éunissant 37 de ses 50 membres ce dimanche 13 octobre au palais des ducs de Bourgogne à Dijon, l’Organisation Internationale de la Vigne et du Vin (OIV) tient seulement pour la deuxième fois de son histoire centenaire une conférence ministérielle (la première datant de 1932). Avec notamment 17 ministres, 5 secrétaires d’État et 6 ambassadeurs dans la salle des États de Bourgogne, la conférence à haut niveau aboutit à une déclaration commune pour le centenaire de l’OIV (fondé le 29 novembre 1924). « Cette déclaration est une avancée historique pour soutenir la filière de la vigne et du vin à un moment crucial de son histoire » salue en conférence de presse John Barker, le directeur de l’OIV, pointant que les représentants gouvernementaux « ont pris en compte les éléments clés pour le secteur : le développement durable et le changement climatique, les évolutions de consommation, l’environnement incertain pour le commerce international, le besoin de valorisation culturelle de la filière. »
Les 37 pays vitivinicoles signataires* constatent d’abord les difficultés commerciales que traverse le vignoble mondial (l’OIV réunit 75 % de la production mondiale de vin). « La déconsommation » de vin « est un fait qui n’est pas propre à la France », mais « touche l’ensemble des pays viticoles » commente en conférence de presse Annie Genevard, la ministre de l’Agriculture. Dans cette déclaration, la crise est visible par la tendance de « réduction de la superficie du vignoble dans le monde, ainsi qu'une production irrégulière, voire en baisse, au cours des dernières années », par la déconsommation qui s’explique par l’« évolution des modes de consommation du vin [avec] l'évolution de la société, un environnement international incertain, l'évolution démographique et le développement de nouvelles tendances de consommation, notamment chez les jeunes, qui orientent leurs préférences vers de nouveaux produits », par « un ralentissement du commerce international du vin et la persistance de barrières techniques et non tarifaires injustifiées qui affectent le commerce dans un secteur fortement dépendant des exportations ». Diplomatie oblige, les termes sont aussi choisis que génériques, ne citant ni covid ni crise de l’inflation après l’invasion russe de l’Ukraine, ni guerres commerciales en cours (taxes chinoises sur les brandies européens, c’est-à-dire les cognacs et armagnacs).
Changement climatique
A ces tendances socioéconomiques globales, s’ajoutent les effets du changement climatique qui « amplifient les défis énoncés » avec des aléas « qui rendent difficile la gestion du potentiel de production », une météo pouvant modifier cépages et typicités des terroirs, sans oublier « une évolution possible de la géographie des régions viticoles existantes à moyen et long terme » entre le déclin de vignobles traditionnels ne pouvant plus produire sereinement (par manque d’eau comme dans les zones catalanes) et nouveaux arrivants s’installant dans des terroirs plus septentrionaux).
Pour répondre à ces défis structurels et conjoncturels, les signataires appellent à donner les moyens « à la production de s'adapter à l'évolution de la demande du marché, tout en garantissant des conditions de production de qualité, et en accordant une plus grande attention au consommateur par le biais de l'information, [de l’éduction et de la formation,] tout en sensibilisant à l'importance d'une consommation responsable ».


Concrètement, « chacun apportera la réponse qui convient » à ses vignobles répond à Vitisphere Annie Genevard, pointant que « pour la France, la filière souhaite répondre conjoncturellement et structurellement en imaginant différentes temporalités et réponses ». Estimant que 100 000 hectares sont excédentaires depuis plusieurs années, la première phase de réduction du potentiel de production va passer par un arrachage définitif à 4 000 €/ha validé par l’Union Européenne et financé par la France à hauteur de 120 millions € pour 30 000 ha. « Moins de 4 % du vignoble français » pointe Annie Genevard, qui indique vouloir « convaincre la direction générale de la Concurrence de l’Union Européenne de permettre un arrachage temporaire ».
« J’ajoute que l’on ne peut pas s’arrêter à cela » ajoute Annie Genevard, notant que « cet arrachage, qu’il soit définitif ou temporaire, ne doit pas éloigner les capacités d’avenir de la filière ». Notant que le changement des habitudes alimentaires (« l’abandon du déjeuner et du dîner familial, la moindre consommation de certains aliments… »), la ministre veut « restaurer auprès des jeunes générations la tradition, la culture, la connaissance et le plaisir du partage autour d’une bouteille de vin. Une culture que nos ancêtres avaient assez naturellement [comme] le vin c’est une tradition et une culture. Il est important de l’apprendre », bien sûr « tout en étant attentif à la dimension de santé publique ».


Même approche pour la déclaration des 37 de l’OIV, qui veulent « promouvoir le patrimoine mondial de la vigne et du vin et ses aspects historiques, culturels, humains, sociaux et environnementaux et réaffirmer la place unique de la vigne et du vin dans les pays producteurs et consommateurs », sans oublier de « souligner le rôle important de l'OIV dans la réduction des effets négatifs de la consommation nocive de boissons alcoolisées ».
* : Soit l’Albanie, l’Allemagne, l’Argentine, l’Arménie, l’Australie, l’Autriche, la Belgique, le Brésil, la Bulgarie, le Chili, Chypre, la Croatie, l’Espagne, la France, la Géorgie, la Grèce, la Hongrie, l’Inde, l’Italie, le Luxembourg, Malte, le Maroc, la Moldavie, le Monténégro, la Nouvelle-Zélande, les Pays-Bas, le Pérou, le Portugal, la République Tchèque, la Roumanie, le Royaume-Uni, la Serbie, la Slovaquie, la Slovénie, la Suisse, l’Ukraine et l’Uruguay.
Concernant la production même de vin, la déclaration commune appelle à soutenir « l'innovation, les pratiques culturales et œnologiques ambitieuses, résilientes et durables qui améliorent l'adaptation et contribuent à l'atténuation du changement climatique ainsi qu'à la biodiversité, telles que la conservation et l'utilisation de la diversité de la vigne, l'expérimentation de nouvelles variétés de vigne, l'intensification durable, les pratiques agroécologiques et d'autres approches innovantes, ainsi qu'une gestion plus efficace des ressources en eau et du sol ».