laçant son centenaire sous le thème d’un « patrimoine innovant face au défi du XXIème siècle », l’Organisation Internationale de la Vigne et du Vin (OIV) « rassemble tous les enjeux de la vigne et du vin aujourd’hui » pose Luigi Moio, le président de l’ONU du vin, lors de son discours d’inauguration du quarante-cinquième congrès son organisation ce 14 octobre à l’Opéra de Dijon. « De nouvelles stratégies sont nécessaires pour continuer à produire le vin tel que nous le connaissons actuellement » poursuit l’œnologue napolitain, qui appelle à la coopération internationale pour partager les avancées de la recherche nécessaires au maintien d’une activité hautement patrimoniale.
« Plus qu’une industrie, le vin est une culture » déclare Annie Genevard, la ministre de l’Agriculture, notant que « certes, la vitiviniculture est un secteur d’excellence, créatrice de valeur économique, mais elle nous apporte bien plus », en façonnant les paysages et les interactions sociales. Toujours dans un mouvement de tradition et d’innovation. « Héritage et modernité » résume Annie Genevard, face aux défis actuels nécessitant « préservation et adaptation » : « aujourd’hui plus que jamais, nous devons protéger et faire prospérer cet héritage » alors que « les risques se multiplient : climatiques, sanitaires, économiques… Les crises conjoncturelles comme les tendances conjoncturelles éprouvent nos bassins viticoles et n’épargnent personne. S’adapter n’est plus une option. Si c’est une impérieuse nécessité, cela peut aussi être une opportunité. » Surtout dans le cadre de coopération et de concertation entre pays au sein l’OIV.


Précédant le congrès, la conférence ministérielle réunissant 37 des 50 états membres de l’OIV a abouti à une déclaration commune, une « profession de foi », pour poursuivre un dialogue diplomatique fructueux salue Annie Genevard, indiquant avoir « été frappée lors des prises de parole des ministres et chefs de délégation à quel point nous sommes convergents dans notre analyse et dans nos préoccupations. Par ma petite expérience en matière d’action publique, quand les problèmes sont partagés, les solutions sont quelque fois plus faciles à élaborer ». De quoi souhaiter « un congrès riche en échanges, en découvertes, en inspiration et en solution ».
La chaire UNESCO des Cultures et Traditions Vitivinicoles de l’Université de Bourgogne a justement pour devise : « tant qu’il y aura des hommes, ils trouveront le moyen de faire du vin » cite François Rebsamen, le maire de Dijon qui accueille désormais le siège de l’OIV. Défenseur de la culture du vin*, le président de la métropole bourguignonne, « malgré les impérieuses problématiques auxquelles sont confrontées la filière, la volonté des hommes et des femmes de la vigne et du vin de s’adapter et d’innover permet de continuer à produire et à boire de grands vins » et d’interpeler les experts scientifiques, économiques et réglementaires réunis : « vous n’avez pas fini de vous rendre indispensables jusqu’au siècle prochain ».
En crise directe avec les marchés
Face à des enjeux toujours plus complexes, plurifactoriels et incertains, l’analyse des tendances ne peut pas être simpliste prévient John Barker, le directeur de l’OIV, qui liste une déclin de la consommation mondiale de vin pour des « raisons économiques, l’inflation a augmenté le coût de la production et de la distribution tout en réduisant le pouvoir d’achat des consommateurs », conjoncture qui croise un « changement des habitudes de consommation, avec le déclin des vins rouges depuis des années, quand les rosés, blancs et effervescents sont en croissance ». Soulignant que « la filière a l’habitude d’évoluer, elle a déjà montré sa résilience », le cap pour relancer la consommation est clair pour John Barker. « Le vin a besoin de se connecter aux consommateurs de demain, qui sont différents de ceux d’hier » indique l’avocat néo-zélandais, alors que « le secteur est vulnérable à des insécurités géopolitiques qui sont en dehors de notre contrôle ».
Rappelant que la filière française des vins exporte 1,7 milliard de bouteilles pour 11,3 milliards d’euros (en 2023), « les chiffres parlent pour nous, mais la rançon de ce succès, ce sont les tensions commerciales internationales, souvent externes à la filière, qui parfois ont des conséquences majeures » pointe Jérôme Despey, le président du conseil spécialisé vin de FranceAgriMer, faisant référence aux actuelles taxes chinoises sur les cognacs et aux taxes dites Trumps qui ne sont que suspendues jusqu’en 2026 sur les vins français. Reste des succès clairs et nets pour les vins français qu’il est bon de rappeler : « nous créons de la valeur, des emplois et du sens. 90 départements français sont viticoles. 1 exploitation agricole sur 5 est viticole » rappelle Jérôme Despey.
Plans d’adapt’action
« Tout n’est pas rose, la viticulture française fait face à deux défis » esquisse le viticulteur héraultais, évoquant « le changement climatique, que nous vivons très visiblement dans nos vignes (les évènements climatiques exceptionnels du gel, des inondations, des sécheresses sont devenus la norme et plus l’exception). Le deuxième défi est de répondre aux évolutions des consommateurs, avec en 60 ans une perte de 60 % de la consommation en France, une tendance qui va se poursuivre (multiples, les causes convergent). » Face à ces crises, la filière française déploie un plan d’adaptation au changement climatique (de la gestion de l’eau aux cépages résistants, en passant par la désalcoolisation) et un plan de filière (de la maîtrise du potentiel de production à la diversification des activités, en passant par l’adaptation à la demande des marchés).
Des plans de moyen et long-teme, car « je n’imagine pas la filière agir à court-terme. Ce dont nous avons besoin, c’est d’action sur l’avenir. Il nous faut ensemble établir un contrat à long-terme. Un CDI : Collectif, Durable et Innovant pour rester. Ce qui s’applique aussi bien à nous, Français, qu’à l’ensemble des pays de l’OIV me semble-t-il. Si nous les suivons, je n’ai aucun doute sur notre succès collectif » plaide Jérôme Despey. « Vive la vigne, vive le vin » conclut Luigi Moio.
* : « Le vin c’est un élément à part entière de notre identité, de notre culture, de notre civilisation. Pourtant, les statistiques pourraient conduire à une forme d’inquiétude, la consommation de vin ne cesse de baisser » pointe François Rebsamen, qui veut voir le verre à moitié plein : « la qualité s’améliore. On boit moins, mais on boit mieux ». Malgré tout, « on arrache des vignes, particulièrement dans le Sud de la France pour freiner la surproduction. La filière se retrouve confrontée, dans certaines régions, à des crises majeures qui pèsent lourd sur les plus fragiles » et en réaction, « nous ne laisserons pas penser que le vin est un produit mauvais pour la santé s’il est consommé avec modération ou à cause de l’alcoolisme. Chez les jeunes, ce sont aujourd’hui d’autres familles d’alcool qui font des dégâts. Le vin dans une consommation modérée est un bien culturel que nous devons conserver et valoriser. » D’où les reconnaissances patrimoniales du classement des Climats de Bourgogne à l’UNESCO et la création d’une Cité Internationale de la Gastronomie et du vin.