ans la chasser, une catastrophe climatique s’ajoute à une autre. Alors que les représentants de la filière vin se penchaient sur la finalisation du plan de soutien aux vignobles gelés lors du printemps 2021, les orages de grêle de la Pentecôte 2022 imposent d’ouvrir de nouvelles aides aux exploitations laminées (à Bordeaux, à Bergerac, en Gascogne, en Val de Loire, en Beaujolais, en Roussillon, en Savoie…).
Dédiée au plan gel 2021 et aux actions pour le gel et la grêle du millésime 2022, une réunion vient de se tenir ce mercredi 8 juin au ministère de l’Agriculture, avant d’être complétée par des débats tenus lors du conseil spécialisé vin de FranceAgriMer ce jeudi 9 juin. « Pour la grêle 2022, nous souhaitons un dispositif d’accompagnement identique au gel de ce printemps, avec des exonérations de cotisations sociales et de Taxes sur le Foncier Non Bâti (TFNB) » indique Jérôme Despey, le président du conseil spécialisé vin de FranceAgriMer, qui milite pour de nouvelles mesures ciblant les exploitations plurisinistrées : une année blanche des encours bancaires (avec une prise en charges des intérêts intercalaires par l’État) et un accompagnement bancaire avec l’étalement du remboursement des Prêts Garantis par l’État (PGE) sans passage par la médiation du crédit (impliquant une inscription de l’entreprise sur les registres des situations dégradées de la Banque de France). Après des signaux positifs envoyés sur les PGE par le nouveau ministre de l’Agriculture, Marc Fesneau, la filière attend des arbitrages favorables pour cet été. « Nous privilégions ces solutions bancaires plutôt que le recours aux calamités agricoles qui ont posé des débats entre assurés et non-assurés » explique Jérôme Despey.
Cette orientation s’appuie sur les difficultés et délais rencontrés pour finaliser les dernières mesures du plan gel 2021. Si les dernières modalités sont à fixer pour les mesures d’aides à l’aval, la prise en charge des cotisations sociales 2022 va intervenir à partir du mois de juillet pour les vignerons touchés par le gel l’an passé, qui ont déposé leurs dossiers en octobre dernier. Pour être conforme aux lignes directrices européennes, cette décision d’exonération était suspendue à la clôture des aides aux calamités agricoles (exceptionnellement ouvertes aux non-assurés) et au rachat de 2,5 points de franchise (pour les assurés éligibles).
Cette dernière téléprocédure aboutit à 4 193 demandes déposées pour un budget de 20 millions d’euros d’aides. Ce qui laisse 43 millions € dans l’enveloppe, des dossiers n’ayant pu être déposés comme ils dépassaient les lignes directrices (suite à des rachats de franchise). Ces dossiers refusés pourront être déposés en ligne du 15 au 30 juin afin de recenser les viticulteurs assurés n’ayant pu bénéficier de la précédente téléprocédure. « Nous activerons ensuite la clause de revoyure promise par le précédent ministre de l’Agriculture, Julien Denormandie, pour voir comment leur apporter un coup de main » indique Jérôme Despey, ajoutant que « nous pouvons considérer que pour le gel 2021, nous y voyons clair dans les aides ».


Au-delà des plans d’aides à court-terme, la filière vin souhaite un soutien politique pour devenir plus résiliente et autonome sur le long terme : ce qui passe par une adaptation des références de production historique utilisées pour paramétrer l'assurance climatique. Face à la récurrence des aléas climatiques (gel, grêle, mildiou, sécheresse…), « le conseil spécialisé vin estime unanimement que si le nouveau dispositif assurantiel va dans le bon sens, sa réussite va passer par l’évolution de la moyenne olympique. Il faut sortir les aléas pour avoir calcul de la moyenne de production qui soit moins impacté » résume Jérôme Despey. Ayant évoqué ce sujet de réforme des accords internationaux de Marrakech lors d’un rendez-vous avec le nouveau ministre ce jeudi 9 juin, Jean-Marie Fabre, le président des Vignerons Indépendants de France, confirme : « je ne vois pas d’avenir pour l’assurance climatique, même avec la réforme qui va dans le bons sens, si on ne modifie pas la référence historique. Il y aura des vignerons se désassurant ou ne s’assurant pas. »
« Avec la croissance des aléas climatiques, soit on fait bouger la référence historique pour donner de l’efficacité, soit ça ne bouge pas et les gens vont sortir de l’assurance ou aller vers l’assurance paramétrique de capital (avec l’enjeu que cela ne couvre essentiellement que le gel et la grêle, et qu’il n’y a pas d’accompagnement des pouvoirs publics) » explique Jean-Marie Fabre. Plaidant pour une proposition de la France à la Commission Européenne afin d’avancer auprès de l’Organisation Mondiale du Commerce, le président des vignerons indépendants note que les États-Unis appliquent déjà une moyenne sur 10 ans et non 5 années, tandis que l’Espagne est exemptée de cette règle.
« Soyons force de proposition. Il faut analyser la production sur 10 ans, en sortant les aléas pour avoir une référence historique sur le potentiel de production » précise Jean-Marie Fabre, pour qui la distinction des assurances entre les rendements réellement récoltés et ceux théoriquement atteints doit être remise dans la perspective d’une assurance attractive et étendue. « Les aléas climatiques sont plus récurrents, mais une grosse partie des surfaces viticoles françaises sont épargnées. Avec une assurance incitative on a un élargissement de l’assiette assurée. Il faut un produit attractif avec de la cohérence » explique-t-il.
Dans la boîte à outils de la filière se trouvent également pour l’avenir les dispositifs de prévention permettant de limiter les dégâts et assurer des volumes de vin pour approvisionner les marchés. Les réflexions sur les réserves interprofessionnelles vont dans ce sens, avec des validations attendues du ministère (pour les projets de Pays d’Oc IGP, de Bordeaux, de l’IGP Méditerranée…)