i la pluie planait sur les rencontres nationales des Vignerons Indépendants ces lundi 25 et mardi 26 mars dans les Pyrénées-Orientales, les précipitations sont trop faibles pour redonner le sourire aux vignerons catalans. « Nous subissons depuis deux ans de longues périodes de sécheresse, conjuguées à de longues périodes de canicule l’été et de réchauffement des températures le reste de l’année » pose à la tribune du théâtre des Aspres (Thuir) Guy Jaubert, le président des Vignerons Indépendants du Roussillon, qui revendique 300 adhérents pour 800 hectares de vignes et 200 000 hectolitres de vin. Soit un rendement moyen de 25 hl/ha depuis quelques années, : « c’est malheureusement devenu normal » soupire Guy Jaubert, pointant que « le climat du Roussillon est aujourd’hui comparable à celui de la Jordanie. Ce qui se traduit par un manque crucial d’eau qui pénalise directement les récoltes et hypothèque sérieusement celles à venir ». Le vigneron catalan ajoutant que « si l’accès à l’eau est une réponse pour ceux qui pourront y prétendre. L’évolution des pratiques est incontournable dès maintenant et sans tarder pour engager la transition. »
Sur le terrain, les attentes sont concrètes, comme celles de René Olive, maire de Thuir et président de la communauté de communes des Aspres, dont 81 % du territoire est viticole et dont le nom veut dire aridité… « Depuis 13 ans nous portons un projet d’irrigation. Ne perdons pas l’espoir » souligne l’édile. Indiquant perdre 50 à 60 ha de vignes par an face aux défis climatiques, « sur 1 500 ha ça va vite » note Antoine Parra, le maire d’Argelès-sur-Mer et président de la communauté de communes de la Côte Vermeil.
« La réponse au changement climatique ne sera pas unique, il faudra utiliser la boîte à outils la plus large et complète possible » poursuit au micro Jean-Marie Fabre, le président des Vignerons Indépendants de France, pour qui il faudra une boîte à outils allant de l’accès à l’eau à son stockage, en passant par des outils de protection des aléas, l’assurance récolte, des réserves climatiques, des cépages anciens et résistants… Car le dérèglement climatique affectent les performances quantitatives, qualitatives et donc la pérennité des domaines prévient le vigneron de Fitou (Aude).
Face à la sécheresse inédite qui touche les Pyrénées Orientales, le littoral de l’Aude et de l’Hérault, « l’État doit être au rendez-vous de son destin climatique. Cette région doit être pilote, doit être test de notre réponse collective. Des missions sont engagées par les différents ministères pour calibrer les bonnes réponses » indique Jean-Marie Fabre.
Appelant à se saisir de Vitilience, le futur réseau de 20 sites d’adaptations viticoles au changement climatique, , le ministre de l’Agriculture, Marc Fesneau, annonce dans une vidéo enregistrée pour l’ouverture des rencontres que « l’adaptation et la résilience face au changement climatique sont une urgence dans beaucoup de territoires pour que perdurent les activités viticoles. Le ministère accompagnera projets avec les outils de la planification écologique [notamment le] fonds de souveraineté et de transition, je pense en particulière aux régions les plus touchées. » Le ministre soulignant que « chaque vigneron doit pouvoir vivre des fruits de son travail aujourd’hui et dans les décennies à venir. C’est un enjeu déterminant pour le renouvellement des générations » alors que « nous partageons la conviction profonde que la recherche, que l’innovation, que l’équipement permettront, comme ils l’ont déjà fait en agriculture, de relever le défi immense du dérèglement climatique. »
« La course à l’innovation, forcément c’est important, mais il y a d’abord une question de méthode » prévient le consultant Fabien Leduc, du cabinet rhodanien Emmanuel Gagnepain, qui appelle les vignerons à bien connaître leurs sols en multipliant des fosses pédagogiques pour pour bien comprendre les facteurs limitants de chaque sol pour y optimiser la prospection des racines de vigne. Car « il faut mettre de la précision, le changement climatique ne pardonne pas les erreurs » prévient le consultant, notant que « si vous avez encore la chance d’avoir l’eau qui tombe sur vos terres, occupez-vous de sa pleine efficience ». Les principes d’agronomie et de pédologie permettant aux vignerons d’optimiser l’infiltration de l’eau (par la porosité notamment) et de limiter les pertes (en retenant l’eau par la matière organique, la structure du sol, etc.). Les marges de manœuvre existent note Fabien Leduc, pour qui le choix des porte-greffes est décisif pour bien s’adapter aux limitations et contraintes de chaque sol.
« Il y a une différence fondamentale entre souffrir la sécheresse et souffrir de la chaleur. Surtout pour Vitis vinifera » alerte également Fabien Leduc ce 26 mars à Thuir.