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Les grands crus classés à l'épreuve du changement climatique
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Les vignes bougent
Les grands crus classés à l'épreuve du changement climatique

Véritables locomotives techniques, les grands crus actionnent les leviers de l’encépagement aux couverts végétaux pour être moins exposés aux aléas et plus raccords avec les attentes du marché.
Par Alexandre Abellan Le 22 avril 2024
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Les grands crus classés à l'épreuve du changement climatique
Loin d’être sous cloche, la viticulture haute couture des grands crus classés s’adapte à la nouvelle donne agroécologique, ici avec Félix Soulagnet, Audrey Ricordi et Vincent Bache-Gabrielsen au château Pédesclaux. - crédit photo : Alexandre Abellan
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’il faut que tout change pour que rien ne change, selon l’aphorisme du Guépard de Giuseppe de Lampedusa, les grands crus classés de Bordeaux manient l’art de l’évolution dans le cadre de la tradition. « On est ancrés, pas figés » résume Adrien Planas de Giacomoni, responsable de zone commerciale au château Gruaud Larose (82 hectares de vignes de grand cru classé en 1855 à Saint-Julien). Domaines privilégiés par les marchés et soutenus par des investisseurs, les grands crus peuvent effectivement s’inscrire dans le temps long des adaptations au changement climatique. Exemple pratique avec le château Pédesclaux (Pauillac), qui revisite de fond en comble son vignoble (cépages, enherbement…) et son travail au chai (pour s’adapter aux marchés).

Alors que résonnait la sentence du critique américain Robert Parker (« la vie est trop courte pour boire du Pédesclaux » en 2003), le rachat en 2009 de la propriété par la famille Lorenzetti a permis au cru classé en 1855 de repartir d’une page blanche. Il y avait tout à reconstruire et « pas d’image de vin à défendre » résume Vincent Bache-Gabrielsen, le directeur général du (de 46 hectares de vignes en production). Passant d’abord par la restructuration du vignoble, les travaux n’ont pas manqué de s’affranchir de certaines idées ancrées dans le vignoble. Comme la supériorité qualitative des vieilles vignes. « Nous avons arraché les parcelles de vieilles vignes plantées après le gel de 1956 ou dans les années 1970. Leur visée était productiviste et au final les jeunes vignes font des raisins de meilleure qualité » tranche Vincent Bache-Gabrielsen.

Matière organique contre le changement climatique

Qui souligne un « gap qualitatif » grâce à la qualité du matériel végétal pour les cépages (avec une partie de sélection massale) et les porte-greffes (notamment le 101-14 MGt pour sa résistance à la sécheresse, et le fercal en cas de calcaire), le changement de l’encépagement (plus de cabernet sauvignon et franc pour retrouver des équilibres frais sans excès d’alcool, moins de merlot, qui est retiré des terroirs précoces où il peut virer à la confiture alcoolisée, mais maintenu sur les sols calcaires et argileux)… Pour les primeurs 2023, le premier vin de Pédesclaux est désormais composé à 70 % de cabernet sauvignon et seulement 20 % de merlot). Visible dans le Médoc comme à Saint-Émilion, la cabernisation est à l’œuvre pour s’adapter à la nouvelle donne climatique (et ses effets sur les maturités). Mais avec des spécificités à chaque situation, le petit verdot n’ayant pas eu les résultats attendus pour le premier vin note par exemple Audrey Ricordi, maître de chai du château Pédesclaux.

Couvert végétal et compost

Si l’adaptation du matériel végétal est un levier permettant de lutter contre la tendance climatique, il doit s’appuyer sur la stimulation de la vie des sols ajoute Vincent Bache-Gabrielsen, qui croit « que le rehaussement du taux de matière organique permet de lutter contre le changement climatique ». La propriété mise pour cela sur le compost (issu d’un partenariat avec un vigneron médocain) et les couverts végétaux (finie l’image d’Épinal de la parcelle médocaine au sol nu comme une table de billard). Particulièrement mobilisé sur les engrais verts, Félix Soulagnet, le chef de culture du château Pédesclaux, rapporte le long travail d’expérimentation nécessaire pour monter en précision sur les couverts végétaux. Les essais successifs lui ont permis de gagner en précision et complexification, avec l’amélioration du matériel de semoir (venu des grandes cultures pour s’adapter aux vignes étroites), de l’expertise du mélange (avoine, seigle, féverolle, moutarde…), de l’adaptation à chaque parcelle (semer tous les rangs ou un rang sur deux, selon chaque cas enfouir avec des disques pour booster la vigueur ou rouler rapidement pour traiter le début de campagne)…

Très technique, « l’engrais vert active le cycle de l’azote et du carbone de matière naturelle » et de maintenir la structure des sol (la porosité étant préalablement assurée par une décompaction) pointe Félix Soulagnet, notant qu’il permet « d’augmenter la percolation de l’eau dans le sol l’hiver, et de conserver plus d’eau en réduisant l’évaporation en saison avec le paillage. Ce sont des millimètres précieux, à garder dans les sols. »

Notre problématique

L’implantation des engrais vert est évolution forte de la viticulture moderne pointe Vincent Bache-Gabrielsen, rappelant qu’il y avait encore dix ans de « forts freins aux fortes densités [de plantation] sur l’humidité sous les pieds. Comment maintenir le couvert sans avoir un microclimat favorable au mildiou ? Notre problématique est de détruire assez tôt le couvert. » Félix Soulagnet ajoute que d’autres pratiques culturales vont dans le sens de la réduction du risque mildiou et de l’exposition aux coups de chaud : l’adaptations de l’effeuillage (selon l’exposition pour protéger du soleil les grappes) et du rognage (rabaissé).

Inspiration biodynamie

Certifié bio depuis le millésime 2022, le château Pédesclaux a fait face à la forte pression mildiou du millésime 2023. Entre stations météo sur site, suivi de terrain des oospores de mildiou et mesure de la pousse des vignes, la propriété a misé sur la viticulture de précision pour optimiser ses traitements et limiter la casse. 70 à 80 % des traitements phytos sont accompagnés de tisane rapporte Félix Soulagnet, évoquant les décoctions d’ortie, de prêle, de saule, d’écorce de chêne, de bourdaine… Une approche inspirée par des essais en biodynamie, dont l’application reste actuellement à la carte. « Nous utilisons les préparations 500 et 501, nous suivons le calendrier lunaire pour planter (sur lune descendante et éviter les nœuds lunaires) » précise le chef de culture.

S’ils peuvent inspirer des essais, tous les principes de la biodynamie ne donnent pas des résultats probants permettant de les retenir note Audrey Ricordi. La vinificatrice rapportant que les tests de microfermentation par levures indigènes ont donné des profils aromatiques loin d’être nets, à cause de populations levuriennes variables. Mettant à profit un chai 100 % gravitaire (de la réception vendange à la mise en bouteille), Audrey Ricordi note que l’optimisation des pratiques viticoles* permet de proposer des vins modernes, sur la buvabilité plus que sur la densité. « Nos terroirs permettent d’aller vers ce type de produit et toutes les décisions à la vigne et au chai nous y conduisent » indique la maître de cave. « On se remet toujours en cause dans ce que l’on fait » ajoute Vincent Bache-Gabrielsen, notant que « chercher de la fraîcheur correspond à l’évolution naturelle des consommateurs pour des vins moins boisés et moins denses ».

Notre vérité

Le changement de la consommation ? « On l’écoute et on l’accompagne. Nous ne sommes pas dans notre tour d’ivoire, même si l’on a deux tours sur la propriété » ironise Adrien Planas de Giacomoni, notant qu’à Gruaud-Larose comme ailleurs, les crus classés sont connectés pour rester dans le marché : « notre vérité n’est pas forcément celle des acheteurs, négociants et consommateurs ». Et les notoriétés ne sont jamais gravées dans le marbre, imposant de toujours évoluer sans se dénaturer… Bref, tout changer dans la production pour que rien ne change dans la bouteille.

 

* : Par exemple un travail d’équilibre entre potasse et magnésie dans les sols et les vignes. Comm le rapporte Félix Soulagnet, « selon le porte-greffe, l’assimilation peut être moindre pour la magnésie par rapport au potassium. Comme on souhaite garder des pH plus faibles (pour garder de l’équilibre, donner une meilleure stabilité face au risque Brettanomyces et augmenter l’efficacité du SO2), on apporte de la magnésie. Ça ne se fait pas de suite, mais on y travaille depuis deux ans et ça commence à payer. »

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