D’abord, l’inflation a fait très mal, avec une rentabilité qui n’est plus là, car les prix n’ont pas suivi l’évolution des charges. Le coût de l’énergie, ou les aides publiques comme l’indemnité compensatoire au handicap naturel (ICHN), qui correspond à la pensée d’origine de la Politique Agricole Commune (PAC) de diminuer les inégalités territoriales, sont déjà des leviers de retour à la rentabilité. Ensuite, la segmentation des qualités en adéquation avec le marché est un autre axe important. Car si vous faites des vins inadaptés au marché, on ne parle même plus de prix, car quand on ne vend pas, ça rapporte zéro et c’est encore pire que des prix trop bas. Enfin, cette variable de prix est conditionnée à l’équilibre entre offre et demande, pour laquelle l’arrachage va apporter un rééquilibrage, mais qui va prendre du temps, parce qu’à l’heure actuelle, nous ne parvenons pas à réduire l’offre à hauteur de la demande, malgré la distillation qui a sorti des volumes.
Qu’est-ce qui coince pour y parvenir ?
L’arrachage y contribuera, mais de manière définitive. La régulation par le marché est la plus difficile, mais les Vignerons coopérateurs d’Occitanie travaillent sur une proposition de gestion de l’offre collective, solidaire à présenter devant le conseil de bassin. La régulation de l’offre a déjà été prise en main au niveau interprofessionnel avec des dispositifs comme le GPS au CIVL ou le BIC pour InterOc, pour ajuster l’offre de l’entreprise avec ses capacités de commercialisation. Mais la loi est un facteur limitant qui empêche de parler prix. C’est un autre axe de travail pour pouvoir s’appuyer sur des textes de loi efficaces dans des cas précis.
Aujourd’hui, en Occitanie, nous évaluons à 10 % le différentiel de volume en trop entre l’offre et la demande. Donc, compte tenu des variations annuelles de production, si nous retirons en moyenne 1 million hl chaque année, nous sommes à l’équilibre. Réguler 10 % de la production à hauteur d’une exploitation est relativement facile, mais à hauteur d’une grande région comme la nôtre, c’est tout de suite plus compliqué.
Il y a des situations très difficile, voire dramatiques pour certaines caves, qui peuvent encore avoir 50% de leurs volumes de vins non vendus. Outre l’arrachage, l’accompagnement pour la restructuration des caves est une urgence d’aide de la part des pouvoirs publics. C’est un élément essentiel pour restructurer l’offre par rapport à la demande, et éviter un drame social et humain qui n’est finalement lié qu’à un déséquilibre de 10%. Aujourd’hui, la proportion de caves coopératives à restructurer est assez importante. On ne va pas passer à côté de fusions, d’absorptions, mais certaines sont en mesure de restructurer leur offre de manière indépendante, ou créer des unions. Des services complémentaires et mutualisés entre caves peuvent exister à l’image des 13 coopératives qui se sont accordées pour proposer une offre vrac commune autour du salon Bulk d’Amsterdam.
Beaucoup de possibilités sont ouvertes mais une chose est sûre, quand il y a un manque de trésorerie, de matériel adapté ou de compétences, il faut bouger. Les pouvoirs publics doivent aider car même des fusions peuvent arriver trop tardivement et laisser des viticulteurs sur le carreau. Dans la région, on peut évaluer à une cinquantaine de coopératives qui vont se retrouver très vite dans le dur si elles ne réagissent pas. La fusion n’est pas la seule possibilité, et c’est justement en ce sens que notre fédération met à disposition des juristes, les modèles envisageables, les données du service économique pour accompagner les caves dans ces périodes difficiles. Seules les mieux structurées dans leur offre pourront continuer à avancer.
Restructurer l’offre, et retrouver des prix rémunérateurs donc…
Un pan entier de la viticulture peut disparaître car on n’arrive pas à réguler sur les prix. L’exemple des quelques centimes supplémentaires par bouteilles qui suffiraient en grande distribution est criant mais nous n’arrivons toujours pas à réguler et avancer sur ce point. Le CNIV a la main sur ces discussions, ainsi qu’InterOc et nous sommes en soutien. Cette question des prix en révèle une autre en fond, celle des marges : des opérateurs grossissent ou maintiennent leurs marges au détriment de la production, c’est là-dessus qu’il faut pouvoir avancer.
Au niveau de la consommation, une mutation profonde s’est opérée sur les segments de vins qui se vendent, avec un effondrement du cœur de gamme. Les vins qui se vendent sont soit chers, soit pas chers du tout. Sauf que notre région s’est développée justement sur ce cœur de gamme de 5 à 7€, qui ne se vendent plus aujourd’hui. Il faut donc être en mesure de monter en gamme sur une grande partie des vins produits par nos coopératives, sans que cela ne rime forcément avec une hiérarchisation AOP. Les intervenants de la dernière AG InterOc ont montré qu’il existe nombre de marques internationales avoisinant les 15€, sur des profils et des types de produits que l’on sait parfaitement réaliser en Occitanie, avec des volumes importants. Mais force est de constater que notre filière n’a pas su créer l’outil pour porter ce type de marque mondiale. On ne serait pas en train d’arracher sinon. Et là on ne parle pas de quelques centimes d’écarts par bouteilles mais jusqu’à 10€. Cela doit être l’objectif : comment structurer notre production pour aller vers ça ?
Le vin s’inscrit de moins ne moins dans un moment de vie autour du repas. Il faut donc chercher à aller vers tous les autres instants de consommation, et inventer les produits de demain. Il ne faut pas hésiter à explorer toutes les pistes de produits à base de raisins susceptibles de correspondre à des besoins du marché pour se vendre. En Occitanie et ailleurs, nous avons des progrès à faire sur cet angle-là.
Cette IGP a démarré sur la base d’une construction intelligente entre négoce et production, où l’utilisation d’un signe de qualité d’origine permettait à la production de se défendre. C’est une IGP qui était calée pour se négocier autour de 80€/hl. Malheureusement, l’inflation a fait très mal, et au lieu d’être au-dessus des 80€/hl pour suivre le cours de cette inflation, le marché est en-dessous. L’équation est donc très difficile car l’inflation diminue un peu mais les prix ont diminué quand les charges de production n’ont jamais cessé d’augmenter, en particulier sur des postes de main d’œuvre incontournables pour la viticulture.