e vignoble bordelais bouillonnant, face aux bas prix qui le plongent dans la misère, des actions répétées visent ces dernières semaines des négociants et des enseignes. « Nous sommes conscients du profond désespoir dans lequel beaucoup de viticulteurs sont plongés. Le contexte économique est difficile et se dégrade depuis plusieurs mois, précipitant certains opérateurs dans des situations dramatiques » constate le Conseil Interprofessionnel du Vin de Bordeaux (CIVB) dans un communiqué de presse diffusé ce 12 mars (reprenant une lettre à ses adhérents). « Pour autant, nous ne pouvons pas cautionner les débordements constatés lors des actions » prévient l’organisation paritaire vignoble-négoce*, annonçant « ouvrir le débat pour bâtir de nouvelles formes de discussions dans le respect de la rémunération des viticulteurs, des négociants et des distributeurs ».
Dans la continuité de sa lettre envoyée au premier ministre, Gabriel Attal, suite aux annonces d’une révision de la loi Egalim d’ici l’été et avant la déclaration du président de la République, Emmanuel Macron, sur des prix planchers, le CIVB veut « ouvrir le débat, permettant à toutes les parties de s’exprimer et comprendre les enjeux de chacun afin de bâtir de nouvelles formes de discussions permettant de respecter la rémunération du travail des viticulteurs, des négociants et des distributeurs ».
Concrètement, l’interprofession veut rapidement organiser une table ronde avec « l’ensemble des acteurs concernés : le Préfet de Gironde et de Nouvelle-Aquitaine, les acteurs de la distribution, ceux du négoce, de la viticulture, du courtage, les syndicats agricoles (FDSEA, Jeunes Agriculteurs de la Gironde, Confédération Paysanne, Coordination rurale) et le Collectif Viti33 ». Le CIVB souhaite notamment « la construction du prix en marche avant, du producteur vers la grande distribution. Seul moyen de prendre en compte les différents intervenants conduisant le vin au consommateur et d’intégrer leur rémunération dans le prix final », avec « une expérimentation des évolutions législatives à venir dans le périmètre de notre interprofession et avec nos indicateurs ».


Dans « un contexte commercial éminemment perturbé », le CIVB souligne la nécessité de collaborer entre tous les acteurs, alors « qu’avec les volumes distillés, les hectares de vigne arrachés et les faibles volumes récoltés en 2023, nous approchons d’une situation plus équilibrée entre offre et demande, annonciatrice d'une évolution plus favorable du marché du vrac ». Du moins s’il sort de la stupeur dans laquelle l’a plongé la condamnation de deux négociants pour « prix abusivement bas » ce 22 février par le tribunal de Commerce de Bordeaux. Une conséquence qui « a eu des conséquences directes et immédiates sur l’activité commerciale de l’ensemble des vins vendus en France » pointe le CIVB. Pour relancer les transactions à l’arrêt (« les négociants n’étant pas prêts à payer le prix qui permet de vivre aux vignerons » glisse un viticulteur à Vitisphere), alors que « l’affaire est toujours en cours, et dans l’attente de la décision de la cour d’appel, il sera demandé des clarifications à l’Etat pour, notamment, préciser la nécessité pour le courtier de disposer d’une proposition préalable écrite émanant du producteur au départ des discussions » écrit le CIVB, qui conseille en l’état d’appliquer l’article L631-24 du Code Rural qui impose de justifier que le premier prix de base de négociation a été proposé par le vendeur : avec une documentation de la discussion précontractuelle pour arriver à un prix différent du prix proposé par le vendeur. Et ce même si le CIVB a développé une case dans ses bordereaux pour que le vendeur indique renoncer à faire une première proposition. « Cet article, conjugué au récent jugement, nous incite à préconiser temporairement, jusqu'à la décision de justice définitive qui clarifiera les choses, que l’acheteur s’assure d'une première proposition de prix émanant du vendeur » précise le CIVB, ajoutant qu’« il doit également documenter les discussions précontractuelles engagées autour de cette proposition, sous une forme permettant d’en garder la trace, qu’il fasse ou non appel à un courtier ».
* : Le communiqué est signé par Allan Sichel, président du CIVB, Bernard Farges, vice-président du CIVB, Lionel Chol, président de la Fédération du Négoce (Bordeaux Négoce), Jean-Marie Garde, président de la Fédération des Grands Vins de Bordeaux (FGVB) et Cédric Roureau, président du syndicat régional des courtiers.