our négocier sans sortie de route le tournant de la déconsommation des vins rouges, le Syndicat Général des Vignerons des Côtes du Rhône se dote d’un plan stratégique 2023-2026 pour guider ses 39 156 hectares de vignes produisant 1,56 million d’hectolitre de vins (88 % de production en rouge). Votée en assemblée générale ce 27 janvier, la liste de 15 actions doit permettre au vignoble rhodanien de « développer une commercialisation valorisée et pérenne » et « devenir une référence environnementale et sociétale » explique Denis Guthmuller, le président du syndicat, lors d’une conférence de presse ce 24 mars. Devant « répondre aux défis de l’appellation sur le moyen et le long terme », ce plan ne comprend pas de volets liés à la distillation et à l’arrachage primé précise Denis Guthmuller, indiquant que des discussions sont en cours avec l’interprofession, et que le syndicat conserve la même position (une demande d’arrachage de 2 à 3 000 hectares et de distillation de 250 à 350 000 hl).
Se trouvent par contre dans le plan des actions d’amélioration qualitative des vins du Rhône. « Pour gagner des parts de marché à l’export, nos vins doivent être dignes des attentes de ces nouveaux consommateurs. Il faut une prise de conscience collective des vignerons sur les attentes de ces produits » pose Philippe Faure, le secrétaire général du syndicat des Côtes du Rhône, qui évoque la nécessité de nouvelles pratiques vitivinicoles (des travaux sur les profils produits sont en cours au sein de l’Institut Rhodanien). Mais il est aussi question de renforcement des contrôles auprès des producteurs d’AOC. « On va mettre en place une évaluation des opérateurs des Côtes du Rhône, pour faire en sorte d’aller voir un peu plus ceux qui ont des problèmes dans les vignes, par moment sur des produits. Non pas pour les montrer du doigt, pour les faire progresser […] s’assurer que le niveau qualitatif correspond à ce qu’on attend. On a le droit de faire des erreurs, mais à un moment il y a quand même une obligation de résultats » indique Philippe Faure.


Concrètement, le secrétaire général précise à Vitisphere qu’il s’agit de compléter les contrôles habituels au vignoble (20 % minimum selon les règles AOC) avec la mise en place d’une équipe supplémentaire en août pour aller « un peu partout » sur le terrain avant les vendanges, afin de vérifier l’état sanitaire des raisins, mais aussi les rendements. Le syndicat se donnant comme objectif d’assurer l’étanchéité entre les segments AOC et non-AOC pour le millésime 2024 (en suivant les différentiels de rendements). En attendant, les contrôles commenceront dès 2023 : « c’est juste s’assurer que les gens respectent le cahier des charges. Comme dans toute société, on a des droits et des devoirs qui vont en face. Le contrôle est là pour protéger ceux qui travaillent bien de ceux qui travaillent mal » indique Philippe Faure, répétant que le « but n’est pas de punir, mais de faire grandir ».
Souhaitant également professionnaliser ses dégustateurs, pérenniser l’outil de réserve interprofessionnelle et soutenir une charte de loyauté des pratiques, le syndicat soutient la politique interprofessionnelle de diversification des couleurs du vignoble. Soit un passage de 1,1 million hl de vin rouge aujourd’hui à 1 million hl en 2035 avec la croissance de 88 % des vins blancs (de 80 à 150 000 hl) et de 111 % des vins rosés (de 95 à 200 000 hl). Précisant que les Côtes du Rhône n’arrêteront pas de produire des vins rouges mais les repositionneront, Philippe Faure rappelle qu’un travail sur les profils organoleptiques doit être réalisé pour les vins blancs et rosés. La diversification pourrait aussi passer par les vins effervescents, avec un groupe de travail dédié aux blancs de noirs.


Pour cette phase de transition, la diversification peut aller jusqu’à la reconversion agricole. Comme l’explique Denis Guthmuller : « plutôt que de produire sans savoir forcément commercialiser la totalité de sa production, c’est travailler sur des cultures intermédiaires ou alternatives qui laisseraient un temps de repos du sol suffisant pour que toute la stratégie interprofessionnelle et la notre puissent porter ses fruits. On sait que dans quelques années, avec les efforts que l’on entreprend, on aura besoin de terres viticoles pour planter les cépages qui vont bien dans les terroirs qui vont bien. Pendant ce temps, on travaille sur des propositions de cultures différente (couverts végétaux, cultures dégageant un revenu, autres cultures pérennes…). »
D’autres réflexions et actions du plan stratégique concernent la transition agroenvironnementale (observatoire de la biodiversité, certifications environnementales…), dont des aspects seront intégrés dans la réforme du cahier des charges des appellations Côtes du Rhône et Côtes du Rhône Villages. Dont l’objectif sera de répondre aux attentes sociétales, mais aussi de s’adapter au changement climatique et de définir le niveau qualitatif de base de l’AOC (richesse minimale en sucre, Titre alcoolique volumique…). Sans oublier des travaux sur de nouvelles AOC Villages en vin blanc et même une hiérarchisation de cru esquisse Denis Alary, coprésident de la commission promotion des Côtes du Rhône.