Jérôme Despey : Le conseil a principalement tourné autour des sujets liés à la conjoncture*, la situation étant particulièrement difficile. Pour optimiser l’accompagnement des viticulteurs, nous les incitons vraiment à répondre au sondage en ligne ("Enquête d’intention d’arrachage de vignes" ouvert jusqu’au mercredi 12 juin 23h59). Aujourd’hui, nous sommes à 10 % de réponse sur les 40 000 mails partis. C’est largement insuffisant. Je lance un appel parce qu’il est important de voir le calibrage de la mesure, entre l’arrachage pour la perte de potentiel de production, l’arrachage définitif à 4 000 €/ha avec perte de l’autorisation de replantation, et l’arrachage temporaire, à 2 500 €/ha sans possibilité de replanter pendant 4 ans. Les autorités françaises sont en négociation avec la Commission Européenne avec l’objectif d’ouvrir le dispositif et sa souscription à partir de mi-octobre. Il reste une semaine, j’incite tout le monde à répondre. Ça ne vaut pas engagement, mais ça permet de pouvoir bien quantifier les éléments vis-à-vis de la négociation budgétaire.
Je l’affirme haut et fort, on se dirige vers une seule souscription. Ceux qui pourraient penser attendre que le voisin arrache pour voir l’année prochaine s’il dépose un dossier n’y sont pas. On va aller vers une seule et unique souscription qui s’étendra peut-être sur une ou deux campagnes, mais qui s’inscrit dans le contexte particulier de trouver une solution réglementaire à l’absence de dispositif d’arrachage dans l’Organisation Commune du Marché vitivinicole (OCM vin) actuelle avant la prochaine Politique Agricole Commune (PAC). Je le répète, si d’aventure certains s’imaginent qu’il y aurait la possibilité d’établir des nouvelles demandes sur la campagne 2025-2026, ce n’est absolument pas d’actualité. L’actualité, c’est une seule possibilité de demandes qui pourra peut-être s’étaler sur plusieurs années. Mais une fois la demande faite, on ne pourra pas revenir dessus.
Le sondage n’est pas terminé. Je lance un appel à participer à la souscription. On sait que c’est toujours dans les dernières semaines, les derniers jours, les dernières heures, que l’on dépose les dossiers, mais c’est très important d’avoir un sondage réalisé grandeur nature pour porter le sujet. Cela donnerait une bonne visibilité sur la perte de potentiel définitif ou temporaire. Nous avons 150 millions € de crédit d’état assurés, le reste sera financé au travers OCM vitivinicole. Ce deuxième semestre 2024, nous allons rentrer dans les appels à projets des mesures de l’OCM vitivnicole et en fonction du calibrage de cette mesure structurelle pour abaisser le potentiel de production, il va y avoir réfaction sur des montants financiers, des critères à adapter… Plus l’analyse d’intention des viticulteurs sera précise, plus on pourra calibrer les mesures.
C’est la priorité du conseil spécialisé ce deuxième semestre. Ce 5 juin nous avons déjà acté la décision ouvrant la promotion sur le marché intérieur de 10 millions € (une mesure essentiellement utilisée par les interprofessions). Nous consommons actuellement tous les crédits OCM, nous décaissons énormément (avec la distillation de crise partiellement portée par les fonds européens) et cela continuera ces trois prochaines années (avec les mises en paiement de l’investissement et de la promotion avec des moyens supplémentaires et des taux plus importants depuis la crise covid). Nous sommes dans une situation de trésorerie dans laquelle nous allons rapidement arriver aux 270 millions € de l’OCM. Il va falloir regarder avec les nouvelles mesures ce que pourront représentent les appels à projet.
J’entends que l’on veut maintenir en priorité une politique de promotion, mais aussi de restructuration et d’investissement. Il n’y aura pas de miracle avec une OCM vin de 270 millions €. La filière aura à s’exprimer pour arbitrer. Tout le monde devra se mettre autour d’une table pour savoir ce qui est prioritaire. Les débats commenceront dès cet été et dureront jusqu’au mois d’octobre. On va être à la tâche pour donner des directions, d’où l’importance du sondage. Si l’on veut pouvoir piloter il faut avoir une vision.
C’est le volume qui a été distillé deux fois, en conséquence de la crise covid et de la guerre en Ukraine/la baisse de consommation conjoncturelle notamment sur les régions de vins rouges. La filière a toujours dit qu’il y avait un besoin de 100 000 hectares à retirer sur deux campagnes, mais sans pouvoir distinguer la part de définitif et de temporaire.
Nous sommes en train de terminer la deuxième distillation, avec sa dernière vague. Bien sûr, on peut tout demander en tant que syndicaliste : de la distillation et de l’arrachage ! Mais je crois avoir compris que le quoiqu’il en coûte n’est plus d’actualité… Et je sais que la crise agricole touche d’autres secteurs de production. La discussion avec la Commission Européenne cherche à trouver des solutions pour accompagner la diminution du potentiel de production, pour s’attaquer au problème structurel. Sinon, on pourrait appeler cette année à une troisième campagne de distillation, et l’année prochaine à une quatrième et même à une cinquième… Nous ne sommes pas viticulteurs pour envoyer notre production à la distillerie. Il faut raisonner l’équilibre entre l’offre et la demande. Il faut pouvoir accompagner ceux dans la difficulté et penser à ceux qui restent et veulent investir. Le rôle du conseil spécialisé est de trouver un équilibre à toutes les suggestions. Il y a aujourd’hui des régimes de distillation possibles, mais aux prix de ces débouchés (jus industriels, bioéthanol…).
Nous demandons des solutions pour le stockage privé et l’accompagnement des entreprises dans les changements de modèle économiques et les fusions. Nous poursuivons tout le travail du plan de filière pour une la stratégie de conquête de parts de marché, pour la mise en adéquation avec l’offre et la demande, pour des investissements de protection contre les aléas climatiques… Au-delà des aspects conjoncturels et structurels, il faut une stratégie de segmentation. Est-ce que l’on se donne la capacité de produire des volumes que l’on va chercher ailleurs pour les vins effervescents, les vins d’apéritif… Comment est-ce que l’on rebondit ? Quelle est la vision qui permet d’enrayer la déconsommation ? Les éléments de stratégie de conquête seront présentés avant la prochaine vendange. Il n’y a pas de résignation face aux difficultés réelles auxquelles nous cherchons des accompagnements. Il ne faut laisser personne sur la route.
Tout le monde dans quasiment tous les départements a touché au moins un acompte. Je souhaite que les soldes définitifs soient réglés d’ici la mi-juin.
* : Jérôme Despey indique qu’un autre sujet majeur traité aura été « la simplification avec de grosses avancées sur les contrôles. Il n’y en aura plus pour l’arrachage préalable et le suivi des plantations ne sera plus automatique mais passera par une analyse de risque. Nous étudions aussi des mesures de simplification dans les appels à projet pour permettre d’alléger des tensions. »