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Orages de grêle "apocalyptiques" sur des vignes en mal d’assurance
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Gers, Landes et Touraine
Orages de grêle "apocalyptiques" sur des vignes en mal d’assurance

En cours d'estimation, les dégâts causés par les orages de grêle en Gascogne et Touraine ce week-end de Pentecôte rappellent l'impérieuse nécessité de renforcer l’investissement dans la prévention et de finaliser la réforme assurantielle.
Par Alexandre Abellan Le 05 juin 2022
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Orages de grêle
Cruel week-end de Pentecôte dans le Gers, où les vignes prennent une allure hivernale. - crédit photo : David Piquemal
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assant au hachoir des pans du vignoble français, les orages de grêle de cette fin de semaine font retomber dans la spirale de la récolte de rien ceux qui espéraient faire le plein de raisins et de vins. Après s'être abattus sur des vignes de Bordeaux et de Bergerac, les grêlons viennent de faire tomber à terre les feuilles poussantes et grappes naissantes de la prochaine récolte dans de nouvelles parcelles, notamment dans le Gers, les Landes et l’Indre-et-Loire (les retours sur les dégâts de grêle étant loin d’être exhaustifs à date, mais les vignes de Bourgogne et Champagne seraient épargnées).

Ce samedi 5 juin, plusieurs orages ont touché le vignoble du val de Loire où, il semble que les appellations Vouvray, Bourgueil, Chinon et Azay-le-Rideau soient touchées à divers degrés par la grêle. « C’est un incident majeur sur plusieurs communes » indique Benoît Gautier, le président de la Fédérations des Associations Viticoles d'Indre-et-Loire (FAV 37), qui souligne qu’il est actuellement difficile d’avancer des pertes de récolte (la grêle mêlée de pluie ayant haché le feuillage haché, avec des dégâts sur grappes encore difficiles à estimer).

Ras-le-bol

Prenant rendez-vous avec la préfecture, le vigneron pousse déjà un coup de gueule : « c’est le troisième millésime de suite où il y a une petite récolte. Ça risque d’amener du désespoir, il y a un effet ras-le-bol avec la succession de gel et de grêle ». Remonté, Benoît Gautier appelle à une prise de conscience : « la lutte antigrêle n’a pas qu’à échoir aux vignerons, elle profite aux collectivités et les assureurs ont tout à y gagner. Il faut investir dans des diffuseurs et organiser une vraie protection. Je suis agacé, cela fait des années que l’on se bat et qu’à chaque désastre on nous dit qu’il aurait fallu anticiper. Nous sommes dans le vif, agissons ! »

Même exaspération dans le Sud-Ouest, où dans la soirée de ce vendredi 3 juin, les grêlons ont réduit à néant la végétation de milliers d’hectares en Gascogne, sur le Gers et les Landes. « C’était apocalyptique, avec des grêlons comme billes, sans eau. L’orage est remonté du grand Bas Armagnac jusqu’à Condom » soupire Patrick Farbos, le président du Bureau National Interprofessionnel de l’Armagnac, qui fait état de pertes conséquentes (sur les vignes, mais aussi sur maïs et tournesol). « Les dégâts sont impressionnants, il y a des parcelles de vignes où il n’y a plus rien. Dans le sol, on voit les impacts de grêlons » indique le président de la cave coopérative des Hauts de Montrouge (Nogaro), soulignant que l’« on n’avait pas besoin de ça. La production d’Armagnac est compromise une fois de plus. »

Pelé et raclé

Si l’AOC Armagnac est très touchée, l’IGP Côtes de Gascogne l’est également. « C’est terrible : pelé et raclé » rapporte Joël Boueilh, le président de la section des Vignerons Coopérateurs de la Coopération Agricole, qui connaît bien le vignoble du Sud-Ouest (étant basé à Saint-Mont, qui a été épargné). Évoquant 3 à 4 000 hectares touchés à divers degrés, le viticulteur témoigne d’une véritable déveine : « nous avions une dynamique commerciale favorable sur les Côtes de Gascogne. On espérait un millésime 2022 qui arrive plus tôt et soit plus généreux [après le très petit millésime 2021, gelé] ». Alors que la grêle aurait touché des domaines emblématiques de l’IGP connue pour ses vins blancs aromatiques, cela signifie que les systèmes d’allocation et de restriction des livraisons vont se poursuivre : « on ne va plus pouvoir livrer certains clients » souligne l’ancien président de la cave coopérative de Plaimont. Mais avant les pertes de marché, ce sont les pertes de fonds qui inquiètent dans le vignoble, globalement moins bien assuré pour plus cher.

Colère froide

« Si jamais on n’arrive pas à passer l’année, ce sera la faute des assureurs. Ils ont pressuré et changé les termes de nos contrats (hausse des cotisations, franchise passée de 10 à 20 %, pas de rachat de rendement…) » pose sans ambages David Piquemal, du domaine de Danis (40 hectares de vignes à Castelnau d’Auzan, dans le Gers). Faisant état de 100 % de perte, le vigneron parcourt aujourd’hui des vignes semblant avoir été taillées : « c’est l’hiver honnêtement. Ça va repousser, mais je vais avoir des pertes sur l’année suivante, comme l’induction florale a lieu en juin et juillet. » Avec cette récolte nulle qui s’annonce, la moyenne olympique de son domaine va encore réduire son potentiel de production assurable. En 2022, « quand on enlève la meilleure et la moins bonne de mes cinq dernières années de production, il en reste toujours une à -85 % de production... J’ai un potentiel de production de 80 à 100 hl/ha et j’assure 40 à 50 hl/ha cette année. Ça ne couvre pas mes coûts de production : si les marges du vignoble étaient de 50 %, ça se saurait ! » indique froidement David Piquemal.

« Quand le système assurantiel ne couvre même pas les coûts de production, ça n’est plus possible » confirme Jérôme Despey, le président du conseil spécialisé vin de FranceAgriMer. Pour le viticulteur héraultais, « on ne peut plus occulter avec le changement climatique que la moyenne olympique n’est plus adaptée. Au vu de l’ampleur des impacts (c’est vraiment un séisme pour les vignerons touchés), il faut que dans le une réponse du gouvernement et de l’Union Européenne sur la moyenne olympique au moment où il y a réforme du système assurantiel. »

Indemnisation quasi nulle

Privilégiant leurs équilibres financiers à la gestion d’un risque croissant, le calcul des assureurs de s’être projeté sur le nouveau système d’assurance climatique prévu pour 2023 en sautant l’année de transition 2022 est « une erreur impardonnable. Ils ont failli en ne maintenant pas les options d’achat de prix, de franchise, de rendement… Il va y avoir un effet destructeur sur l’amortisseur qu’est l’assurance multirisque » regrette Jean-Marie Fabre, le président des vignerons indépendants de France, pour qui « les vignerons aujourd’hui assurés et touchés par la grêle n’auront pas un niveau d’indemnisation permettant de passer le cap. C’est une année où les personnes qui ont cotisé pour une assurance et ont été touchées par des aléas auront une indemnisation quasi nulle. »

Le désarroi du vigneron de Fitou est d’autant plus fort que pour lui le scénario était pour lui prévisible : « l’année exceptionnelle va devenir celle sans aléas climatiques ». Appelant à changer de paradigme en modifiant les textes internationaux sur le calcul de la production historique de référence (sinon la réforme de l’assurance climatique restera « une belle voiture, avec une belle carrosserie, mais sans le moteur adapté pour avancer »), Jean Marie Fabre invite l’exécutif à investir massivement dans la protection des cultures : « on épuise les solutions (exonérations de cotisations sociales, suspension des taxes sur le foncier non bâti…), mais ce ne sont que des palliatifs. Il faut que le milliard d’euros mobilisé l’an passé pour le gel soit de nouveau mis sur la table pour se doter sur les prochaines années de matériel de prévention et de protection contre la grêle (avec des canons, ballons ou filets…) mais aussi contre le gel et la manque d’eau (retenues collinaires, raccordements à l’irrigation, déploiement du goutte-à-goutte…). » Le paradoxe est en effet que si des vignobles viennent de subir des trombes d’eau, d’autres sont en attente de pluie depuis des mois, de la Provence à l’Alsace.

 

 

« À peine la vigne a-t-elle "passé fleur" ; la future récolte couvre le coteau ; mais il semble qu’elle soit là comme ces jeunes bêtes que le chasseur attache et abandonne dans les ténèbres pour attirer les fauves ; des nuées grondantes tournent autour des vignes offertes » écrit avec justesse François Mauriac dans le Nœud de vipères (publié en 1932). Photos de David Piquemal.

 

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Tous les commentaires (1)
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gulig Le 05 juin 2022 à 12:08:41
toujours dans le mème sens augmenter les charges parce que vous ètes patron et diminuer les prix du raisin pour ne pas brusquer le pouvoir d achat
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