ur les 44 540 viticulteurs ayant un Casier Viticole Informatisé (CVI) et une adresse mail valide, 5 125 ont répondu à l’enquête d’intention d’arrachage de vignes lancée par FranceAgriMer sur la base des dispositifs de réduction du potentiel viticole en négociation avec Bruxelles : arrachage définitif (à 4 000 €/ha et perte de l’autorisation de replantation) ou arrachage temporaire (à 2 500 €/ha sans possibilité de replanter pendant 4 ans). Si un tiers des répondants indique ne pas souhaiter arracher, les deux autres tiers souhaitent une aide à la réduction des surfaces s’élevant sur 22 000 hectares rapporte Jérôme Despey, le président du conseil spécialisé vin de FranceAgriMer.
Dans le détail (voir infographies ci-dessous), 32 % des sondés ne veulent pas arracher, 19 % demandent uniquement l’arrache temporaire, 35 % seulement l’arrachage définitif et 14 % sont intéressés par un mélange des deux types. Au total, surfaces, les besoins porteraient sur 15 400 ha d’arrachage définitif et 6 800 ha d’arrachage temporaire. « Parmi les arracheurs définitifs, 31 % veulent arrêter toute activité viticole » relève Jérôme Despey.


Alors que les représentants de la filière française se projettent depuis la fin 2023 sur 100 00 ha de vignes à arracher afin d’éliminer 4 à 5 millions d’hectolitres de vin excédentaires, les résultats de ce sondage sont pris avec prudence. Avec un taux de réponse de 11,5 %, le panel sondé reste forcément limité comme « beaucoup n’ont vraisemblablement pas répondu » prévient Jérôme Despey, qui se base sur des extrapolations d’experts de FranceAgriMer et d’autres représentants de la filière pour estimer qu’à l’ouverture du dispositif (prévue pour la mi-octobre 2024), « on situera plutôt à la moitié de ce qui a été prévu, plutôt entre 50 et 60 000 ha que 100 000 ha » de demandes d’arrachage. Le viticulteur de Saint-Geniès-de-Mourgues (Hérault) reconnaît que parmi les élus du vignoble et du négoce, « on est tous un peu étonné qu’il n’y ait pas eu plus d’engouement au vu de ce que l’on entend » dans la filière, « peut-être que certains attendent les vendanges pour voir ».
Alors que les difficultés commerciales se font jour dans quasiment tout le vignoble français, le dispositif d’arrachage temporaire n’intéresse pas que les bassins de production de vins rouges (comme en Alsace où cela pourrait être un outil de restructuration pour le gewurztraminer), même si dans les chiffres ce sont les premiers demandeurs. Géographiquement, 10 000 ha sont demandés en Languedoc Roussillon, 4 300 ha à Bordeaux (qui diminuerait déjà ses surfaces de 8 à 20 000 ha cette année*), 4 100 ha en vallée du Rhône et Provence, 3 000 ha pour le Sud-Ouest et les 600 ha de solde dans d’autres vignobles (le sondage étant ouvert à tous les bassins viticoles, sauf celui de Champagne). « Languedoc-Roussillon et Vallée du Rhône concentrent 60 % des répondants à l’enquête » souligne Jérôme Despey.
En termes de segment de production, « les AOC sont majoritaires pour les arrachages temporaires (66 % des demandes) et définitifs (59 %), le reste concerne principalement les IGP (les vins sans indication géographique sont résiduels) » poursuit Jérôme Despey, qui indique que pour les couleurs, « sans surprise les vins rouges sont très majoritairement concernés avec 85 % des demandes, quand les blancs sont à 10 % et les rosés à 5 %. » Une analyse plus fine des résultats par département est attendu pour le prochain conseil spécialisé vin de FranceAgriMer, afin d’en tirer des perspectives budgétaires pour l’Organisation Commune du Marché vitivinicole (OCM vin).
« Le sondage doit nourrir la gestion des fonds OCM pour les appels à projet à venir » pose Jérôme Despey. Nonobstant les conséquences des élections législatives 2024 (30 juin et 7 juillet), le gouvernement actuel s’est engagé sur le dispositif depuis la fin 2023 (et les tensions dans le Languedoc), avec un budget national de 150 millions € acté début 2024 (sous la pression des manifestations) pouvant être complété par les crédits OCM sur deux campagnes (2024-2025 et 2025-2026) avec une mise en œuvre dès la fin d’année (l’objectif étant le 15 octobre 2024). « La France continue à travailler avec la Commission européenne. J’espère une notification officielle dans les prochains jours, comme prévu malgré le contexte électoral. Nous devons être au RDV pour mi-octobre » souligne Jérôme Despey. Un objectif calendaire martelé par toute la filière, qui va également affiner ses estimations d’arrachage pour se projeter sur l’affectation des budgets OCM.
Sachant que s’il y a moins de demandes d’arrachage qu’escompté, il n’est pas envisageable d’augmenter les primes de 2 500 et 4 000 €/ha pour utiliser toute l’enveloppe. « Je dois être très clair sur ce sujet : l’arrachage définitif n’existe pas dans les règles communautaires » indique Jérôme Despey, soulignant que la négociation permettant de trouver un outil de réduction du potentiel « ne peut financer que le coût réel de l’arrachage : c’est la règle, que ça plaise ou pas ». Pour changer ce cadre à l’avenir, il faudra que la filière se saisisse du sujet dans la prochaine Politique Agricole Commune (PAC), « dont les discussions s’ouvrent en 2025 » rapporte le président du conseil spécialisé vin : soit un pas de temps incompatible avec la pression économique actuel sur la filière vin.
« Dans la situation actuelle, on a voulu trouver un moyen pour accompagner ceux qui sont le plus en difficulté. Par l’arrache définitif ou temporaire. Tout en préparant l’avenir. J’ai beaucoup d’appels pour me dire qu"il faut penser à investir et que tous moyens ne passent pas dans l’arrachage" » conclut Jérôme Despey.
* : Le vignoble bordelais est déjà intégré dans un plan d’arrachage primé à 6 000 €/ha (pour 9 000 ha visés au total avec la deuxième phase en lancement pour la renaturation), mais avec des arrachages hors plan, la réduction totale serait estimée à 20 000 ha. Sans compter les friches, qui se répandent dans le vignoble bordelais, mais aussi rhodaniens et languedociens.