ttendu, l’appel du négociant Excell (filiale de Cordier, groupe coopératif InVivo) est confirmé ce lundi 4 mars par Rémi Lacombe, le vigneron médocain qui a fait condamner son acheteur de vin à 202 072,3 euros de dommages et intérêt pour « des prix abusivement bas » par le tribunal de commerce de Bordeaux ce 22 février dernier. Alors propriétaire de la Société Civile Fermière Rémi Lacombe (138 hectares de vignes dans une cession virant à l’épique au casse-tête chinois et lui faisant perdre ses marchés habituels), le vigneron éponyme avait signé avec Cordier 7 transactions à 1 184 € le tonneau en 2021 et 2022. Un prix de vente loin de celui du marché, chiffré à 1 500 € le tonneau par les constatations courtier assermenté près de la cour d'appel Henri Féret.
Retenant ce différentiel de cours, la juridiction applique pour la première fois l’article 442-7 du Code de Commerce. Un dispositif né de la loi pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et une alimentation saine et durable (EGALIM lancée en 2018). Un article dont l’application sera de nouveau étudiée par la cour d’appel de Bordeaux maintenant qu’un appel est formé. Sans surprise au vu des enjeux pour tout le négoce, mais aussi le courtage et les propriétés. En témoigne la catatonie actuelle du marché du vin en vrac à Bordeaux, cette application d’Egalim en première instance faisant planer une insécurité accrue sur tout nouveau contrat à bas prix. Et ce malgré l’ajout il y a quelques mois de nouvelles cases par le Conseil Interprofessionnel du Vin de Bordeaux (CIVB) pour sécuriser le dispositif après la plante de Rémi Lacombe*.
Suspension de l’exécution provisoire
Contactés, Cordier et ses avocats n’ont pas donné suite à date de publication. Mais l’avocat de Rémi Lacombe, maître Louis Lacamp, confirme avoir été averti par courrier officiel que ses confrères interjettent appel et demandent la suspension de l’exécution provisoire (qui sera portée dans une procédure distincte auprès du premier président de la cour d’appel). Avec l’ouverture de réflexion sur la mise en place d’un prix plancher agricole par le président de la République, « la semaine dernière a été riche en attitudes qui me donnent bien plus que de grands espoirs pour cet appel » réagit Rémi Lacombe, qui cite Sénèque, « la vie, ce n’est pas d’attendre que les orages passent, c’est apprendre à danser sous la pluie », pour mieux se demander si « les viticulteurs qui ont mis la croix dans la case advenue en 2023 sur les contrats*, pourront-ils eux danser encore longtemps sous la grosse pluie qui leur est réservée ? Là est la grave question ! Certains ne pourront plus malheureusement. »
Également condamné par le tribunal de commerce à 152 704,1 € pour 3 contrats à 1 157 €/tonneau, le négoce Ginestet (famille Merlaut) ne semble pas avoir interjeté appel à date. Le délai étant d’un mois à partir du moment de la signification de la condamnation, Cordier pourrait être accompagné en deuxième instance. Ayant annoncé vouloir aller jusqu’au bout de ce combat judiciaire, Rémi Lacombe semble également déterminé à ne pas lâcher l’affaire. Qui pourrait aller ensuite en cour de cassation, cour de justice de l’Union Européenne, etc. Mais comme il paraît que jurisprudence est mère de sureté…
* : Le principe de première proposition de prix par le producteur et non l'acheteur étant au cœur d’Egalim, sa non-application quasi-systématique dans les contrats passés entre négoce et production est une faiblesse qui a été identifiée par le Comité National des Interprofessions de Vins à Appellation d'Origine et à Indication Géographique (CNIV), qui propose l’ajout aux contrats interprofessionnels de la case à cocher : « contrat précédé d'une proposition du producteur ». En cas de réponse « ☐ non », il est indiqué que « le contrat a été négocié dans le respect de la liberté contractuelle du producteur, ce dernier ayant pu faire valoir ses propositions préalablement à la signature du contrat et n'ayant pas souhaité effectuer une proposition. » Un dispositif ajouté depuis quelques mois par le CIVB dans ses contrats.