n présentant un ambitieux plan collectif pour les vignobles de la vallée du Rhône à l’horizon 2035 ce 8 décembre en conférence de presse, Philippe Pellaton, le président d’Inter Rhône, n’a pas éludé la question de demande d’arrachage et de distillation qui bourdonne ces derniers temps dans le vignoble rhodanien. Y inscrivant néanmoins quelques nuances. « Ce sujet met un coup de projecteur important sur une partie du vignoble qui souffre, c’est une évidence. Les difficultés et les inquiétudes sont là, il faut les entendre, mais il n’en reste pas moins que cela concerne une partie relativement faible des volumes. Nous parlons de difficulté pour 200 000 hl sur les 2,5 millions que produisent nos appellations. C’est donc surtout un volume résiduel, moins de 10 %, qui pose souci. Avec la restructuration que nous proposons pour l’horizon 2035, ça se gère », détaille le président de l’interprofession.
Car avant cette précision, Philippe Pellaton s’est surtout attelé à présenter l’ambition plan d’orientation et de restructuration des vignobles rhodaniens pour les dix années à venir, « une ambition collective construite et validée tout au long de l’année par nos deux grandes familles, production et négoce, afin d’apporter les perspectives nécessaires à l’ensemble de notre filière ». Retour des volumes, diversification des couleurs et répartition des ventes entre la France et l’export constituant les trois axes majeurs autour desquels s’articule cette ambition nouvelle. « Ces dix dernières années, les sorties de chai globales des vins de la vallée du Rhône n’ont fait que diminuer, au rythme moyen de -1,9 % par an, principalement portées par la baisse moyenne annuelle de 2,5 % enregistrée pour les vins rouges », constate sans détour le président d’Inter Rhône, qui souligne dans le même temps que la valorisation moyenne de ces volumes « a progressé de 4,1 %/an, actant une premiumisation réussie ».


L’ambition de l’interprofession se place pourtant dans une reprise de la progression des volumes produits, « dans l’objectif de retrouver une croissance annuelle de 0,9 % de ces volumes, pour parvenir à 2,7 Mhl en 2026, et 2,9 Mhl en 2035 », défend Philippe Pellaton. Cette ambition apparaît peu en phase avec la conjoncture actuelle du vignoble français, et le président d’Inter Rhône ne se détourne pas de la question des surfaces de production. « Cette orientation ne va pas passer par une augmentation des surfaces, c’est même plutôt le contraire qui se profile, mais c’est bien l’accroissement de la productivité de notre vignoble, par les techniques culturales, les nouveaux cépages, qui nous permettra de retrouver des volumes », poursuit celui qui est également président de la cave coopérative maison Sinnae (à Laudun-l'Ardoise, Gard). Le rendement économique des exploitations, situé aujourd’hui à 38hl/ha par l’interprofession, est attendu à 48hl/ha à l’horizon 2035, « en phase avec les rendements moyen, 50 hl/ha, des 12 000 ha de vignobles déjà restructurés dans notre bassin au gré des plans de restructuration successifs », appuie Philippe Pellaton.
Autre cheval de bataille de l’interprofession, la diversification des couleurs produites, accentuant encore le virage vers les blancs bien engagé depuis plusieurs années, ainsi qu’un renforcement de la production des rosés. « Il nous faut gagner 126 000 hl de vins blancs tranquilles dans les 10 prochaines années pour doubler leur production et parvenir à 300 000 hl de blancs tranquilles en 2031 », prévient Philippe Pellaton, pour qui cet objectif est tout sauf fantaisiste. « Cela correspond aux volumes potentiels de ce qui est déjà produit et de ce qui est planté et qui va entrer en production dans les prochaines années. Les 230 000 hl de blancs tranquilles prévus pour 2026 sont déjà réalisables si on additionne le potentiel de production dans chaque appellation du bassin », appuie le président de l’interprofession rhodanienne. Le développement des rosés passera quant à lui par des leviers différents. Le président d’InterRhône indique en effet que leur croissance « semble avoir atteint un plafond de verre avec des volumes stabilisés depuis une dizaine d’années ».
Si une poussée volumique de rosés semble difficile dans la plupart des appellations nommées, c’est sur les appellations régionales Côtes-du-Rhône et Côtes-du-Rhône Villages que veulent appuyer les architectes de ce plan 2035. « Les rosés de ces deux AOC cumulées plafonnent autour de 100 000 hl depuis une dizaine d’années. Nous ambitionnons pas moins qu’un doublement de ce volume pour 2031, soit une croissance de 7,2 %/an », argue Philippe Pellaton. Dans le même temps, les volumes de vins rouges devront stopper leur baisse de production pour se maintenir autour de 1,9 Mhl produits annuellement par le vignoble rhodanien.
« A coup de transition de 100 000hl tous les ans, le plan se réalise » !, bascule encore le président d’InterRhône, qui sait pertinemment que de tels ajustements ne pourront se réaliser sans une promotion commerciale et une communication de premier plan. Alors que le marché français de commercialisation des vins offre une tendance continue à la baisse, c’est vers l’export que se tourne le regard de Philippe Pellaton. « Exporter 50 % de nos volumes en 2035 passe par une croissance annuelle de 3,3 % de nos performances volumiques sur ces marchés, tout en ralentissant la baisse continue enregistrée sur le marché français », annonce-t-il.


L’interprofession va donc mettre les moyens de ses ambitions en augmentant le budget dédié à la communication, « qui passe de 11 à 14 M€ annuels de 2023 à 2026 ». Sous la bannière collective ‘Vignobles de la vallée du Rhône’, 5 pays vont être prioritairement ciblés pour ces actions de communication. « Etats-Unis, Canada et Chine sont trois pays majeurs déjà éduqués à nos vins sur lesquels les actions de promotion et communication auprès des professionnels vont être renforcés. La Corée du Sud et Singapour sont les deux autres pays ciblés : ils présentent un potentiel bien identifié mais ils restent à défricher pour y introduire la connaissance des nos vignobles et nos vins », décrit Philippe Pellaton. Déjà bien avancé, les nouveaux logo et charte graphique de ces ‘vignobles de la vallée du Rhône’ seront rapidement finalisés et officialisés.
Conscient que ce type de plan de long terme est malgré tout soumis aux turbulences de gouvernance, Philippe Pellaton glisse un malicieux «si tout ça est voté en assemblée générale et reconduit au cours des prochaines années! », en guise de conclusion à sa présentation.