Si j’avais parlé de ce projet il y a 18 mois, je ne serais pas sorti vivant de la pièce ! » s’amuse Jean-Claude Pellegrin, le président de l'Interprofession des Vins à Indication Géographique Protégée du Sud Est (Intervins Sud-Est). Mais entre les aléas climatiques et les crises géopolitiques, le conseil d’administration de l’interprofession valide le projet d’une réserve interprofessionnelle se basant sur les capacités de commercialisation de chaque entreprise. Avec l’objectif d’être opérationnelle dès le millésime 2022, idéalement sur les 9 IGP de la zone (dont l’IGP Méditerranée).
Si le détail de la mécanique de mise en réserve n’est pas finalisé, elle s’appuierait sur la moyenne des volumes commercialisés calculée sur cinq années à l’échelle de chaque entreprise, avec une réserve plafonnée collectivement à 15 % de la production (suivant le principe du 85/15 pour réintégrer la réserve dans les vins commercialisés). « C’est une réserve collective personnalisée » résume Marine Gayrard, la directrice d’Intervins Sud-Est. « Il s’agit d’une réserve glissante pour faire la jonction entre deux millésimes » renchérit son président.


Se voulant « gagnant-gagnant » entre production et commercialisation, ce système doit permettre de « sécuriser un approvisionnement régulier à nos metteurs en marché (pour développer l’export, des marques de distributeurs…) » et de « sécuriser les revenus à l’hectare pour les producteurs, la réserve étant basée sur une contractualisation pluriannuelle garantissant les prix » explique Jean-Claude Pellegrin.
Qui répète que le sujet est encore réflexion technique (au sein d’Intervins et avec l’administration), mais que sa base sera résolument liée aux capacités commerciales des IGP : « la nuance est importante, nous partons du marché et pas de la production ». La réserve se fait ainsi dans le rendement, et pas au-delà, comme c’est le cas avec le VCI, Volume Complémentaire Individuel).
Baptisée VIPCC, pour Volume Individuel de Production Commercialisable Certifiée, cette réserve ne peut être libérée que lorsque les équilibres d’offre et de demande le permettent*, mais également si la qualité des lots est bien conservée. « Nous avons une obligation de résultat sur la qualité et un devoir de vigilance sur les mises en marché » prévient Jean-Claude Pellegrin. Si la base de cette réserve sera constituée de vins, l’interprofessions ne s’interdit pas de réfléchir à la mise en stock de moûts, 90 % de ses volumes étant constitués de rosés, moins aptes à la conservation. Mais une telle option nécessiterait des adaptations réglementaires et techniques (pour la conservation et la vinification de ces moûts).
Si des réserves interprofessionnelles existent en Champagne et à Cognac, et se réfléchissent en Pays d’Oc IGP et en AOP Bordeaux, « il n’y aucun système qui soit transposable à l’identique. Il ne faut pas la même réserve pour un rouge de garde et un rosé. Il faut des adaptations » pointe le président d’Intervins Sud-Est, qui répète l’aspect expérimental du système attendu dès le millésime 2022. « Nous n’avons pas la prétention d’aboutir à un outil merveilleux en 18 ou 24 mois. Nous allons apprendre en marchant : les Champenois ont mis 20 ans à construire leur système. Nous devons nous accorder du temps » explique Jean-Claude Pellegrin, notant par exemple le besoin de laisser aux opérateurs la capacité de se développer dans ce cadre. « Il n’est pas question de scléroser nos entreprises par rapport à une mise en réserve inscrite dans le marbre. La régulation ne veut pas dire l’arrêt » martèle le viticulteur des Bouches-du-Rhône.
Actuellement, Intervins Sud-Est rassemble 22 000 hectares de vignes pour 1,2 million d’hectolitre de vins, sous 9 dénominations pour 2 500 opérateurs.
* : « Le but est d’inciter les producteurs à ne pas produire plus qu’ils ne peuvent vendre » pointe Jean-Claude Pellegrin.