine : la taille de la vigne 2024 est bientôt finie et il va falloir repartir sur le travail des sols une fois la pluie partie. Achetez donc un medoc en gd à 10 euros et buvez le ce week-end à la maison : que du bonheur :^)
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Albert Le 15 mars 2024 à 21:12:16
Mais .. pourquoi vilipender le négoce ? .. un truc m'échappe : si on retrouve en rayon du Bordeaux à moins de 2? la bouteille, il faut bien qu'il y ait des lots achetés à "très bas prix" non ? .. donc, il y a des producteurs qui lâchent des lots à très bas prix .. une question : quelle est la vraie qualité de ces pinards ? .. ne faudrait-il pas reconsidérer le chemin qui mène à l'AOP ? ..
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augustin Le 15 mars 2024 à 17:23:41
Arrêtons l hypocrisie qui laisse penser que le phénomène du dumping est l apanage de l entrée de gamme rive droite et spécifique à quelques négociants rapaces ... Aujourd'hui hui comme depuis 6 mois ,par exemple , un lot qualitatif de haut medoc de 1000 caisses dans un bon millésime est proposé à 2 euros ht et ne trouve pas preneur via 2 courtiers avisés ... Le meme lot est refusé par une demi douzaine de négociants , tous travaillant pourtant tout autant le marché national gd... que trad ...sans parler de l international ! C est SANS précédent depuis les lendemains de hiver 1956 soit près de 70 ans !!! Encore une fois la situation est restée supportable pendant la seule taille de cet hiver 2024 ... Cela devient très compliqué si le vigneron lambda démarre son printemps avec sa cuve de gnr vide ...et son local produits phytos de l an dernier sans stock résiduel... Les fournisseurs de ces deux produits stratégiques ont déjà prévenu en effet : marre d être devenus les banquiers des vitis !Cette fois aucun enlèvement ou livraison possibles sans un paiement préalable !!! Concrètement la situation de ce printemps va donc très vite basculer ... du moins si les banques n octroient pas rapidement les découverts autorisés . Et arrêtons de nous faire balader avec des nouveaux échéanciers voire des nouveaux prêts de matériel à taux préférentiel : la majorité des petits châteaux n à plus de cash et c est cela dont elle a besoin ! Warrants sur stock , escomptés d effets de commerce , les outils existent mais les banques aujourd hui disent non ! La crise des "subeeee praîmmmes " ( comme en dit en Nord medoc depuis le millésime 2008 :^) )ne semble plus dire grand chose aux jeunes guichetiers ... il est vrai que c etait il y a 15 ans déjà .Mais peut être certains de leurs managers membres des fameux " comités d engagement "ont alors sauvé leur job grâce à l argent du con tribuable :^) Ces hommes et femmes de l ombre vont ils recouvrer mémoire 15 ans après ? Le préfet saura t il être plus persuasif localement que l à été Bercy il y a 15 jours ? Il est permis d en douter TRES sérieusement, hélas. A ce stade c est probablement à Manu de reprendre la main , les 4 syndicats nationaux vont mettre le paquet semaine prochaine , au moins les 2 les plus remontés. A suivre donc car là nous sommes vraiment au pied de vigne , pardon du mur :^(
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Gascogneur Le 15 mars 2024 à 16:12:32
Bonjour , la Maison Raymond est coutumière du fait , elle écume toutes les AOP et IGP du Sud Ouest . Elle est venue jadis en Gascogne racler les fonds de cuves pour proposer des IPG cotes de Gascogne à des prix avoisinant les 2 euros . Ce type de négoce est le fossoyeur de nos dénominations , à ce niveau là il s'agit quasiment de détournement de notoriété et de pillage de valeur collective . Les enseignes de la grande distribution avec ses prix scandaleusement bas pour soit disant sauver le pouvoir d'achat sont en train d'accélérer la destruction de notre filière viticole . La filière lait vit depuis de nombreuses années la même lente agonie . la filière vin devra multiplier les expériences de reprises du contrôle des marges à l instar de C' est qui le Patron .
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